L'actualité française de la semaine écoulée a été surprenante, avec même quelque chose d'irréel, certains jours. Cela commença avec la révélation de l'importance insoupçonnée du chiffre 6 dans notre vie publique. Ainsi, lundi 6 Avril, il apparut que 6% de nos concitoyens restaient attachés à la grandeur de la France, sensibilité à laquelle on peut attribuer les 6 points de popularité soudainement gagnés par Nicolas Sarkozy, passé de 42% au mois de Mars, à 48 % en Avril. Même si l'on ne partage pas cet enthousiasme, il faut cependant saluer la double performance, physique et d'amour propre, d'un président qui, du G20 au sommet de l'Otan, sera resté stoïquement dressé sur la pointe des pieds, rehaussant de 6 cm le prestige de notre pays auprès d'un Barak Obama, certes toujours trop grand, mais apparu quelque peu dégingandé (toutefois dans la grandeur le style compte aussi )…
D'une toute autre nature, mais également surprenante, fut la tempête de protestations haineuses de la droite, après le discours de Dakar de Ségolène Royal. Une fois de plus, on doit à celle-ci d'avoir démontré que l'opposition n'a pas à hésiter de contrer avec clarté et fermeté le chef de tribu campant à l'Élysée. Le soutien pondéré qu'elle avait auparavant apporté aux séquestrations d'employeurs avait déjà incité les leaders socialistes à s'engager plus franchement sur le terrain de la contestation du pouvoir. En quelques jours, Mme Royal aura ainsi réussi à stimuler la combativité du premier parti d'opposition, ce dont on peut la remercier.
Le débat qui suivit et qui dure encore à propos des actes de séquestration, indiscutablement condamnables —appréciées à la lettre de la loi—, m'a remis en mémoire des événements autrement tragiques dans l'histoire des luttes ouvrières.
Dans le bassin houiller du nord-Aveyron, où je suis né, on se transmettait entre générations le souvenir des grèves impitoyables du XIXe siècle. Particulièrement celle de 1886, fort longue. Or, à Decazeville, le 26 Janvier de cette année là, M. Watrin, directeur des houillères, se retrouva assiégé dans un bâtiment, lequel fut littéralement pris d'assaut par les mineurs et leurs épouses en colère. On le défenestra, il en mourut.
La répression qui s'ensuivit, menée par 2000 hommes de troupe, dont les dragons de Carcassonne, déchaîna les passions à travers la France. La presse réactionnaire aussi bien que républicaine aboyait sur «un petit nombre de meneurs […] qui ne poursuivent qu'un but: exciter les ouvriers contre le patronat et le capital…», cependant que des mouvements et manifestations de sympathie naissaient un peu partout.
Comme on l'imagine, l'affaire Watrin s'acheva en arrestations, jugements, et condamnations, tandis que la grève se poursuivait sporadiquement. Le 2 mai 1886, à Paris, 100 000 manifestants défilaient pour soutenir les grévistes de Decazeville. Au mois de Juin, enfin, la compagnie des mines accordait une hausse des salaires (la benne de charbon payée 2 francs au lieu de 1,90), qui donnait le signal de la reprise du travail…
On le voit, depuis ces temps de violence, la nature des conflits a bien changé, et l'on ne peut guère comparer l'affaire Watrin aux contraintes symboliques qu'il arrive encore aux travailleurs désespérés d'imposer à leurs employeurs. Il faut se féliciter de cette évolution et souhaiter que le patronat, qui pour sa part est resté sur ses traditions d'inflexibilité à priori, s'humanise aussi. Et pour conjurer la violence, Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'abstenir de chausser, même symboliquement, des bottes de dragon…
Jeudi, retour en force du merveilleux et des chiffres magiques dans la vie politique. 300 députés de l'UMP avaient fait le mur du palais Bourbon, sans se concerter. Chacun devait imaginer que son absence passerait inaperçue au milieu de tous les autres, bien présents pour rendre la copie d'Hadopi… Ils avaient un casse-croûte en ville, un téléchargement de DVD à faire, une maîtresse à honorer, un train à prendre pour rentrer plus vite à la maison: on ne sait, faute de publicité faite aux 300 mots d'excuses… Manque de bol, en réalité 15 bons élèves UMP seulement occupaient les bancs de l'assemblée, contre 21 de l'opposition… Hadopi fut donc rejetée, comme on sait, à la surprise générale. Cet amusant épisode de la vie parlementaire pose tout de même une question embarrassante: quelle idée les 541 députés absents de l'hémicycle se font-ils de leur fonction? S'agissant du vote d'une loi liberticide, leur désinvolture vis à vis du peuple qui finira peut-être par la subir est choquante. Peut-être faudra-t-il un jour séquestrer les députés à l'Assemblée nationale pour obtenir qu'ils nous respectent?
