L'économie, c'est tout ce qui sépare les mains qui produisent un bien quelconque des mains qui l'utilisent à l'arrivée —ou de la bouche qui le mange… C'est aussi tout ce qui organise et contrôle ce parcours, du travail jusqu'à la consommation, et la manière de tirer profit de ce travail, du début à la fin. C'est un savoir à la fois concret et abscons pour le commun des mortels, comme moi, qui éprouve une méfiance instinctive envers ça ; un savoir aux prétentions de science dont les théories sont presque toujours mises à mal par les réalités. Un peu à la manière de la météorologie, nettement plus à l'aise pour rendre compte du temps qu'il a fait que pour le voir venir… De nos jours on enseigne des rudiments d'économie aux lycéens et c'est certainement profitable, leur culture ne pourra qu'y gagner, même s'il n'y aura que peu d'entre eux pour approfondir cette matière avant d'entrer dans la vie active. Un rapport remis au ministre de l'éducation, rédigé sous la direction d'un éminent professeur au Collège de France, M. Guesnerie, vient pourtant d'entrer en guerre contre la nature présente de cet enseignement. Il critique, entre autres, la place qu'il juge excessive accordée dans les manuels au chômage et à la précarité, au détriment notamment de l'élévation du niveau de vie. J'ignore tout des matières insuffisamment traitées qui seraient plus aptes à faire le miel du lycéen d'aujourd'hui, comme le "compte de résultat" ou les "contraintes de l'entreprise", mais je devine que pour le jeune en question, le chômage et la précarité sont des éléments d'économie plus crédibles que l'élévation du niveau de vie. Nous assistons même depuis pas mal de temps au déclin de ce dernier. Je saisis mal en quoi on formerait de meilleurs citoyens par l'enseignement d'une sélection optimiste des règles économiques, lesquelles s'appliquent à un jeu de tricheurs. Qui plus est, toutes sont fondées sur une logique folle, la croissance à tout prix, qui conduit l'humanité à une impasse. Les ressources de la Terre ne sont pas inépuisables, ni même suffisantes à moyen terme, on le voit bien avec la crise pétrolière actuelle et la flambée des cours des métaux, pour ne s'en tenir qu'à eux. Il faudrait sans doute enseigner autrement l'économie pour former d'urgence des générations capables de gérer notre monde avec plus de bons sens, mais les économistes actuels en sont-ils capables ?
Le Monde
Le Point
Var matin
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