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mardi 24 novembre 2009

Nicolas Sarkozy fait campagne

Les Français sont capables de tout, le meilleur comme le pire. Au nom de la règle du jeu et d'une main placée je ne sais où, au cours d'une partie de foot, ils s'enflamment. À côté de ça «au nom du symbole, les Français peuvent renverser le pays», rappelait Nicolas Sarkozy en personne. Tout dépend de la façon d'apprécier le meilleur et le pire, bien sûr, mais on peut s'interroger.

Les gens seront-ils assez couillons pour se laisser prendre aux gesticulations du Français-en-chef, lancé dans la campagne électorale des régionales? Vont-ils gober sa promesse de reconquérir les quartiers sensibles, et de réaliser ce qu'il a raté en sept longues années et plus de responsabilités —comme ministre de l'intérieur, puis comme président?

C'est toujours sur le ressentiment de la population envers les fauteurs de désordre, réels ou supposés, que M. Sarkozy espère fonder une victoire électorale. Il y a réussi plus d'une fois, gonflant les rangs d'une droite à peu près immuable avec ces flux d'électeurs gagnés sur Le Pen et le marais des sans opinion. Son retour au discours sécuritaire va de pair avec le débat sur l'identité nationale lancé par Éric Besson, dans l'espoir évident que la sourde xénophobie véhiculée par cette démarche lui sera profitable.

N. Sarkozy devrait plutôt apparaître aujourd'hui davantage comme un facteur de désordre et de mal-être que de sécurité, ce n'est plus forcément le meilleur terrain pour lui. En revanche l'affaire de l'identité nationale pourrait avoir des effets plus pervers qu'il n'y paraît, bien que la majorité des Français semble accorder moins d'importance à la nationalité qu'aux Droits de l'homme, d'après un sondage.

Le guide à l'usage des préfectures destiné à la conduite des débats locaux, recèle des propositions qui visent lourdement les étrangers, quelle que soit leur situation par rapport à la loi. Si le débat voulu par M. Sarkozy et son ministre de la honte s'instaure réellement, la gauche ne pourra se contenter d'y parler de la seule régularisation des sans-papiers. Le discours officiel est biaisé, mais le fait que notre pays comporte une proportion importante de candidats à la nationalité, ou de Français issus de l'immigration, invite à régler un jour ou l'autre cette question «identitaire».

On l'a dit et redit: la France est le produit de multiples mélanges de populations, de cultures, qui se sont fondues dans une seule Histoire. C'est de celle-ci qu'est sortie en 1789 la République et ses valeurs: tout cela doit aussi devenir impérativement un bien en partage avec les nouveaux arrivants. En d'autres termes, notre pays doit rester une terre d'accueil, mais y prendre racines, implique de s'ancrer dans son Histoire.


6 commentaires:

  1. Le discours officiel est biaisé, mais le fait que notre pays comporte une proportion importante de candidats à la nationalité, ou de Français issus de l'immigration, invite à régler un jour ou l'autre cette question «identitaire».

    C'est même pire que biaisé. Je ne vois pas d'autre solution que de rejeter la question en bloc, du moins en ces termes, "identité nationale". Déjà si c'était au pluriel : quelles identités nationales ? Et encore, l'identité n'est pas une question nationale. C'est donc pour ça que, à mon avis, ce n'est pas une question qui peut être réglée, par qui que ce soit.

    Bien sûr, cela pose un problème de manoeuvre politique. Comment refuser ce faux débat sans avoir l'air anti-patriotique, apeuré, etc. ?

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  2. Vouloir limiter artificiellement l'identité nationale comme une chose finie est le piège de la question, tenter d'y répondre est dès lors accepter d'en exclure certains.
    L'identité nationale est en cours et à venir !
    :-))

    [Son grand huit à Paris m'a l'air assez bien aussi dans le genre manip politicienne ! :-)) ].

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  3. Ca veut dire quoi "s'ancrer dans l'histoire" ? Nous faire le coup de nos "ancêtres les Gaulois" à mon copain Tonnégrande, Guyanais d'adoption et Africain d'origine ?

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  4. J'ai eu le plaisir ce matin d'entendre Iago Besson avoir beaucoup de mal à défendre l'indéfendable, allant jusqu'à s'enferrer dans des mensonges si gros que même les journalistes n'osaient rire. Se faire administrer une leçon de savoir-vivre en direct par B.Guetta, bref, se trouver face à des contradictions inconciliables et impossibles à maquiller.
    Finalement, il ressortait du sondage qui lui fut jeté à la figure qu'au fronton des mairies que notre devise était incomplète.
    La bonne devant être "Liberté, Egalité, Fraternité, Sécurité Sociale"...