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D'une toute autre nature, mais également surprenante, fut la tempête de protestations haineuses de la droite, après le discours de Dakar de Ségolène Royal. Une fois de plus, on doit à celle-ci d'avoir démontré que l'opposition n'a pas à hésiter de contrer avec clarté et fermeté le chef de tribu campant à l'Élysée. Le soutien pondéré qu'elle avait auparavant apporté aux séquestrations d'employeurs avait déjà incité les leaders socialistes à s'engager plus franchement sur le terrain de la contestation du pouvoir. En quelques jours, Mme Royal aura ainsi réussi à stimuler la combativité du premier parti d'opposition, ce dont on peut la remercier.
Le débat qui suivit et qui dure encore à propos des actes de séquestration, indiscutablement condamnables —appréciées à la lettre de la loi—, m'a remis en mémoire des événements autrement tragiques dans l'histoire des luttes ouvrières.
Dans le bassin houiller du nord-Aveyron, où je suis né, on se transmettait entre générations le souvenir des grèves impitoyables du XIXe siècle. Particulièrement celle de 1886, fort longue. Or, à Decazeville, le 26 Janvier de cette année là, M. Watrin, directeur des houillères, se retrouva assiégé dans un bâtiment, lequel fut littéralement pris d'assaut par les mineurs et leurs épouses en colère. On le défenestra, il en mourut.
La répression qui s'ensuivit, menée par 2000 hommes de troupe, dont les dragons de Carcassonne, déchaîna les passions à travers la France. La presse réactionnaire aussi bien que républicaine aboyait sur «un petit nombre de meneurs […] qui ne poursuivent qu'un but: exciter les ouvriers contre le patronat et le capital…», cependant que des mouvements et manifestations de sympathie naissaient un peu partout.
Comme on l'imagine, l'affaire Watrin s'acheva en arrestations, jugements, et condamnations, tandis que la grève se poursuivait sporadiquement. Le 2 mai 1886, à Paris, 100 000 manifestants défilaient pour soutenir les grévistes de Decazeville. Au mois de Juin, enfin, la compagnie des mines accordait une hausse des salaires (la benne de charbon payée 2 francs au lieu de 1,90), qui donnait le signal de la reprise du travail…
On le voit, depuis ces temps de violence, la nature des conflits a bien changé, et l'on ne peut guère comparer l'affaire Watrin aux contraintes symboliques qu'il arrive encore aux travailleurs désespérés d'imposer à leurs employeurs. Il faut se féliciter de cette évolution et souhaiter que le patronat, qui pour sa part est resté sur ses traditions d'inflexibilité à priori, s'humanise aussi. Et pour conjurer la violence, Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'abstenir de chausser, même symboliquement, des bottes de dragon…
Jeudi, retour en force du merveilleux et des chiffres magiques dans la vie politique. 300 députés de l'UMP avaient fait le mur du palais Bourbon, sans se concerter. Chacun devait imaginer que son absence passerait inaperçue au milieu de tous les autres, bien présents pour rendre la copie d'Hadopi… Ils avaient un casse-croûte en ville, un téléchargement de DVD à faire, une maîtresse à honorer, un train à prendre pour rentrer plus vite à la maison: on ne sait, faute de publicité faite aux 300 mots d'excuses… Manque de bol, en réalité 15 bons élèves UMP seulement occupaient les bancs de l'assemblée, contre 21 de l'opposition… Hadopi fut donc rejetée, comme on sait, à la surprise générale. Cet amusant épisode de la vie parlementaire pose tout de même une question embarrassante: quelle idée les 541 députés absents de l'hémicycle se font-ils de leur fonction? S'agissant du vote d'une loi liberticide, leur désinvolture vis à vis du peuple qui finira peut-être par la subir est choquante. Peut-être faudra-t-il un jour séquestrer les députés à l'Assemblée nationale pour obtenir qu'ils nous respectent?
