Mes chers parents,
dans votre dernière lettre vous m'avez reproché de trop vous parler de mes soucis avec le majordome qui est un grand saligaud, et pas assez de ce qui se passe au palais. Alors voilà, je m'y colle pour vous faire plaisir. Cet après-midi, Nicolas 1er notre empereur jouait aux sept familles avec le sapir des choses du dehors et le bon Saint Henri, son conseiller préféré pour les parties de cartes importantes. Moi, j'étais dans la pièce à côté, pour apporter les bières et passer les petits-fours… J'entendais tout ce qu'ils disaient. À un moment, par exemple, y a le Bien Aimé qui a dit:
—Dans la famille Gabon, je demande le fils!
—Votre majesté, c'est moi qui l'ai et j'aimerais le garder, si je puis me permettre, qu'a répondu Ménard Couché, le sapir du dehors.
—Mon cul! Allez hop, tu me l'expulses… J'ai besoin de lui.
Ils ont discutaillé un moment, le sapir prétendait que c'était une vieille carte toute tachée, tellement pleine de défauts que ça déparerait le jeu d'un aussi grand empereur, mais le Bien Aimé a fini par taper du pied et l'autre s'est couché, comme d'habitude.
C'est là que le Premier conseiller est arrivé. Il venait pour expliquer à l'empereur le programme de son voyage officiel de demain en Plate Vikinguie. D'après ce que j'ai compris, il y aura un bataillon de gardes en civils pour faire les habitants. C'est mieux, parce que ça laisse pas de place pour les râleurs. Et puis le bailli de Vikinguie a paraît-il invité plein de gens du pays, rien que des nicolistes garantis pur jus, bien sûr. M. Cloclo le Béant, le conseiller, a dit en montrant des papiers:
—Voici le décors qui sera mis en place par notre réalisateur, sire…
De loin, j'ai pas bien vu les dessins, mais il me semble qu'il y aura une estrade pour l'empereur, avec une autre devant réservées aux caméras de Télé-Nicolas et des télés étrangères.
—Vous prononcerez votre allocution ici, et derrière-vous, sire, seront rangés en demi-cercle des apprentis vêtus de blouses blanches.
—Hum! t'as pensé à l'angle des prises de vue, Cloclo? Faut faire gaffe à ça, he!
— Soyez sans crainte, sire, j'ai passé la consigne au bailli: aucun figurant de plus d'un mètre soixante-trois… Tout au fond, nous aurons des représentants des ploucs du coin, mâles et femelles en égales proportions, dont un Franchois de l'immigration, mais je ne connais pas encore la couleur… Vous avez une préférence?
—Ma foi, j'aurai une chemise bleue, costume sombre, ou peut-être gris souris… Je ne sais pas encore, c'est Lala qui choisit pour moi au dernier moment… Essaye que ça jure pas trop aux infos…
—Nous en mettrons deux différents en réserve pour voir ça sur place. Ah! et puis il y aura sans doute un handicapé, parce qu'il faut montrer que vous pensez à eux, même si la plupart d'entre-eux ne paient pas l'impôt sur les chaussures.
—Comment ça! Ils sont exemptés?
—Non, sire, mais il y a beaucoup de culs-de-jatte.
Après, ils ont parlé des moyens de transport prévus, un avion pour les journalistes, et un gros hélicoptère pour l'Empereur et ses sapirs. Y aura la sapir de la cassette et celui du chômage, je crois…
Je vais vous laisser là, mes chers parents, parce que je voudrais regarder un joli livre que j'ai trouvé en faisant le ménage. C'est écrit petit avec plein de pages et y a pas d'images… Faudrait du temps, ça fait un peu peur, surtout que je devrai encore réciter mes trois «Notre Nicolas» avant de dormir.
Votre fille aimante,
Adèle
Un article de presse sur un sujet voisin
dans votre dernière lettre vous m'avez reproché de trop vous parler de mes soucis avec le majordome qui est un grand saligaud, et pas assez de ce qui se passe au palais. Alors voilà, je m'y colle pour vous faire plaisir. Cet après-midi, Nicolas 1er notre empereur jouait aux sept familles avec le sapir des choses du dehors et le bon Saint Henri, son conseiller préféré pour les parties de cartes importantes. Moi, j'étais dans la pièce à côté, pour apporter les bières et passer les petits-fours… J'entendais tout ce qu'ils disaient. À un moment, par exemple, y a le Bien Aimé qui a dit:
—Dans la famille Gabon, je demande le fils!
—Votre majesté, c'est moi qui l'ai et j'aimerais le garder, si je puis me permettre, qu'a répondu Ménard Couché, le sapir du dehors.
—Mon cul! Allez hop, tu me l'expulses… J'ai besoin de lui.
Ils ont discutaillé un moment, le sapir prétendait que c'était une vieille carte toute tachée, tellement pleine de défauts que ça déparerait le jeu d'un aussi grand empereur, mais le Bien Aimé a fini par taper du pied et l'autre s'est couché, comme d'habitude.
C'est là que le Premier conseiller est arrivé. Il venait pour expliquer à l'empereur le programme de son voyage officiel de demain en Plate Vikinguie. D'après ce que j'ai compris, il y aura un bataillon de gardes en civils pour faire les habitants. C'est mieux, parce que ça laisse pas de place pour les râleurs. Et puis le bailli de Vikinguie a paraît-il invité plein de gens du pays, rien que des nicolistes garantis pur jus, bien sûr. M. Cloclo le Béant, le conseiller, a dit en montrant des papiers:
—Voici le décors qui sera mis en place par notre réalisateur, sire…
De loin, j'ai pas bien vu les dessins, mais il me semble qu'il y aura une estrade pour l'empereur, avec une autre devant réservées aux caméras de Télé-Nicolas et des télés étrangères.
