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vendredi 9 juillet 2010

Justice: la balance coincée

Lorsqu'on n'est ni journaliste, ni avocat, ni américain, on a tendance à prendre la justice avec des pincettes et à se retenir d'oser la moindre critique. Les journalistes eux, savent en général à peu près où ils mettent les pieds, les avocats sont de la maison, et les américains ont le 1er amendement à leur Constitution qui leur garantit la liberté d'expression. Chez nous, si le vulgum pecus trouve à blâmer le fonctionnement de la Justice, il hésite à le dire. C'est que dans notre pays, l'indépendance de celle-ci relève de la fiction, tout comme l'idéal démocratique dont se gargarisent les politiques. On se représente plus aisément la Justice armée d'un bâton que tenant la balance de l'équité… Il vaut mieux être riche et puissant pour se frotter à elle.

Tenez, prenons le cas de l'affaire Sarkozy-Woerth qui a fait grimper en quelques jours la température de notre vie publique… Nous avons un président qui se retrouve avec un deuxième soupçon de financement illicite d'une campagne électorale. Le premier, remonte à la candidature d'Edouard Balladur à la présidentielle, dont Nicolas Sarkozy, ministre du Budget, était le directeur de campagne. Pour savoir s'il y a eu ou non versement de rétro-commissions délictueuses, il faudrait que le magistrat instructeur de l'affaire Karachi puisse avoir accès à tous les documents encore classifiés. Pour le moment, ce n'est pas le cas. La justice est soumise au bon vouloir de l'exécutif.
Donc, il y a désormais une seconde affaire, où dans le sillage de M. Woerth, le président est à nouveau soupçonné d'avoir reçu de l'argent liquide pour soutenir sa propre campagne électorale. Notez bien qu'à ce stade du roman feuilleton, personne ne peut encore affirmer que c'est bien le cas. M. Sarkozy pourrait aussi bien être innocent.

Et c'est là que l'envie de critiquer dame Justice vous démange. En effet, que voit-on? L'enquête sur cette histoire tellement explosive que Nicolas Sarkozy pourrait se trouver contraint à la démission avant le terme de son mandat, est exclusivement aux mains du Juge Courroye. De ce dernier, on sait diverses choses qui autorisent le citoyen ordinaire à douter de son impartialité. Sa nomination comme Procureur de Nanterre s'était déjà faite contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature qui le trouvait insuffisamment expérimenté. Le Syndicat de la magistrature avait dénoncé à l'époque dans sa nomination «un verrouillage par la droite des postes stratégiques».
Il est d'autre part de notoriété publique que M. Courroye est un ami de Nicolas Sarkozy, lequel l'a décoré de l'Ordre national du mérite. Il serait évidemment mal venu de voir dans cette distinction l'anticipation des mérites d'aujourd'hui, ce que nous ne ferons pas. Ami du président, donc, M. Courroye se trouve en outre directement impliqué dans les enregistrements illégaux de l'affaire Sarkozy-Bettencourt-Woerth, où son nom est cité par M. de Maistre. Était-il normal, et tout simplement honnête que sa décision de déclarer irrecevable la plainte de la fille de Mme Bettencourt soit connue en haut-lieu avant qu'il ne rende officiellement son ordonnance?

Voilà donc l'homme qui contrôle l'enquête sur le dernier et plus gros scandale du régime sarkozyste. Son refus de désigner un magistrat instructeur véritablement indépendant apparaît comme une volonté farouche de protéger le président à tout prix. Et Nicolas Sarkozy n'a même pas encore ouvert son chantier de «réforme» qui signera la disparition du juge d'instruction… S'il n'est pas chassé du pouvoir au plus vite, les Français ont vraiment du souci à se faire pour leur justice!

5 commentaires:

  1. salut à vous... ehh oui on est mal barrés (je résume)!
    Il me vient cette réflexion,là, soudainement (promis je vais essayer de faire court!). Il m'est souvent arrivé de regarder tel ou tel pays d'Afrique, avec à sa tête un dirigeant corrompu au dernier degré, avec sa clique, et au dessous un peuple, que dis-je une 'populace' crevant littéralement la dalle. Pardonnez-moi la trivialité mai "j'ai les nerfs" comme on dit par chez moi (avé l'accent).
    Et alors? me direz-vous? Eh bien, je le confesse je les ai parfois, si ce n'est tout le temps, regardé de haut, vous savez façon "Françafrique", me disant piteusement (et snobinardement je l'avoue) "ces pauvres bougres, regarde-moi ce qui leur arrive, ils ne s'en sortiront jamais..." . Et me félicitant en for intérieur que JAMAIS une telle chose serait possible dans mon bô pays des Droits de l'Homme.

