En ce moment la presse se fait assez largement un devoir de relever les mensonges et contrevérités débités par Sarkozy au cours de son entretien télévisé. Il y en aurait entre 5 et 9, selon l'élasticité du sphincter moral de chacun, j'imagine. Arrêt sur image en dresse l'inventaire, qu'il conviendra d'ajouter au catalogue déjà impressionnant des impostures du bonhomme.
Ce ne sont pas tant les libertés prises par Sarkozy avec la vérité qui m'étonnent —on commence à bien connaître le matamore—, que l'incapacité des interviewers à le contredire sur le champ. Soit ils n'étaient pas à la hauteur de l'événement par méconnaissance des sujets traités, soit ils se cantonnaient au rôle de faire-valoir par lâcheté.
Et cela nous ramène à cette étrange complaisance dont nous faisons preuve chez nous avec l'éthique politique, ou plus simplement avec la moralité publique. On nous dit souvent que les Français sont indulgents, et c'est particulièrement vrai en matière de vie privée, ce qui semble justifié. On constate qu'ils le sont aussi parfois avec des hommes politiques convaincus de malversations, ce qui est plus dérangeant.
Les médias —la télé d'abord, une partie de la presse— ont leur part de responsabilité là-dedans, en ne se risquant qu'avec un luxe de précautions édulcorantes sur le terrain de la probité des élus. Il faut admettre toutefois que ce n'est pas facile dans notre pays, comme le démontrent les péripéties des scandales d'état que sont les affaires Karachi et Bettencourt.
Nous ferions bien néanmoins de méditer la réaction de nos voisins Britanniques apprenant la nomination d'Alain Juppé au ministère des Armées. Ainsi le Nouvel-Obs nous rapporte que deux journaux londonniens, se basant sur la réaction d'un député conservateur, se disent choqués par cette nomination d'un «criminel condamné».
Certes, la version anglaise de Métro et le Daily Mail ne sont sans doute pas des modèles de raffinement, mais ils nous enseignent du moins que l'on peut très bien porter un tel regard sur un homme politique condamné en justice.
Ce rappel tonitruant du passé d'Alain Juppé, qui n'est pas le pire de nos élus ex-délinquants, beaucoup s'en faut, a le mérite d'attirer également notre attention sur la souplesse sans pareille de la parole d'honneur des politiques français. Qui se souvient encore des promesses de Juppé, main sur le cœur, de se consacrer désormais à sa seule bonne ville de Bordeaux? Allez donc écouter le petit rappel sonore concocté par Slovar sur son blog, que le journal Sud-Ouest a trouvé bon de reprendre dans ses pages !
P-S: je vous signale une démonstration limpide du caractère inapplicable de l'extension des jurys populaires promise par Sarkozy, à lire chez Me Eolas…
Merci pour le lien. Je n'ai vu que des extraits de l'entretien. Je me demande si nous ne sommes pas surinformés par rapport à une bonne moyenne du public. D'où les possibilités de contre-attaque pour Sarkozy (je pense à sa répartie à propos du vol d'ordinateur). Ou peut-être que plus c'est gros, plus ça marche. J'ai regardé l'émission de Taddei après le show. En 5 minutes, les invités ont plus ou moins convenu que les sujets importants n'avaient pas été traités (la crise monétaire...). Le reste de l'émission a été consacré au comment. On sentait qu'ils étaient résignés, qu'ils ne voyaient pas qui il pouvait y avoir en face. Sarko était pour eux une bête de scène. Ils s'étaient régalés.
RépondreSupprimerMtislav,
RépondreSupprimermoi aussi, je n'ai regardé que des extraits, je ne le supporterais pas en direct, et puis, je préfère m'en tenir aux moments significatifs, débarrassés de tous les propos sans intérêt. Il semblerait tout de même que beaucoup de téléspectateurs n'ont pas été convaincus…
55% des personnes ayant vu l'émission en entier ou en partie, ne l'ont pas trouvé convainquant d'après un sondage...(fait sur un peu plus de mille personnes).
RépondreSupprimerAlors, on nous mentirait ! Ca alors ! J'ai toujours regretté ce manque d'agressivité de nos journalistes, à poser des questions en évitant de froisser le Président comme si il risquait de leur sauter dessus. D'ailleurs, ne serait-ce pas le cas? Quel joli scandale ce serait...
RépondreSupprimer@Gildan: 12,2M de télespectateurs. 7M qui n'y crient déjà plus. Les autres attendaient la suite?
Gildan,
RépondreSupprimereh bien voilà ! Merci pour la précision.
Homer,
ils craignent les retours de bâton par la suite, je suppose. Plus le fait qu'une carrière à la télé passe par la complaisance envers les puissants…
Si au contraire il faut en passer par évoquer des sujets dits sensibles en prenant soin de laisser répondre l'interlocuteur à sa guise et ensuite enchaîner sur autre chose sans demander plus de précisions, est aussi un manœuvre pour camoufler la merde au chat. On dira que les "journalistes" on fait ce qu'il fallait. Ils ont en réalité contribué à masquer les affaires tout en les évoquant.
RépondreSupprimerC'est du beau travail.
De quoi ils se mèlent, aussi, les anglais ?
RépondreSupprimerCaptainhaka,
RépondreSupprimerprécisément, évoquer ne suffit pas, mais demander des précisions, insister…
Nicolas,
on se le demande !