Poireau pose l'une des rares questions qu'il vaille la peine de se poser : «comment sait-on si l'on est mort ?» Bien que ce ne soit pas à proprement parler le sujet central de son billet, je me permets de la reprendre à mon compte. Comment sait-on si l'on est mort ? C'est une interrogation troublante parce qu'il n'est pas aisé d'y répondre soi-même. La coutume la plus répandue veut que l'on s'en remette à l'appréciation d'un tiers, mais quiconque se sera un tant soit peu piqué de dignité et d'indépendance d'esprit de son vivant, aura du mal à se plier de gaieté de cœur à cet expédient commun. Surtout dans le cas où son cœur ratatiné serait dans l'incapacité d'en rire.
«Vous dites que je suis mort ? Prouvez-le !», rétorquera le cabochard.
Et c'est là que l'on entre les pieds devant dans l'inconnu, car ceux qui peuvent témoigner d'une telle réplique sont rares. Personnellement, je n'ai jamais entendu un mort contester son trépas, mais je suis loin d'avoir tout vu, tout entendu : l'argument est faible. Cela ne réfute en aucune façon l'éventualité d'un doute post-mortem.
Il serait pourtant capital de savoir si le défunt s'interroge sur son état de santé. L'affirmative nous ouvrirait des perspectives abyssales, ravalant la découverte des trous noirs à l'examen de trous du cul cosmiques.
Pour relever le défit du trépassé, on notera que la surdité manifeste de l'entourage pourrait constituer un premier indice. Toutefois, le défunt putatif sera légitiment porté à relever qu'on ne la lui fait pas si aisément, puisqu'il reste capable de scepticisme. On ne l'entend pas à cause d'une extinction de voix, rien d'autre —d'ailleurs, en y réfléchissant, il ne s'est pas entendu non plus. C'est lorsque l'entourage lui fera sa toilette et lui mettra des fringues qu'il ne portait plus depuis des années qu'il se dira : «Merde ! Ils croient vraiment que j'ai clamsé !»
Une fois dans la boite, s'étant fait une raison sur son incapacité à ressortir avec une sérénité qu'il ne se connaissait pas, il reniflera avec suspicion les garnitures de satin, les festons de bonbonnière. Même s'ils trouvent l'emballage ridicule, les morts restent en général sur leur quant-à-soi pour ne vexer personne : cette bénignité venue de l'au-delà est un autre signe dont il faudrait se souvenir le jour venu —à moins de partir d'un Alzheimer, malheureusement.
Enfin, la chose s'éclairera, si l'on peut dire, avec la descente dans le trou et les pelletées de terre tombant sur son dernier toit. Selon toute logique, c'est du constat qu'il pourra désormais se passer de respirer tout en restant à son aise, sans être le moins du monde incommodé par l'obscurité et l'exiguïté de la chambre, que le disparu apprendra qu'il est bien mort. Il ne lui restera plus qu'à trouver une âme à qui causer pour tuer le temps.
P-S : plus le temps de faire des liens, je vous recommande juste «Les yeux au ciel»…
«Vous dites que je suis mort ? Prouvez-le !», rétorquera le cabochard.
Et c'est là que l'on entre les pieds devant dans l'inconnu, car ceux qui peuvent témoigner d'une telle réplique sont rares. Personnellement, je n'ai jamais entendu un mort contester son trépas, mais je suis loin d'avoir tout vu, tout entendu : l'argument est faible. Cela ne réfute en aucune façon l'éventualité d'un doute post-mortem.
Il serait pourtant capital de savoir si le défunt s'interroge sur son état de santé. L'affirmative nous ouvrirait des perspectives abyssales, ravalant la découverte des trous noirs à l'examen de trous du cul cosmiques.
Pour relever le défit du trépassé, on notera que la surdité manifeste de l'entourage pourrait constituer un premier indice. Toutefois, le défunt putatif sera légitiment porté à relever qu'on ne la lui fait pas si aisément, puisqu'il reste capable de scepticisme. On ne l'entend pas à cause d'une extinction de voix, rien d'autre —d'ailleurs, en y réfléchissant, il ne s'est pas entendu non plus. C'est lorsque l'entourage lui fera sa toilette et lui mettra des fringues qu'il ne portait plus depuis des années qu'il se dira : «Merde ! Ils croient vraiment que j'ai clamsé !»
Une fois dans la boite, s'étant fait une raison sur son incapacité à ressortir avec une sérénité qu'il ne se connaissait pas, il reniflera avec suspicion les garnitures de satin, les festons de bonbonnière. Même s'ils trouvent l'emballage ridicule, les morts restent en général sur leur quant-à-soi pour ne vexer personne : cette bénignité venue de l'au-delà est un autre signe dont il faudrait se souvenir le jour venu —à moins de partir d'un Alzheimer, malheureusement.
Enfin, la chose s'éclairera, si l'on peut dire, avec la descente dans le trou et les pelletées de terre tombant sur son dernier toit. Selon toute logique, c'est du constat qu'il pourra désormais se passer de respirer tout en restant à son aise, sans être le moins du monde incommodé par l'obscurité et l'exiguïté de la chambre, que le disparu apprendra qu'il est bien mort. Il ne lui restera plus qu'à trouver une âme à qui causer pour tuer le temps.
P-S : plus le temps de faire des liens, je vous recommande juste «Les yeux au ciel»…
Si, passé un certain âge, on se réveille et on n'a mal nulle part, c'est qu'on est mort ...
RépondreSupprimerTout à fait d'accord, Poireau t'inspire. Spirituellement parlant.
RépondreSupprimerExcellente inspiration ! :-))
RépondreSupprimerJ'aime bien les questions essentielles du genre Comment sait-on qu'on est mort ? Ça ramène à leur juste valeur les petits tracas du quotidien et Jean-François Copé à sa dimension réelle !
:-))
[Petite fierté de t'avoir inspiré, merci ! :-) ].
perso, je regarde le carnet du jour pour voir si je suis dedans (et j'ai rédigé ma nécro depuis longtemps pour qu'il n'y ait pas d'erreurs factuelles)
RépondreSupprimerCe billet est incomplet : il ne traite pas le cas de la crémation.
RépondreSupprimerCe billet est incomplet : il ne traite pas le cas de l'immersion.
RépondreSupprimerOn dirait que j'ai oublié de vous répondre…
RépondreSupprimerSolveig,
je n'y avais pas pensé, c'est lumineux. Quoique… j'ai des doutes, il me semble parfois être à la fois mort et courbatu.
Mtislav,
merci d'être spirituel.
M Poireau,
d'accord avec toi, la source d'inspiration était excellente. Sinon, il suffit de regarder, d'écouter un instant Copé pour se demander si on n'est pas mouru sans s'en apercevoir.
Martine,
encore une très bonne méthode ! Je l'appliquerai dès demain, et puis je vais penser à ma nécro, c'est vrai que c'est plus prudent.
Nicolas,
je suis de parti-pris, je déteste de la crémation. Cela peut paraître parfois une violence que l'on fait subir aux vivants.
Ben,
merci de m'avoir fait rire. Je suis admiratif de tes trouvailles.