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jeudi 14 janvier 2010

Le révérend et le Saint-Père —sotises

Hier soir, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai rédigé un billet sur Haïti à contre-courant de l'émotion générale. Non pas que je sois insensible au malheur des Haïtiens, loin de là! D'ailleurs, je n'ai pas publié ce texte, justement par respect pour les tourments de tous ceux qui sont mêlés de loin ou de près à la catastrophe. Les survivants, les familles, les amis des amis. Les morts s'en contrefichent…

Comme souvent, c'est le déchaînement malsain de passion médiatique, la surenchère de commisération et de communiqués officiellement charitables, qui m'avaient arraché un ricanement déplacé. Dans le malheur extrême, même les bonnes paroles, du moment qu'elles aboutissent à la fourniture d'aide matérielle, valent mieux que le sarcasme.

Ceci étant dit, ce n'est pas du fond de ma province que je serai d'une grande utilité aux Haïtiens, même en mêlant mon obole à la solidarité sonnante et trébuchante. Une solidarité nécessaire plus que jamais, puisque nous vivons dans un monde où les états peuvent sauver les banques, mais sont incapables de secourir les hommes de façon efficace. Je donnerai, comme l'a fait l'ami Yann Savidan, les coordonnées de la Croix-Rouge, et d'organismes recueillant les dons, tout en sachant que, dans un cas pareil, le lecteur n'a pas besoin de moi pour trouver le chemin de la tire-lire.

Très loin d'ici, des centaines de milliers de gens sont touchés par un cataclysme, et pourtant la vie continue. Comme m'y invitait Nicolas à qui je confiai mes doutes, je continue néanmoins à écrire des conneries dans mon blog… Je ne suis pas le seul, remarquez, c'est même ce qui m'a encouragé à revenir sur le sujet par le portillon de l'absurde.

Dans Great America, blog de la correspondante de Libération à Washington, on peut lire que Pat Robertson, un célèbre télévangéliste Américain, propose une explication au destin tragique d'Haïti. Selon lui, tout a commencé à cause de Napoléon III qui opprimait les Haïtiens. Ces derniers ont conclut un pacte avec le diable pour qu'il les débarrasse des Français… Et ça a marché, mais depuis Haïti est maudite! «C'est une histoire authentique!», a dit le Dr Robertson.

Vous conviendrez, j'espère, que moi, avec ma petite boutade autocensurée à propos d'un avion que le Saint-Père s'apprêtait à dépêcher à Port-au-prince, je fais figure d'enfant de chœur. Vous n'étiez pas au courant? Pour ne pas faire moins que ces païens rouges de Chinois, Benoît XVI aurait annoncé que le Vatican envoyait par jet une basilique gonflable, avec ses servants, son vin de messe, ainsi qu'une escouade de prêtres entraînés à l'administration de l'extrême onction dans les situations de catastrophes. C'est bien la preuve que l'île antillaise n'est pas abandonnée du ciel!

Sur Rue89, un résumé des questions que l'on peut se poser sur les dons, les secours aux Haïtiens
Aider les Haïtiens avec la Croix-Rouge
Fondation de France
Médecins du monde
Médecins sans frontière
Action contre la faim

12 commentaires:

  1. J'adore le titre de ce billet et le reste aussi !

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  2. Merci Yann! Et j'espère que les lecteurs d'ici iront aussi lire ton billet de soutien à Haïti, autrement bien argumenté!

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  3. Je sors de l'ombre parce qu'au final je ne sais pas qu'elle position tu prends... peut-être à force d'être en équilibre entre deux chaises... Mais je n'ai peut-être pas bien compris ce que tu voulais dire...

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  4. Excellent billet. Difficile de se positionner, en effet, entre solidarité et retrait: doit-on participer tel une fourmi à la reconstruction d'Haiti, ou doit-on laisser cet Etat puissant montrer qu'il est capable d'agir aussi pour les hommes, sans en arriver au ridicule et laisser place à la médiatisation?
    L'événement est grave, mais nous ne sommes rien.
    Excellent billet.

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  5. Je n'ai pas fait de billet sur le sujet : pas inspiré. L'affaire est trop sérieuse... Par contre, au bistro, hier, on a eu une longue discussion sur le sujet (alors que la veille, comme je le disais à Yann, je crois, par mail, on n'en avait pas parlé).

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  6. J'attendrai un peu avant de faire un don, voire soutenir une action à plus long terme.

    Souvenez vous pour le tsunami en 2005 (4?) MSF avait dit longtemps après qu'ils n'avaient pas du tout utilisé tout l'argent récolté, mais qu'après avoir demandé aux donateurs ils avaient basculés sur d'autres missions.

