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mardi 28 septembre 2010

Grosse coupure

Quand même, on leur en veut toujours, on voudrait que lorsqu'ils ont payé leurs impôts, ce soit aussi difficile pour eux que pour nous de joindre les deux bouts. «Ah, zut ! Cette année, il va falloir faire gaffe aux réceptions, Mimi… On achètera les caisses de champagne à Carrefour, ils ont du Pouet & Michon en promo, et avec la carte de fidélité, ça nous fera une sorte de cash-flow.»
Je veux parler des riches, vous avez compris… Donc, on a une dent contre eux, et pourtant, ça n'est pas facile tous les jours d'être riche. Vous n'imaginez pas le nombre de tracasseries auxquelles la personne un peu fortunée doit faire face.

Voyez: l'autre jour je me suis retrouvé avec un billet de 500 euros en poche… Vous me direz que si je n'ai que ça pour tenir un mois, ce n'est pas Byzance, mais là n'est pas la question. La question est que je ne me promène pas couramment avec une grosse coupure pour acheter mes cigarettes. Cinq cents euros, c'est bien si vous fumez des havanes maousses et que vous n'avez plus une seule boite d'avance, mais si vous avez juste besoin d'un paquet de gauloises… Eh bien, vous êtes un peu comme un type qui aurait les moyens de fumer les gros cigares, et qui préfère les clopes de prolo parce qu'il a des goûts simples. Ça arrive, parfaitement, et la buraliste vous regarde de travers avec votre gros billet. «Désolée, j'ai pas de monnaie, allez voir la banque à côté…»

C'est comme ça que je me suis glissé dans le sas de la Caïman & Macao Banking Corporation. Je ne connaissais pas, ils ont un sas très chic avec un écran télé, au cas où vous trouveriez le temps long entre deux portes. Vous pouvez vérifier l'état du bouton que vous avez près du nez, et vous donner un coup de peigne à doigts, avant qu'une voix de jeune femme ne vous demande ce que vous fichez là et si vous êtes client chez eux ? «Ah, non ! je ne suis pas client… —C'est pourquoi ? Vous voulez ouvrir un compte ? —Il me faudrait la monnaie d'un billet de 500 euros. —Je suis désolée, mais nous ne pouvons pas faire ce type d'opération si vous n'avez pas de compte. Voyez avec votre banque…»

Aiguillonné par l'envie de fumer, j'ai donc rallié d'un bon pas mon agence du Trésor Privé à l'autre bout de la ville. Il n'y a pas de doute : on se sent mieux chez soi, même avec une porte de sas qui pèse une tonne et la queue à faire au guichet. «Je voudrais la monnaie de ce billet… —Rappelez-moi votre numéro de compte ?» Le croiriez-vous ? Pour avoir la monnaie de 500 €, il faut les déposer en espèces sur votre compte, et ensuite faire un retrait : deux bordereaux à signer.

C'est alors, repartant en quête de mes clopes, que j'ai songé au calvaire que doivent vivre quotidiennement les gens fortunés sans petites coupures quand ils vont acheter leur baguette, ou leur pot de caviar pour les toasts de midi. Du coup, j'ai compris pourquoi ils donnent si peu aux SDF qui font la manche. Par voie de conséquence, il apparaît rationnel et bien plus logique d'adresser leurs aumônes à ceux qui peuvent rendre une espèce de monnaie, comme un parti politique costaud, genre UMP. C'est fou ce que le contact avec les réalités peut vous éclairer sur certaines choses.

Ainsi, j'ai saisi du même coup les raisons qui pouvaient inciter une vieille personne comme Mme Bettencourt à se décharger de ses problèmes de liquidités sur une comptable ou un homme de confiance. Par contre, je me demande comment Éric Woerth s'y est pris avec la monnaie pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy —si cela a bien été le cas, évidemment. Il a forcément eu besoin de monnaie à un moment quelconque, non? 140 000 € en petites coupures, pas de problème : c'est comme pour vous et moi quand on va acheter nos cigarettes ou les yaourts des enfants. Par contre, en grosses coupures, ça nous amène tout de suite à deux cents billets de 500 €, soit quatre cents bordereaux à remplir pour avoir la monnaie…

P-S: pour moins de 500€, vous pouvez préparer chez vous des «Langoustines à la bretonne», une recette du chef du Fouquet's que vous retrouverez sur le blog Recettes de chefs

13 commentaires:

  1. C'est fini, le temps où les gauldos étaient des clopes de prolo. Aujourd'hui, les brunes sont plus chères que les blondes. J'en suis réduit à fumer des Benson & Hedge (autrefois l'apanage des bourges), moi qui n'aime que les brunes, parce que c'est les moins chères.
    A part ça, je crois que les vrais riches n'ont jamais de fric sur eux. Savent pas ce que c'est.

