Pour moi, la présence d'un homme comme M. Sarkosy à l'Élysée nous invite à une sérieuse réflexion. Par son élection quasi triomphale, sa légitimité est incontestable, et l'on peut lui reconnaître des qualités appréciables chez un homme politique : énergie, intelligence, audace, pugnacité. Il reste qu'avec lui, la fonction présidentielle s'est brutalement dégradée. A mon avis, M. Sarkosy n'en porte pas seul la responsabilité. Après De Gaulle, incarnation mâle d'une république intègre, mais glaciale, chacun des présidents parvenus au pouvoir n'a eu de cesse de prendre ses distances avec les contraintes morales de sa fonction, au point que leurs arbitrages ou décisions ressemblèrent de plus en plus souvent à une sorte de bon plaisir royal. Et leurs écarts avec le sens rigoureux du devoir qu'un peuple est en droit d'attendre de ses plus éminents représentants, se sont multipliés, sans que jamais nos parlementaires ne se dressent, unanimes, pour y mettre un terme. Avec M. Sarkosy, on a l'impression d'avoir atteint un sommet dans le cynisme, parce qu'il se comporte depuis les premiers instants de sa prise de fonction comme un être grossier, impérieux, aux carences voyantes. Il a l'air d'un sale gamin lâché dans la république pour en profiter avec ses copains. Il vous regarde l'œil mouillé et dit : je m'excuse, plutôt que veuillez m'excuser, quand vous montrez de la colère, mais il se fendra la pêche dès que vous aurez tourné le dos. Il aime l'argent, on l'a compris, il lui en faut toujours plus, et l'on devrait savoir qu'il ne faut pas compter sur les parlementaires pour le rappeler à la pudeur : ils se sont, avant lui, octroyé à notre nez et notre barbe les revenus qu'ils désiraient. Nous n'avons aucun moyen de les empêcher de nous faire les poches. Cependant, cette manière de considérer la France comme une entreprise dont M. Sarkosy serait PDG, qui justifierait à ce titre toutes ses fantaisies, pourvu qu'en fin de mandat les bénéfices d'actionnaires fussent au rendez-vous, est plus que choquante : elle est dangereuse. Parce que, la bonne fortune d'un retour de la croissance aidant, si M. Sarkosy termine son quinquennat autrement que couvert d'opprobre, les français enverront un signal désastreux a leur personnel politique. Le président suivant, M. Sarkosy ou un autre, verra dans l'indifférence ou le satisfecit accordé par le peuple son assentiment à la poursuite de telles mœurs politiques. Et comme jusqu'à ce jour chaque président a fait pire que son prédécesseur dans l'abusif, notre démocratie s'avilira un peu plus. Nous en serons responsables, il sera trop tard pour râler.
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