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  5. M. Poireau,
    Je suis en partie d'accord avec toi, comme une précision indispensable dans cette discussion gênante (le simple fait qu'on la refuse prouve qu'elle gêne. Le fait qu'elle gêne démontre son intérêt). On ne peut pas borner cette «identité» nationale comme une chose définitive. Elle se transforme depuis toujours. Simplement, elle est nécessairement assise, à un moment donné, sur l'histoire passée. Ce n'est exclure personne que de faire comprendre aux nouveaux venus qu'il est leur est nécessaire de prendre en compte un passé qui n'est pas le leur. L'inverse n'a pas de raison d'être, du point de vue de la citoyenneté.

    Nicolas,
    Ah, le coup de "nos ancêtres les Gaulois"! J'ai failli conclure le billet avec une plaisanterie là-dessus, pour justement anticiper ce genre de bifurcation sur une voie sans issue. Laissons les Gaulois en paix, ils n'ont pas plus d'intérêt là-dedans que "nos ancêtres les premiers hommes partis de quelque part en Afrique"…

    Il s'agit pour le nouveau citoyen, de s'installer dans une histoire qui était là avant lui, de prendre part à son évolution avec un regard nécessairement neuf, mais en
    intégrant une communauté différente de celle de ses origines. Cette dernière notion "d'intégrer une communauté" ne me satisfait qu'à moitié, parce que vouloir acquérir une nouvelle nationalité est un acte personnel, qui va fondre un individu dans un ensemble, une communauté nationale qui le dépasse et prime sur lui, comme elle dépasse en fait chacun de nous.

    La solidarité de personnes de même origine est une chose naturelle, respectable, de même qu'un certain atavisme dans le mode de vie intime. En revanche le fait de rejeter les valeurs républicaines issues de notre histoire, par fidélité à d'anciennes attaches pose un problème réel.

    Je me sens autant Européen et citoyen du Monde que Français, peut-être même davantage, mais ce sont les enseignements de la République Française qui m'ont fait ce que je suis. Il ne me viendrait pas à l'esprit de le nier. L'idée d'appartenance à une nation française n'est absolument pas une idée de droite. On pourrait presque dire, en exagérant à peine, qu'elle est même de gauche, puisque née avec la Révolution. Je voulais simplement dire ici que ce débat lancé par Sarko-Besson dans les jambes de la gauche n'est empoisonné qu'en apparence. Il était latent dans la société depuis longtemps: la gauche ferait mieux d'y riposter sans fausse pudeur.

    P-S. Le hasard fait bien les choses: je viens de lire chez ma dentiste, dans un N° récent de l'Obs, une chronique de Jacques Julliard, qui contient un peu ce que j'essayais d'exprimer. En plus intelligent et mieux argumenté que chez moi, ce qui ne gâte rien. Je l'ai retrouvée sur leur site…


    Le-gout-des-autres,
    je n'ai pas pu écouter ça, et je ne regrette rien, je suis allergique à Besson. Le sondage en question est une superbe réponse au coup fourré qu'il méditait avec Sarkozy. Par contre, je crois qu'il existe réellement, ou qu'il existera un problème, disons…, "d'adhésion nationale" qui mériterait d'être résolu un jour. Je trouve que la gauche devrait relever que l'enseignement public, dont c'était autrefois l'une des réussites, n'a plus les moyens d'éduquer à la citoyenneté —de même qu'ont disparu beaucoup de mécanismes d'insertion traditionnels.

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  6. Omelette,
    j'allais t'oublier, désolé… J'ai l'impression d'avoir abondamment répondu plus haut sur ce que tu relèves… On comprend que le dégoût de ce qui inspire le pouvoir sarkozyste te fasse rejeter son débat. Mais non, il n'y a pas "des identités nationales". Il s'agit d'une notion unificatrice dont la réalité ne se vérifie que dans les grandes occasions, où le sentiment d'appartenir à la même nation est partagé par tous. Pour le reste, il semble bien que les Français ne se sont pas laissés prendre à l'appât de Besson, puisque les réponses au sondage nous ramènent aux valeurs essentielles de la république. Celles qu'il me paraît indispensable de savoir partagées par tous.

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