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  2. Omnibus,
    tiens, je les aurais cru les moins chères, mes gauloises… Je vérifierai, mais de toute façon, je ne veux pas des blondes…
    Bien sûr que les riches n'ont pas de fric sur eux! Et même pas de CB: il y a toujours quelqu'un dans leur entourage pour payer… (même les hommes politiques, d'ailleurs: on raconte que C. Pasqua n'avait jamais un radis ou une CB sur lui!)

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  3. Oui. On ne plaint jamais assez les riches.

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  4. Merci beaucoup pour ce beau lien Jean-Louis.

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  5. les riches ont des déconvenues terribles, ils sont obligés de se cacher pour dépenser leur argent liquide, mais dans quel monde vivons nous ?

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  6. Jean-Hubert de la Motte Prévale de Boisjoli29 septembre 2010 à 12:24

    Moi, mon problème, c'est plutôt le manque de domicile fixe. Entre mon appartement de l'Avenue Mozart, ma maison de campagne à Fontainebleau et mon domaine sur les hauteurs de Cannes, je suis obligé d'avoir tout en triple. Je m'y perds.

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  7. Caramba ! encore en retard !

    Nicolas,
    c'est pour ça que je plaide pour eux.

    Yann,
    de rien, un plaisir gourmand !

    Isabelle,
    oui, et puis ils ne peuvent se voir qu'entre eux, sinon, on sent.

    Jean-Hubert,
    je vous propose d'échanger pour un mois votre appartement Avenue Mozart avec ma gentilhommière à Decazeville (Aveyron). Pendant ce temps, je réfléchirai à la manière dont vous pourriez simplifier votre train de vie.

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  8. Le riche a ses adresses où il sait être bien reçu pour dépenser ses jolis billets mauves (ou verts, j'ai un doute !). Il faut dire aussi que pour lui simplifier la vie, il dispose de toute une gamme de magasins adaptés dans lesquels les prix sont ajustés à sa capacité monataire. Une baguette à 45 euros, une boîte de pâté à 180, les 500 euros ne sont vraiment pas un problème !
    :-))

    [Moi aussi je préfère les brunes mais, du fait des prix inadaptés à ma condition sociale, je me les roule tout seul, c'est moins cher ! :-)) ].

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  9. M. Poireau,
    ils sont mauves, je confirme. Il arrive tout de même parfois, accidentellement, que le riche s'égare dans la vraie vie: c'est là qu'il court le risque de mourir de faim, parce que personne n'a la monnaie.
    Rouler: ça me tente parfois, mais l'art de rouler sans bouffer du tabac demande du temps…

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  10. Le Coucou : je suis nul en technique, j'ai une rouleuse et, de plus, j'utilise ce genre de cartons pour éviter l'effet "lèvres à la nicotine"
    http://www.smoking.fr/filtres-carton-elements-larges-perfores-p-5451.html
    Ça marche très bien !
    :-)

    [Il parait que dans les coffee shops aux Pays Bas, le cartons sont même offerts gratuitement ! :-) ].

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  11. M Poireau,
    oui, j'ai vu des gens utiliser ça, c'est sans doute pas mal, sauf que je fume des sans filtre… :-)

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  12. Le Coucou : je ne pense pas que tu aies vu ça en France où on utilise effectivement plus des petits filtres vendus en sachet. J'ai découvert ça en Belgique pour tout dire. C'est bien un simple carton roulé sur lui-même qui ne filtre rien mais qui évite simplement le contact avec le tabac.
    Bon, voilà quoi !
    :-))

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  13. M Poireau, désolé du retard, et merci de cette précision, en effet je parlais de filtres ordinaires, je crois.

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