—Vous prononcerez votre allocution ici, et derrière-vous, sire, seront rangés en demi-cercle des apprentis vêtus de blouses blanches.
—Hum! t'as pensé à l'angle des prises de vue, Cloclo? Faut faire gaffe à ça, he!
— Soyez sans crainte, sire, j'ai passé la consigne au bailli: aucun figurant de plus d'un mètre soixante-trois… Tout au fond, nous aurons des représentants des ploucs du coin, mâles et femelles en égales proportions, dont un Franchois de l'immigration, mais je ne connais pas encore la couleur… Vous avez une préférence?
—Ma foi, j'aurai une chemise bleue, costume sombre, ou peut-être gris souris… Je ne sais pas encore, c'est Lala qui choisit pour moi au dernier moment… Essaye que ça jure pas trop aux infos…
—Nous en mettrons deux différents en réserve pour voir ça sur place. Ah! et puis il y aura sans doute un handicapé, parce qu'il faut montrer que vous pensez à eux, même si la plupart d'entre-eux ne paient pas l'impôt sur les chaussures.
—Comment ça! Ils sont exemptés?
—Non, sire, mais il y a beaucoup de culs-de-jatte.
Après, ils ont parlé des moyens de transport prévus, un avion pour les journalistes, et un gros hélicoptère pour l'Empereur et ses sapirs. Y aura la sapir de la cassette et celui du chômage, je crois…
Je vais vous laisser là, mes chers parents, parce que je voudrais regarder un joli livre que j'ai trouvé en faisant le ménage. C'est écrit petit avec plein de pages et y a pas d'images… Faudrait du temps, ça fait un peu peur, surtout que je devrai encore réciter mes trois «Notre Nicolas» avant de dormir.
Votre fille aimante,
Adèle
Un article de presse sur un sujet voisin
La fiction a toujours un petit pas d'avance. C'est ce que je me dis encore en lisant cette lettre qui dit mieux qu'un article de presse le système de Nico(tine?... celle qui tue!)
RépondreSupprimerHermes,
RépondreSupprimerhem, je ne sais pas trop que te répondre… Sauf merci. Mais l'article du temps est bien plus complet et documenté de première main…
L'empire empire en pire sans rire ni sourire.
RépondreSupprimerLes sapirs soupirent sous l'ire du grand homme en délire.
Comment sortir de l'empire pour ne plus gémir ? Peut-être découvrir le pays des menhirs, où l'empereur n'ose guère venir.
Et puis laisser la situation pourrir, l'insurrection grandir, l'empereur déguerpir....
Bravo ! Ça c'est du texte !
RépondreSupprimerGwendal,
RépondreSupprimermerci… Bravo, ça c'est de la lecture, ;-)
Babelouest,
RépondreSupprimerAh, les menhirs, les druides, tout ça ! Tu m'as fait sourire quand même.
Heureusement que Lala est là pour vêtir notre Bien aimé !
RépondreSupprimerBravo, ça c'est du commentaire ;-)
RépondreSupprimerTrès bons liens. Cela tombe bien, ton texte s'affiche en grands caractères sur mon écran. C'est un paramètre que tu as changé sur ton blog ?
RépondreSupprimer@u Coucou
RépondreSupprimerEh ! maintenant que je suis presque breton d'adoption.... après tout, l'avenue à côté de mon immeuble mène directement de Nantes à Brest....
Vivent les chapeaux ronds !
Est ce écrit plus gros ou ma vue s'est elle améliorée ? Rires
RépondreSupprimerUn petit coucou, comme ça...
À tous: désolé pour le retard, je n'ai pas eu le loisir de bloguer aujourd'hui.
RépondreSupprimerMlle ciguë,
heureusement, les femmes sont là, sinon nous irions encore à poil, faire nos allocutions à la caverne-bistro!
Nicolas,
bravo! ça c'est du…, enfin, c'est très bien, continuez mon garçon!
Mtislav,
liens presque sur mesure. Si le texte était petit, tu n'aurais pas remarqué?
Il y a déjà un petit moment que j'ai élargi les colonnes de mon modèle de blog, et j'en ai profité pour augmenter la taille de la police…
Babelouest,
Alors, dans ce cas, je comprends tout. Vive les bretons, ça fera plaisir à NIcolas aussi!
Bérénice,
comme je l'ai dit à Mtislav, j'ai augmenté le corps de la police de caractères. J'ajoute que j'avais envie de faire ça depuis longtemps: je trouve que les billets de blogs sont généralement écrits trop petit. Les lire peut-être pénible, et je suis souvent tenté de survoler…
Heureusement, ce n'est qu'une fiction…
RépondreSupprimer:-))
[Bon sang on aurait pas cru ça possible il y a pas même dix ans !].
Filaplomb,
RépondreSupprimerl'orchestration policière des déplacements officiels, avec claque, zone "sanitaire" élargie, etc, a atteint des sommets avec le président actuel.
Mais ce n'est pas totalement nouveau. Je me souviens d'avoir été invité à l'inauguration d'une fondation artistique par un premier ministre futur président (c'est la direction de la fondation qui m'invitait, pas le ministre). Il y avait eu au préalable une enquête sur mon compte et celui de ma femme, ce qui ne me semble pas anormal: assurer la sécurité de responsables politiques doit être difficile, et s'accommoder mal de l'improvisation.