S'il fallait démontrer que toutes les personnes utilisant les mots démocratie ou démocratique, pour qualifier notre régime politique, sont soit naïves, soit de très mauvaise fois, c'est fait. La preuve vient d'en être apportée par Bernard Accoyer, président de l'Assemblée Nationale, qui a rejeté comme irrecevable la demande des élus socialistes d'une commission d'enquête sur les dépenses et l'utilisation des sondages payés par l'Élysée.
M. Accoyer a tenté de justifier cette fin de non-recevoir au nom de deux principes: l'un, institutionnel —la séparation des pouvoirs— «qui serait remis en cause», et l'autre, «celui de la responsabilité politique du chef de l'Etat qui s'exerce devant le peuple et en aucun cas devant l'Assemblée».
On peut donc en tirer l'enseignement que les députés sensés représenter le peuple ne le remplacent pas. Nicolas Sarkozy étant soupçonné d'avoir abusé du budget de la présidence en multipliant des sondages, qu'il utilisait pour manipuler l'opinion, il semblerait indispensable de tirer l'affaire au clair. Le soupçon est peut-être infondé, néanmoins comment le savoir? Si le peuple seul est théoriquement habilité à demander des comptes au président, ce serait de quelle manière?
Il n'a jamais été prévu dans nos républiques [sauf par la première Constitution, qui fut la fille mort-née de la Révolution], et singulièrement l'actuelle, la Ve, de donner au peuple les moyens de s'occuper de ses propres affaires. Le personnel politique, sans doute unanime là-dessus, nous rétorquera que la parole nous sera octroyée pour l'élection présidentielle. Fort bien, mais ce sera dans deux ans, et alors, qui rendra public pendant la campagne électorale tous les documents permettant de juger le président sortant? Personne évidemment: cela deviendra tout au plus un sujet de polémique vaseuse, et le candidat-président ne rendra pas plus de comptes au peuple demain qu'aujourd'hui.
Les gens qui nous représentent confisquent de fait au peuple le droit de se faire entendre à tout moment, et cependant ils ne peuvent rien faire de ce pouvoir arraché à notre souveraineté. Il y aurait là une colossale anomalie, si l'on omettait de prendre en considération que nous ne sommes pas une démocratie. Certes, avec l'autocrate agité qui occupe l'Élysée, tout le monde a conscience que l'on vit une présidence plus proche d'un régime autoritaire que de l'idéal républicain, mais Nicolas Sarkozy à lui seul ne suffit pas à expliquer notre dépossession de la démocratie.
Prenez n'importe quel autre présidentiable et mettez-le à sa place…
Tenez, au hasard, Dominique Strauss-Kahn… Qui pourrait croire que, s'il est choisi demain par le PS, et s'il est élu, il changera fondamentalement la nature de ce régime? Il n'est assurément pas du genre à vouloir bouleverser les institutions du pays. Pas du genre à nous donner sans y être forcé une nouvelle constitution. Celle d'une république où le président serait responsable pour la totalité de ses actes de gouvernement devant le parlement —qui dispose seul de la compétence technique pour le contrôler. Celle d'une république où un million de Français, sans intervention du moindre député, pourraient exiger l'organisation d'un référendum national sans exclusive du domaine concerné.
DSK est encore un de ces hommes brillants dont nos écuries politiques ne sont pas avares, mais c'est très loin, vraiment loin d'être suffisant pour susciter l'envie de voter pour lui.
P-S. À lire sur Le Pavé, un hommage mérité rendu au CNRS et à Recherche publique… À redécouvrir, si nécessaire, le blog intergalactique de Dr No… Si vous aimez Pearltrees comme moi, c'est le moment de leur donner un coup de main!
M. Accoyer a tenté de justifier cette fin de non-recevoir au nom de deux principes: l'un, institutionnel —la séparation des pouvoirs— «qui serait remis en cause», et l'autre, «celui de la responsabilité politique du chef de l'Etat qui s'exerce devant le peuple et en aucun cas devant l'Assemblée».
On peut donc en tirer l'enseignement que les députés sensés représenter le peuple ne le remplacent pas. Nicolas Sarkozy étant soupçonné d'avoir abusé du budget de la présidence en multipliant des sondages, qu'il utilisait pour manipuler l'opinion, il semblerait indispensable de tirer l'affaire au clair. Le soupçon est peut-être infondé, néanmoins comment le savoir? Si le peuple seul est théoriquement habilité à demander des comptes au président, ce serait de quelle manière?
