M. Sarkosy, dans l'ivresse impudente de sa belle élection, n'a pas craint de gonfler son salaire présidentiel, déjà indécent pourtant, et, plus grave encore, de retirer aux français la liberté d'approuver ou non par référendum le traité de Lisbonne. Comme le dit traité n'a presque rien changé au projet de Constitution Européenne que la majorité du peuple avait refusé de ratifier précédemment, on devine que le président redoutait un nouvel échec. Ce n'était pas une raison pour commettre un tel déni de démocratie. Personnellement, j'avais dit oui à la constitution, sans conviction, par désir de voir progresser la construction européenne d'une façon décisive. Les arguments des opposants ne manquaient pas de poids : la seule Europe du commerce allait-elle imposer indéfiniment ses vues, au détriment du social ? Pourquoi nos sociétés n'adopteraient-elles pas obligatoirement les règles des pays les plus protecteurs pour leurs populations, au lieu de donner l'impression de rechercher sans cesse un nivellement par le bas ? Ce ras-le-bol d'un libéralisme destructeur aurait sans doute conduit les français à un non plus massif encore que la première fois. En bon serviteur des intérêts de la France du fric, Sarkosy, nous traitant par le mépris, a supprimé le référendum pendant que la majorité des Français pensait à autre chose, béate encore d'admiration devant ses numéros d'esbroufe. Oui, mais voilà ! chassez la volonté des peuples par la porte, elle revient par la fenêtre… Les irlandais, paraît-il, penchent vers le non —car, chez eux, c'est encore au peuple qu'on demande son avis avant de l'engager sur des voies incertaines. Faut-il y voir une menace pour l'Union Européenne, ou au contraire une chance qui nous serait donnée de la reconstruire sur de meilleures bases ? Moi, j'aime l'idée d'une véritable Europe fédérale, avec un parlement bénéficiant d'un réel pouvoir, et un gouvernement représentatif des peuples plutôt que des milieux économiques, mais ce n'est pas dans l'air du temps. Alors, je balance entre la satisfaction de voir le traité revenir dans la gueule des truqueurs, et l'inquiétude de voir les souverainistes reprendre du poil de la bête dans une Europe figée. Pas meilleure pour autant.
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