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jeudi 2 octobre 2008

Privileges : la minute de populisme

Le personnel politique français, du président jusqu'au plus insignifiant des députés —et même parfois jusqu'à certains maires—, a opéré au fil des républiques, la Ve et actuelle en particulier, une sorte de rapt dissimulé sur la démocratie. Je veux dire qu'il s'est constitué peu à peu un magot de privilèges, dont une bonne partie n'est même pas identifiable parce que cachée dans les tréfonds de textes abscons, ou simplement dissimulée sous des pratiques, des coutumes ignorées. Même s'il serait excessif et injuste de prétendre que nos élus ne font pas, dans l'ensemble, leur boulot avec sérieux, compétence, ou de nier qu'il y ait parmi eux nombre de personnalités de tous bords politiques ayant une haute conscience de leurs devoirs, il reste qu'ils constituent aujourd'hui de fait une caste. Et l'existence d'une caste est incompatible avec la démocratie. Pour couper court à toute velléité de remise en question de cet état de chose, les politiques et leurs affidés intellectuels, ont coutume de lancer l'accusation de populisme ou de démagogie, dès qu'une anomalie choquante est relevée par un auteur ou un journaliste. Cela vient encore de se produire à propos du fameux appartement à vie de M. Poncelet. L'infortuné ex-président du sénat a, cette fois, dû compter avec la crainte qu'inspire au gouvernement la montée du ras-le-bol des français devant les réformes destructrices de la justice sociale qui leur sont imposées, aggravées par la crise. Il a dû faire savoir qu'il abandonnerait son appartement gratuit… lorsqu'il quitterait le sénat en 2014. On ne voit pas pourquoi il conservera si longtemps un appartement qui lui a été attribué parce qu'il trouvait le logement de fonction du Président du sénat trop petit. Ce matin, France-Inter évoquait aussi la gratuité des voyages en train dont continuent de bénéficier les sénateurs retraités. C'était dit par le journaliste sur un ton réservé, presque gêné de se laisser aller au vice de démagogie. Qu'y a-t-il cependant d'anormal à ce que les citoyens soient mis au courant des abus qui se commettent dans l'ombre du pouvoir? J'ai entendu pareillement un extrait de la colère piquée par M. Charasse lorsqu'on lui faisait observer que le budget confortable du sénat ne faisait l'objet d'aucun contrôle. Il a éructé en substance que c'était là un effet de la séparation des pouvoirs… La cour des comptes étant une institution judiciaire, je suppose. Il n'empêche qu'il devrait exister un moyen de porter à la connaissance du peuple français l'utilisation qui est faite de son argent, jusqu'au moindre cent, par ses représentants. Et cela d'autant plus que le sénat est le poids mort de la nation à tous égards, mais j'ai déjà donné mon point de vue à ce sujet.
Tous ces petits scandales, sans cesse dénoncés et toujours renouvelés —à commencer par l'indécente augmentation de salaire de M. Sarkozy, suivant celle des députés—, participent à l'exaspération du pays envers ceux qui le dirigent, et l'on se demande comment et grâce à qui l'on pourra un jour vivre en démocratie. Il faudrait que dominent et l'emportent, dans tous les partis politiques, les voix de ceux qui aspirent à changer la politique… En attendant, on peut toujours s'amuser à rêver d'un jour où l'on verrait une cohorte d'hommes et de femmes d'état sortir en cortège de l'Élysée pour se rendre au Mac Do de la rue Saint-Honoré qui n'existe pas encore. Nicolas Sarkozy faisant des politesses à Angela Merkel devant une table, talonnés par V. Poutine, G. Brown, et le reste de la bande, chacun avec son cornet de frittes et son petit plateau… Et notre président, fidèle à lui-même, lançant à la cantonade pour la caissière : «Envoyez la note à l'Élysée, c'est la France qui régale !»

Sur le sujet, le Nouvel Obs

2 commentaires:

  1. c'est vrai partout...y compris dans l'entreprise (notes de frais, voitures de fonction, téléphones portables...). Mon père a gardé jusqu'à la fin de sa vie, la clef des toilettes réservées à son "grand" patron qu'il avait subtilisée en partant.

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  2. Partout, sans doute, Martine, mais l'entreprise est du domaine privé, en général, tandis que la république, ses institutions,sont le bien des citoyens.

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