    Haïti va avoir besoin d'un soutien massif dans le temps. Quand je vois que personne n'a encore essayé de déminer les batailles monstrueuses entre survivants pour la nourriture en faisant des largages massifs de nourritures/eau ( par ex depuis de gros hélicos, les US ont des hélicos qui peuvent venir directement de leurs côtes)

    Je suis effondrée car je sais que la véritable horreur est à venir.

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  7. Euh... j'ai l'impression d'avoir écrit ta note chez moi...
    Au moins nous semblons d'accord.
    Je m'inscris néanmoins en faux: "les états peuvent sauver les banques, mais sont incapables de secourir les hommes", ce n'est pas vrai, les états refusent de sauver les hommes et préfèrent de loin perpétuer un système qui épargne les puissants quelles soient leur erreurs et matraquent le faible au moindre écart...
    J'ai entendu Mr Trichet justifier le comportement des banques, qui ont braqué l'économie mondiale, avec une indulgence qu'il n'aurait pas vis a vis d'un lascar qui braque un supermarché.

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  8. Dorian,
    je n'ai pas de position particulière, j'ai simplement essayé d'illustrer les limites de la caricature par rapport à une situation dramatique. Epingler je ne sais plus quelle position papale dérisoire, ou le délire racoleur du marchand de religion télévangéliste, n'arrangera en rien le sort des sinistrés. Et je ne suis pas certain que l'emballement médiatique ne cherche pas à récupérer le voyeurisme morbide… Seule importe en définitive la solidarité envers les survivants: ils se ficheront de savoir ce qu'elle recouvre.

    Homer,
    tirer ce petit pays du chaos aurait dû être depuis longtemps une priorité des états, et la France ne peut s'abstenir d'y prendre part, compte tenu de ses liens très anciens avec cette population.

    Nicolas,
    oui, c'est un événement qui pourrait laisser abasourdi. À la réflexion, il m'a semblé qu'en parler, même mal, se justifiait.

    Ladywaterloo,
    reconstruire un pays, même petit, nécessitera beaucoup d'argent, et à long terme, en effet. Je serais étonné qu'il soit trop abondant, en définitive.
    Sur les largages de nourriture, il me semble me souvenir que cela pose en fait d'énormes problèmes de sécurité, en l'absence de personnel à terre (éviter les rixes, les détournements et les trafics par les plus forts, etc.)
    Et j'ai entendu des spécialistes dire comme vous, que dans les jours ou les semaines à venir, le pire était à craindre.

    Le-gout-des-autres,
    si je dis que les états sont incapables de secourir les hommes, ce n'est pas en référence à un manque de moyen, mais à l'absence de volonté. D'autre part, il faut reconnaître aussi, qu'en se portant au secours des banques, les gouvernements commençaient par se soucier de ce qui pouvait arriver dans leur propre pays… La moralité de l'affaire reste, bien entendu, un sujet de discussion.

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  9. Les états peinent à secourir les hommes dans un état étranger détruit mais où il reste un gouvernement fut il parfaitement impuissant.

    Il va y avoir un énorme problème d'ingérence, les ONG ne peuvent travailler sans sécurité, la sécurité ne peut être assurée de manière rapide que par des bataillons d'élite type paras français ou marines américains.

    L'ONU n'interviendra que plus lentement et plus inefficacement. Cette organisation a une grande faiblesse, parfaitement démocratique leurs troupes viennent de bien de pays elles sont le plus souvent peu formées mal entraînées. L'ONU d'ailleurs est un moyen pour des pays "pauvres" d'équiper et former leurs armées.

    Le problème d'ingérence va se retrouver à toutes les étapes de l'aide. Construire en arrosant les gangs de narcotrafiquants et les mafias présentes est impossible.

    Il est plus facile de gérer des banques en les renflouant que de travailler dans un pays sans plus aucune infrastructure en place et où vous gardez les mains liées. Il y a peu les ONG ont du quitter la Somalie (petit doute sur le pays avec le Soudan) car le gouvernement en place ne les laissait pas travailler librement.

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  10. Ladywaterloo,
    il y a en effet un gros problème avec la quasi-disparition des moyens de l'état Haïtien, d'après ce que l'on dit…
    Les USA ont annoncé l'envoie de troupe pour sécuriser la zone sinistrée le temps qu'il faudra, mais ils ne sont pas encore arrivés… Et l'ONU qui doit synchroniser l'aide internationale travaille dirait-on à un rythme sénatorial —mais c'est facile à dire quand on voit ça de loin, comme moi, sans rien connaître au problème, qui plus est!

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  11. Je n'ai aucun commentaire à faire, tellement je me sens cynique sur le sujet. Du genre à rappeler qu'une partie des haïtiens vit dans un tel état de pauvreté que c'est une chance pour eux d'être aidés à pouvoir y revenir…
    :-]

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  12. M. Poireau,
    heu… oui on peut aussi dire les choses comme ça…

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