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dimanche 8 février 2009

L'internationale de la peur

Tous les discours des dirigeants politiques des grands pays sur la crise, portent entre les lignes la même angoisse. L'angoisse du dompteur dans la cage aux fauves, quand la nervosité des gros minets à griffes et crocs devient perceptible, parce qu'ils sont mal nourris. En temps normal, le dompteur peut parader tranquille: les fauves abrutis par la captivité, l'habitude de recevoir ponctuellement leur pitance en échange du travail fourni en piste, ne sont guère portés à la révolte. Un claquement de fouet, un sucre à la rigueur, suffisent à calmer les moins dociles. Mais la crise est venue perturber le cirque géant du capitalisme. Des USA à la Chine, en passant par l'Europe et bien d'autres régions du monde, voilà que les présidents démocrates comme les despotes craignent de se faire bouffer. Le mécontentement tournera-t-il à la rage, la rage à l'explosion, et disons le mot: à la révolution? Pour exorciser le risque, côté démocrates, Barack Obama va notamment tenter d'étendre dans sa population la «couverture santé», et côté dictatures les Chinois se lancent dans une réforme comparable. Chez nous, en France, démocratie bâtarde, croyez-vous que le président va organiser le retour en grâce d'une protection sociale qui a rehaussé l'image de l'Europe aux yeux du monde? Non, M. Sarkozy ne prévoit nullement de revenir sur ses mesures antisociales, prises notamment en matière de santé publique. Il serre pourtant pareillement les fesses, mais, petit chef, le désir de prouver que c'est lui qui commande, comme un grand, l'aveugle. Il n'y a pas que la santé dans la vie, vous direz, il y a aussi la table, le bistrot, le boulot, les impôts, par exemple. Sur tous ces sujets, ou presque (pour le bistrot, il faudrait y voir de plus près), M. Sarkozy, camouflé sous un discours trompeur, a fait le choix de favoriser les Français les plus riches. Quand il feint de donner une rognure d'ongle à ronger aux pauvres, c'est qu'il offre en même temps le bras aux riches. Il est probable que de moins en moins de gens seront dupes et que l'opposition à cette politique ira croissant.
Dans les semaines et les mois qui viennent la question sera en fait de savoir si le mécontentement des Français trouvera l'occasion de s'exprimer. Quel sera le choix des organisations syndicales, et des partis de l'opposition? Leur unité tiendra-t-elle, ou bien certains feront-ils le calcul qu'il est préférable de laisser mijoter la rogne à feu réduit jusqu'à la fin du quinquennat, plutôt que de risquer un débordement dont ils ont aussi peur que le président? Il est permis de supposer que le souvenir de la déconfiture électorale de la gauche, au lendemain des «événements» de 1968, en refroidi plus d'un par avance. On les comprend, mais les temps ne sont plus les mêmes. En 68, la France baignait encore dans les «30 glorieuses» de la prospérité en marche, aujourd'hui nous nous enfonçons toujours plus loin dans les «60 merdiques» de la paupérisation accélérée, ce qui change tout.
image : flyer5


PS. J'ai lu aujourd'hui avec intérêt : Le pavé, Le Privilégié, et Carpe diem

11 commentaires:

  1. Merci pour le lien, cher Coucou.

    La peur est l'un des moyens pour une élite de se maintenir au pouvoir en démocratie. A nous, citoyens, de nous en libérer.

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  2. Mathieu, soit, alors à nous de les libérer de leur peur de le perdre, ce pouvoir?

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  3. Salut Coucou, merci pour le lien !
    Sur ton billet, ben, tu as tout dis !

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  4. Oui, la peur ça marche toujours.

    Mais plus que la volonté de faire peur, c'est la bêtise qui triomphe aujourd'hui au pouvoir.

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  5. Salut,Jean! Tu reprends un billet très original, alors il méritait d'être signalé…
    (et souviens-toi qu'au vampire on vend mieux, comme disait Sally Mara)

    Eric, la bêtise et la suffisance, d'accord. Là-dessus, je n'ai pas parlé vraiment d'une volonté du pouvoir d'effrayer, mais plutôt de la peur du peuple qu'il éprouve.

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  6. Le mécontentement de l Outre- mer n'est pas mal non plus, sauf que les dirigeants de notre pays ferment les yeux"Pas un mot sur eux DU PETIT NICOLAS dans son discours à la Nation?Tu trouves cela normal?

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  7. Macao, non ce n'est pas normal, ce silence. Tout comme le relatif détachement des médias. Y aurait-il une entente pour ne pas donner le mauvais exemple à la métropole?

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  8. Coucou, je pense pour ma part qu'il est temps de lancer un débat politique sur la responsabilité des banques dans la crise financière et dans la crise économique et sociale qui en ont dérivé. Voici quelques éléments de réfléxion.




    - Supériorité des logiques de Court Terme dans les stratégies des banques par rapport au long terme, - attitude de moutons pour faire tous la même chose (à des degrés divers cependant) y compris dans des achats de produits « toxiques », - complexité des produits financiers créés et conflit d’intérêts au sein de la sphère financière qui ont causé l’impossibilité d’analyser et chiffrer les risques réels de ces produits (merci les banques qui ne savent pour certaines ce qu’elles ont dans leur bilan, merci les « quants » qui se prétendent des lumières des Mathématiques appliquées à la finance pour la création des produits, les agences de notation financière qui sont censés évaluer les produits financiers), - mise en place accélérée croissante des produits dérivés et de la titrisation en transférant les risques des actifs toxiques et en sortant ces risques de leurs comptes pour les transférer aux marchés, - déconnection de la sphère financière par rapport aux réalités, - et enfin perte de sens et de l’utilité première du métier de banquier (qui n’est pas de gagner toujours plus d’argent …mais de financer des projets de Long Terme).


    Merci à votre blog.



    Minerva

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  9. Anonyme "Minerva" , d'abord merci de la teneur de votre commentaire, qui rappelle à propos les critiques formulées contre les banques à l'éclatement de la crise financière.
    Mais d'autre part, je profite de cette occasion pour redire que les commentaires anonymes me cassent les pieds. Quand ils ne favorisent pas les débordements, ils rendent les échanges confus, pour peu qu'un fil de discussion accueille plusieurs anonymes.
    La prochaine fois, bon ou mauvais, je supprimerai.
    Il n'est pas si compliqué de cocher la case "NOM" et de mettre sa signature dans le champ correspondant!

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  10. La peur et le repli sur soi comme engrais au retour de la bête ??? Même si les périodes ne sont pas les mêmes je trouve beaucoup de similitudes avec la république de Weimar, quand le pouvoir s'obstine à apporter des réponses libérales aux maux de la société ; de là à voir un virement vers la peste brune au nom de la sauvegarde des profits et de la propriété privée, il n'y a pas qu'un seul pas, néanmoins la vigilance s'impose.

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  11. Daud, j'espère que ce ne sera pas le cas. Mais il est vrai que les crises extrêmes favorisent ce genre de choses!

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