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mercredi 10 septembre 2008

Edvige bouge encore

Le fichage policier à visée de prévention ou de répression de la délinquance est une chose. Il s'agit d'un outil dont l'utilité est évidente —à ceci près qu'il existait déjà un tel outil, et qu'il paraît monstrueux de condamner des enfants à traîner toute leur vie le rappel d'une faute, unique dans la plupart des cas. C'est leur infliger une peine supplémentaire dont aucun juge n'aura pesé le bien-fondé, pour autant que j'ai compris le fonctionnement de ce fichier. Il semble cependant que le gouvernement soit disposé à revenir plus ou moins sur cet aspect d'Edvige, ce qui ne changera pas grand-chose à son caractère liberticide.
Le fichage politique et la collecte d'informations dérobées à la vie privée des individus, dans le domaine bancaire, et ceux de la santé, de la sexualité, etc., sont d'une autre nature, inadmissibles. Aucun pays démocratique ne dispose d'une police politique comme nos Renseignements généraux, ni d'un fichier politique, tel celui dont M. Sarkozy et son gouvernement souhaitent se doter. J'ai déjà relevé, ainsi que beaucoup d'élus et de citoyens vigilants, le tour autocratique pris par le pouvoir de M. Sarkozy, qui ne fait en cela qu'abuser davantage des moyens quasi discrétionnaires accordés au président par la constitution. La mise en place d'Edvige lui ouvrira, via sa police, l'intimité de n'importe qui, car les règles retenues pour ficher une personne peuvent, à vrai dire, s'appliquer à tout citoyen. Sous prétexte de prévenir des atteintes à l'ordre public —ce qui est une démarche policière parfaitement normale, concernant par exemple des individus ou des groupes potentiellement violents—, le fichier Edvige élargit de fait cette visée aux troubles à l'ordre public. Avec un dessein aussi flou, toute contestation politique, syndicale, sociale, des actes d'un gouvernement devient virtuellement illicite. Dans une société démocratique, chaque citoyen, qui possède comme premiers biens sa liberté de parole et de pensée, doit pouvoir en user sans s'exposer aux soupçons de l'autorité et faire l'objet d'un «marquage» préventif. Le décret instituant le fichier Edvige doit être purement et simplement annulé, parce que les français ne veulent pas vivre dans une république bananière, à la merci d'un « Général Tapioca y Sarkozy», assis sur des montagnes de fiches de citoyens suspects.

Les auteurs de blogs et leurs commentateurs se sont souvent passionnés pour cette question, la plupart condamnant le fichier, comme ici. Plusieurs, ne trouvant rien à redire à Edvige, l'écrivirent. Sur l'air de : moi, je n'ai rien à cacher, donc je m'en fous ! Ce que pourraient répéter la plupart des gens…, jusqu'au moment ou l'on mettrait sous leur nez leur intimité mise à nu. De toute façon le problème me semble être dans la volonté de mettre sous surveillance toute personne susceptible d'exercer une influence à un niveau quelconque, celui de l'économie comme celui de la politique, ou de la vie sociale. Que nous soyons élus, citoyens ordinaires, babillards en public, ou vieillards taiseux qui n'ont jamais jeté un œil sur internet, un ventre d'ordinateur nous catalogue déjà sous divers motifs : sécu, caisse de retraite, assurances, poste, banque… Si nous restons passifs aujourd'hui, demain les gens au pouvoir décideront peut-être de rassembler tout sur tout le monde dans un super Edvige, et l'on pourra nous fliquer de l'école au cimetière. Edvige, c'est un balbutiement d'état policier.



Voir Rue89
Le Monde

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