Il n'a jamais été prévu dans nos républiques [sauf par la première Constitution, qui fut la fille mort-née de la Révolution], et singulièrement l'actuelle, la Ve, de donner au peuple les moyens de s'occuper de ses propres affaires. Le personnel politique, sans doute unanime là-dessus, nous rétorquera que la parole nous sera octroyée pour l'élection présidentielle. Fort bien, mais ce sera dans deux ans, et alors, qui rendra public pendant la campagne électorale tous les documents permettant de juger le président sortant? Personne évidemment: cela deviendra tout au plus un sujet de polémique vaseuse, et le candidat-président ne rendra pas plus de comptes au peuple demain qu'aujourd'hui.
Les gens qui nous représentent confisquent de fait au peuple le droit de se faire entendre à tout moment, et cependant ils ne peuvent rien faire de ce pouvoir arraché à notre souveraineté. Il y aurait là une colossale anomalie, si l'on omettait de prendre en considération que nous ne sommes pas une démocratie. Certes, avec l'autocrate agité qui occupe l'Élysée, tout le monde a conscience que l'on vit une présidence plus proche d'un régime autoritaire que de l'idéal républicain, mais Nicolas Sarkozy à lui seul ne suffit pas à expliquer notre dépossession de la démocratie.
Prenez n'importe quel autre présidentiable et mettez-le à sa place…
Tenez, au hasard, Dominique Strauss-Kahn… Qui pourrait croire que, s'il est choisi demain par le PS, et s'il est élu, il changera fondamentalement la nature de ce régime? Il n'est assurément pas du genre à vouloir bouleverser les institutions du pays. Pas du genre à nous donner sans y être forcé une nouvelle constitution. Celle d'une république où le président serait responsable pour la totalité de ses actes de gouvernement devant le parlement —qui dispose seul de la compétence technique pour le contrôler. Celle d'une république où un million de Français, sans intervention du moindre député, pourraient exiger l'organisation d'un référendum national sans exclusive du domaine concerné.
DSK est encore un de ces hommes brillants dont nos écuries politiques ne sont pas avares, mais c'est très loin, vraiment loin d'être suffisant pour susciter l'envie de voter pour lui.
P-S. À lire sur Le Pavé, un hommage mérité rendu au CNRS et à Recherche publique… À redécouvrir, si nécessaire, le blog intergalactique de Dr No… Si vous aimez Pearltrees comme moi, c'est le moment de leur donner un coup de main!
On ne saura donc jamais si la démocratie est ou non un bon système : Elle n'a jamais vraiment été mise en application.
RépondreSupprimerCar, enfin, le droit de vote n'est pas le seul critère d'une démocratie, que les élus doivent rendre des comptes au peuple en est un aussi et indispensable.
D'abord bravo !
RépondreSupprimerOui, le peuple est sans-droit face aux gens qu'il a lui-même élus, c'est quand même incroyable. Pourtant n'importe quel contrat de travail prévoit une période d'essai durant laquelle on peut virer le personnel sans autre forme de procès et pas pour la présidence ? :-))
[En plus, acheter des sondages, c'est preuve d'incompétence, il y en a plein les journaux !!! :-)))) ].
Catégorie A (actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi)
RépondreSupprimerCatégorie B (actes positifs de recherche d'emploi, en activité réduite courte)
Catégorie C (actes positifs de recherche d'emploi, en activité réduite longue)
Catégorie D (sans actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi)
Catégorie E (sans actes positifs de recherche d'emploi, en emploi)
Total A+B+C+D+E = 4 629 000 demandeurs d'emploi.
Ce chiffre total de 4 629 000 demandeurs d'emploi est caché dans le tableau page 15 :
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-4.pdf
Le coucou, je plussoie!
RépondreSupprimer(et merci pour le petit mot en fin de billet :-))
Tout à fait. La démocratie semble perdue, et même quand la voie du peuple se fait entendre (pour la Poste), on ne l'écoute plus.
RépondreSupprimerOù sont passé les promesses de referendum, d'implication des gens dans la vie politique et pour les choix qui les concernent?
Un président responsable devant le parlement ? Bof. On ne pourrait pas avoir une République avec un président fantoche, comme dans le temps et comme dans la plupart des démocraties ?
