Ça se passe à Elbœuf-sur-seine. Au début, vous suivez une ronde de nuit qui rencontre un jeune assis sur un coin de trottoir, près d'une poubelle. Il fait froid, il mange, il va dormir dehors au lieu de rentrer chez son père. La voix d'un policier lui demande pourquoi ? Il répond : «comme j'ai bu, c'est pour ça, je vais pas retourner chez mon père, ça se fait pas […] —Restez bien sur le trottoir, qu'on vous écrase pas !» La patrouille s'en va, et nous emporte dans une croisière dérangeante au revers de la vie : cette face cachée de la réalité, que la plupart d'entre nous ne connaît pas, ou n'a fait qu'entrevoir. Gardés à vue, interrogatoires d'agités dégrisés, de cas sociaux, patrouilles de routine, en sont la trame.
Il est pathétique ce type qui reconnaît ses torts, avoue son alcoolisme et plus. À jeun, il ne ferait certainement pas de mal à une mouche. Ivre non plus, peut-être, sauf quand on le pousse à bout et qu'un voisin taré lui passe une carabine de la porte à côté… Par chance, il n'a tué personne et les flics ne l'ont pas tué, lui.
Dans un fourgon qui roule sur un fond de campagne paisible, un jeune policier, tout neuf dans le métier, lâche son appréhension de ce qui l'attend un jour ou l'autre : «[…] à la limite, un pendu, tant qu'il y a pas de sang, ça pourrait aller. Ceci dit, je dis pas que je ferais le malin …» Le malin, il le fait un peu quand même en évoquant avec un petit sourire gamin «tous ceux qui se mettent un coup de fusil en pleine tête», et quelques situations particulièrement abominables vécues par des collègues.
Côté policier, tout pourrait se résumer à ce témoignage, ou presque, même si c'est un peu elliptique. L'existence de ce flic sera jour après jour une confrontation à la laideur du monde. Un temps, il affichera son sourire juvénile, cette patience sceptique —qu'on devine stimulée par l'œil ouvert de la caméra—, dont lui et ses collègues font preuve à l'égard des paumés. Tôt ou tard, la brutalité de la vie aux marges de la société, dont il sera le gardien des bornes plus que le pacificateur, le transformera. Il deviendra semblable à cet officier désabusé qui surjoue l'indignation et le flic de cinéma aboyant sa jugeote à la face de zonards hébétés, réduits à l'instinct de survie.
Ces quelques évocations et réflexions sont tirées d'un film que je viens de regarder. Quand j'ai reçu le DVD promotionnel, je l'ai posé sur un coin de bureau, plein de défiance… Si j'aime le cinéma, comme tout le monde, cela ne suffit pas à me qualifier pour parler d'un film, loin de là. Le titre même du documentaire que l'on me proposait de découvrir, me rebutait : COMMISSARIAT —tout un programme. J'ai donc mis quelques jours à me décider à plonger dans cette réalisation d'Ilan Klipper et Virgil Vernier.
Il n'est pas question ici d'entrer dans le détail d'un brillant enchaînement de séquences tirées des nuits et des jours ordinaires d'un commissariat de police. Ce serait faire peu de cas du beau travail des réalisateurs et des personnes qui peuplent leur film, policiers, gens de tous âges en délicatesse avec la loi et l'ordre, farfelus ou graves, souvent en train de perdre pied dans la vie. Cela se regarde cœur battant, écœuré, l'œil humide, ou le sourire aux lèvres : la réalité d'un commissariat presque tranquille.
Le film sort en salle le 10 novembre prochain…
(pub gratuite)
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RépondreSupprimer-"Vous êtes honnête !"
-"J'suis honnête ?...Alors tout va bien ! Ça fait plaisir à entendre !"
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Je viens de voir un petit extrait...La "bande annonce".
Envie de le voir...
Intéressant.
RépondreSupprimerAh ! De la pub...
RépondreSupprimerA propos de la brutalité de la vie aux marges de la société, j'ai vu pour la première fois " La Haine" de Mathieu Kassovitz. Il y a de ça une bonne semaine. Ça m'a fait un tel choc que je n'arrive pas encore à en parler. "Haine" le mot est trop faible et restrictif à mon goût...
RépondreSupprimerGildan, je crois que tu ne le regretteras pas.
RépondreSupprimerElmone, ouf!
Nicolas, oui, mais gratos.
Melle Ciguë, tu devrais essayer d'en parler, moi je ne l'ai pas vu…
Le Coucou : je n'aime guère la police en tant qu'institution mais comme j'aime les gens, je n'ai rien contre le policier de base qui fait son boulot. Dans ls manifs, on rigole pas mal quand on arrive à aller discuter du fond avec les CRS, car oui, ils ont aussi un cerveau et n'en pensent pas moins !
RépondreSupprimer:-))
[Tu devrais essayer de voir "La haine" parce que c'est vraiment un excellent film. Le réalisateur, Kassowitz a l'intelligence de ne jamais aller dans le cliché ou au contraire d'en jouer avec finesse. Je l'ai revu récemment (tiens, tiens !) et ça m'a refait un choc. A voir jusqu'à la fin, c'est impératif ! :-) ].
M Poireau,
RépondreSupprimerComment aimer la police quand elle fait de l'ignoble boulot, comme dans cette vidéo que tu signalais dans un autre commentaire?
Du coup, je la replace ici
(il y a des matins où on ferait mieux de rester au lit ! J'avais complètement loupé la 1ere réponse)