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Tu as raison de mettre Sarkofrance en lien sous patronat, c'est un type qu'arrête pas de bosser.
RépondreSupprimerOui les députés sont un peu oléolé. MAis bon je ne suis pas sûr qu'ils avaient tous bien compris à quel point cette loi pouvait se révéler dangereuse
RépondreSupprimerreste à inverser le 6 pour faire du 9,du neuf, du neuf!
RépondreSupprimerOui, les députés mériteraient que leurs électeurs s'occupent d'eux...
RépondreSupprimerIntéressant, l'épisode Watrin. Toujours un plaisir de vous lire.
Nicolas, non seulement il bosse, mais il parlait justement du patronat aujourd'hui.
RépondreSupprimerGaël, Il me semble que ce qui les distingue des citoyens ordinaires, c'est d'avoir la possibilité d'étudier à fond et de bien comprendre les implications des lois qu'ils ont à voter.
Hermes, redoubler le 6 est plus facile que de faire du 9 avant le 12… ;-)
Marie-Georges, on devrait rendre public le noms des députés absents dans ces grandes occasions, afin que cela redescende jusqu'à leur circonscription.
Merci de votre visite et de me lire.
Et le départ de Marcellin ?
RépondreSupprimerJ'espère que cela n'est pas trop éloigné de vos préoccupations.
RépondreSupprimerA l'époque (et même plus tard) on n'avait pas des gouvernements de rigolos... Ils n'hésitaient pas à faire tirer dans le tas !
RépondreSupprimerQuant aux députés et élus, ils serait peut-être temps de leur faire remarquer que c'est plutôt à eux de nous cirer les chaussures et pas le contraire. Ils sont là grâce à nous et pas le contraire.
«Ils avaient un casse-croûte en ville, un téléchargement de DVD à faire, une maîtresse à honorer, un train à prendre pour rentrer plus vite à la maison»
RépondreSupprimerAh on les imagine drapés de tricolores à défendre les valeurs de leur mandat et on les retrouve occupés à de basses œuvres humaines. L'UMP, c'est plus ce que c'était !
:-))
[Beau rappel pour les grèves d'antan, les racines vont loin !].
Peut-être une petite gâterie sous les toits d'un immeuble cossu avec une jeune et jolie étrangère sans papier et corvéable à souhaits.........
RépondreSupprimerVoilà un beau résumé de la semaine. Conclure avec Hadopi et l'importance que les députés ont de leur fonction (et pour laquelle ils sont PAYES) est un joli coup !
RépondreSupprimerBrully,
RépondreSupprimerMarcellin? Raymond Marcellin? le ministre de l'intérieur des années 60, anciennement décoré de la francisque par le régime de Vichy? Heu, je ne vois pas trop le rapport, quelque chose m'échappe.
le-gout-des-autres,
les gouvernements, les temps étaient plus durs, mais qui peut dire ce que sera demain?
Pour les députés, je crois que l'essentiel du problème de leur absentéisme réside dans le cumul des mandats, qui est un scandale en soit. L'interdire, serait une des vraies réformes à faire pour nous rapprocher de la démocratie.
M Poireau,
Ce sont des suppositions imaginaires, mais il est à parier que sur le "gros" tas des absents, plus d'un étaient dans ce cas!
;-)
Macao
Va savoir! ?
Homer
Sarkozy à Strasbourg, avec Obama, Ségolène à Dakar et au coeur de la protestation, Hadopi et l'absentéisme à l'Assemblée… il me semble que c'étaient les principaux sujets de la semaine…
À tous: excusez mon retard à répondre!