    Aujourd'hui, je réalise que nous n'en avons jamais été aussi proches, et, franchement, ça ne me fait même plus du tout sourire.

    Vivement le Grand Ménage! Si du moins nous en sommes encore capables...Il ne reste plus que le Peuple pour se soulever, c'est certain désormais.

    Quoiqu'il en soit, merci pour vos articles (je me répète)

    (A lire aussi : l'excellent papier de Olivier Bonnet sur 'Plume de Presse', il décrit bien ce qui est en train d'arriver...)

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  2. Toff, je ne connais pas l'Afrique… Par contre je sais que nous n'avons pas de quoi pavoiser en étant un des pays européens les moins démocratiques, et ce presque depuis les origines de notre république confiscatoire, pourrie d'être inspirée par l'ancien régime.

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  3. il est vrai que cette république n'a de démocratie que le nom. Mais justement, y-a-t-il réellement aggravation de la situation, où alors devons nous donner raison(ça me fait mal d'écrire ça mais attendez le développement!) au petit roitelet, en ce sens que désormais, tout est "transparent"?
    Vaste débat, en effet qui peut affirmer que les politiques n'ont jamais eu rien à se reprocher, non seulement une fois parvenus au pouvoir, mais aussi lors de leur accession à celui-ci?

    Vous me suivez? En gros est-ce que l'exercice du pouvoir politique implique nécessairement de faire des concessions, qui se transforment peu à peu en compromissions, au fur et à mesure que des paliers sont franchis?

    Je reprends ici cette fameuse maxime de Machiavel "Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument"...

    Sommes-nous nécessairement et définitivement dans ce schéma?
    Pour ma part je ne puis m'y résoudre, peut-être suis-je trop naïf? Au-delà du nécessaire contrat social si cher à notre pays, contrat qui a fait fonctionner la France pendant des années, tant bien que mal, on assiste à une complète remise en cause de celui-ci par NS, et c'est là que le bât blesse.

    Je ne peux m'empêcher d'admirer et de respecter un De Gaulle (bien que non idéologiquement 'compatible' avec lui vous l'aurez deviné) qui exigeait de payer ses factures d'électricité, et ne pas faire l'exact inverse avec ce petit président qui fait l'exact inverse. Qui remet en cause le pacte social (redistributivité, égalité devant la justice et les institutions, services publics,etc) sans aucune contrepartie au contraire.

    Et qui donc déclenche la GUERRE.

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  4. Cher Coucou,

    Nous ne pouvons qu'abonder à la conclusion de votre post.

    Vous allez faire peur à Monsieur Pleutre (Le Président du groupe UMP à l'Assemblée qui voudrait faire croire à l'électorat de centre droit qu'il est différent de l'Egocrate mais qui n'ose jamais s'en démarquer et qui défend mordicus son maître. L'agité au moins avait les couilles de s'opposer au Boss de l'époque, Chirac, lui...).

    Hier cet apôtre de la couardise personnifiée a déclaré être inquiet parce que "Il regne une atmosphère de nuit du 4 août".

    C'est très révélateur! Pour mémoire, la nuit du 4 Août 1789 est celle pendant laquelle on été abolis les privilèges d'ancien régime.

    C'est bien ça que ce clan ne peut accepter. Que soient remis en cause certains privilèges!

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  5. Toff, cette république n'a même pas le nom de démocratie (heureusement peut-être, vu le nombre de républiques dites "démocratiques" qui étaient ou sont corrompues jusqu'à la moelle)… Officiellement c'est la Ve République…
    Oui, il y a réellement une dégradation spectaculaire de la situation depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Ce n'était déjà pas brillant avant, mais depuis son arrivée, on peut dire qu'il a instauré un régime spécial, indéfinissable sinon par son nom. Une concentration des pouvoirs anormale, une autorité anormale, des mœurs quant à l'emploi de l'argent public, anormales, etc.


    Alcibiade,
    amusant que vous parliez de la Nuit du 4 août : j'en avais fait le sujet d'un billet, voici quelque temps. Et c'est très étonnant que Copé lâche une bourde pareille! J'avais loupé ça…

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