RépondreSupprimerMoi qui croyais que les pouvoirs du Parlement avaient été grandis depuis la réforme constitutionnelle votée par Jack, on m'aurait menti ?
RépondreSupprimerMiha,
RépondreSupprimeril y a une démocratie en Europe, c'est en Suisse, et c'est la seule. On peut lui trouver tous les défauts qu'on voudra —les esprits bornés et tous ceux qui ne veulent pas de la démocratie par intérêt personnel ne s'en privent pas—, on peut estimer par exemple qu'elle est trop bourgeoise, mais c'est ignorer qu'elle est ce que les Suisses veulent qu'elle soit (du moins ceux des citoyens qui ont envie de s'occuper de leur propre destin en participant aux votations: comme partout, les abstentionnistes subissent de façon méritée ce que les citoyens actifs décident à leur place).
M. Poireau,
le peuple est presque sans droits, et du coup, cette confiscation de la démocratie alimente depuis toujours le mépris à peine dissimulé des citoyens envers les politiques. Ce mécontentement chronique est endigué par les lois qui protègent le système en ne permettant aux citoyens que de choisir parmi quelques propositions partisanes —jamais d'en modifier le contenu pour le rapprocher de leurs attentes. En cela nos politiques sont des autruches qui ne veulent pas voir le risque révolutionnaire que cela fait lentement mûrir. Ils parient sur l'embourgeoisement des esprits, la peur de l'inconnu, sans voir que la dégradation continuelle des aspects protecteurs de notre société accroît le nombre de ceux qui n'ont rien à perdre. Tôt ou tard, s'ils veulent se soustraire à l'exigence de participation du peuple aux décisions, ils seront obligés d'accentuer les contraintes, de brider davantage les libertés… et de précipiter un inévitable retour de balancier.
BA, merci, comme d'habitude.
Julien,
ouf, j'aime mieux ça que moinssoie…
Homer,
Non, non! Tu es trop pessimiste: la démocratie reste à gagner, on ne peut pas regretter quelque chose que l'on ne connaît pas.
Et il n'y a pas de promesse de référendum digne de ce nom, seulement une imposture.
Nicolas,
S'il y a une nouvelle constitution, le rôle du président serait inévitablement redéfini… Le problème de la république que nous avions dans le temps, avec son président fantoche, venait de ce que le poids excessif du parlement fragilisait l'exécutif à l'extrême et la France était difficilement gouvernable. Il y a sans doute quelque chose de nouveau à imaginer…
Dans la seule démocratie du monde (arrêtons un jour de galvauder ce mot), la Suisse, le pouvoir exécutif est détenu par le Conseil fédéral, élu pour 4 ans renouvelables. Le Président de la Confédération fait partie de ce dernier, mais il n'est élu que pour UN an, et son rôle est surtout de représentation.
Pazmany,
pour le moment, comme prévu, la réforme constitutionnelle a surtout augmenté les pouvoirs du président. Le reste, le petit reste, est à l'état de promesse. Et Lang est toujours au PS, marrant?
Merci de ta réponse !
RépondreSupprimerJe crois que ce système a fait illusion le temps où l'ascenceur social et une certaine protection collective fonctionnait. C'est l'éclatement de ces deux piliers qui oblige à présent le peuple à rouvrir les yeux sur une réalité : ils donnent et ne reçoivent plus !
:-))
M. Poireau,
RépondreSupprimerpendant "les trente glorieuses" les gens s'émerveillaient simplement de vivre beaucoup mieux que leurs parents, le reste les laissait presque indifférents. Et en effet, maintenant c'est le phénomène inverse qui se passe: les gens voient peu à peu leur vie se dégrader…
Connaissez-vous le patron de Pôle Emploi Christian Charpy ?
RépondreSupprimerChristian Charpy a été conseiller technique de Simone Veil au ministère des Affaires sociales (Premier ministre : Edouard Balladur).
Christian Charpy a été ensuite directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy au ministère de la santé (Premier ministre : Edouard Balladur).
Christian Charpy a été enfin conseiller social du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Charpy
Bref, Christian Charpy est un mec de droite. Sa mission : communiquer les chiffres du chômage de la catégorie A, et seulement de la catégorie A.
Si Christian Charpy était honnête, il dirait aux Français quel est le nombre total des demandeurs d'emploi.
Total A+B+C+D+E = 4 629 000 demandeurs d'emploi.
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-4.pdf