Un juge d'instruction du pôle antiterroriste, M. Thierry Fragnoli, envoie dans Le Monde une volée de bois vert au député PS André Vallini, à propos de l'affaire de Tarnac. On n'aura pas la prétention, ni l'imprudence d'émettre le moindre avis sur le fond de cette histoire de sabotage contre la SNCF. Un peu comme dans le cas de Julien Dray, il sera impossible au commun des mortels d'en deviner les arcanes avant longtemps.
Il y a cependant un point sur lequel la riposte cinglante de M. Fragnoli peut sembler discutable, sinon à la lettre, du moins face aux réalités de notre société.
Mais qu'en est-il de la sacro-sainte séparation des pouvoirs sous la Cinquième république, et singulièrement sous la présidence de Nicolas Sarkozy? Dans une approche de démocratie respectable, le parlement aurait seul l'initiative des lois et les voterait. Le président et son gouvernement les mettraient à exécution. La justice veillerait à leur respect, et chacun des pouvoirs se garderait d'empiéter sur les prérogatives des autres. Il en résulterait, toujours théoriquement, que les citoyens seraient à l'abri des abus de l'exécutif, car c'est toujours vers l'exécutif que se porte la méfiance d'un peuple.
Or, qu'en est-il chez nous? Le gouvernement décide de la loi. Il la concocte dans ses cabinets, puis la fait voter par le parlement. La fait voter, et non pas: la soumet, puisqu'il est rarissime qu'une loi soit rejetée par les élus de la nation. Le droit d'amendement, invariablement contrôlé par le gouvernement, devient un leurre dès lors qu'il s'agit de celui de l'opposition.
Notre régime politique est tel que la majorité de l'Assemblée nationale est soumise à l'exécutif, principalement au président de la république. De ce dernier dépendent les carrières des leaders de cette majorité et jusqu'au moindre siège de l'ensemble des députés, puisque le président peut dissoudre l'assemblée, alors qu'elle ne peut rien contre lui. Le président est le maître absolu de notre société, dictant la loi, imposant sa politique au parlement, et enfin surveillant de très près la justice puisqu'une partie des magistrats, et non la moindre, est sous la dépendance du Garde des sceaux.
Dans ce pays, la séparation des pouvoirs est une fiction. Il n'est donc pas aberrant de soupçonner, y compris à tort, qu'une affaire puisse être abusivement amplifiée afin de servir un dessein obscur. Et qui peut élever la voix pour défendre les droits des plus faibles d'entre-nous, sinon les tribuns que nous nous sommes choisis? Qui peut courir le risque de dénoncer d'éventuels excès, dans ce système perverti par l'autoritarisme, la confusion des pouvoirs, et l'abaissement des valeurs, sinon un député de l'opposition par l'usage de sa liberté de parole?
Faites-nous une république irréprochable et nous serons un peuple respectueux.
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PS. À lire: colère chez Nefisa, la fin des «kékés» grinçants chez Didier Goux
Il conclue en effet [qu'] «il est (…) surprenant de voir les élus de la nation prendre position sur un dossier en cours, en dehors de tout cadre légal, la séparation des pouvoirs invitant, me semble-t-il, à plus de retenue…» tout en évoquant «ce principe républicain fondateur ».
Il est bien vrai qu'en théorie, ni l'exécutif, ni le législatif —auquel appartient M. Vallini—, ne doivent s'immiscer dans la justice.Mais qu'en est-il de la sacro-sainte séparation des pouvoirs sous la Cinquième république, et singulièrement sous la présidence de Nicolas Sarkozy? Dans une approche de démocratie respectable, le parlement aurait seul l'initiative des lois et les voterait. Le président et son gouvernement les mettraient à exécution. La justice veillerait à leur respect, et chacun des pouvoirs se garderait d'empiéter sur les prérogatives des autres. Il en résulterait, toujours théoriquement, que les citoyens seraient à l'abri des abus de l'exécutif, car c'est toujours vers l'exécutif que se porte la méfiance d'un peuple.
Or, qu'en est-il chez nous? Le gouvernement décide de la loi. Il la concocte dans ses cabinets, puis la fait voter par le parlement. La fait voter, et non pas: la soumet, puisqu'il est rarissime qu'une loi soit rejetée par les élus de la nation. Le droit d'amendement, invariablement contrôlé par le gouvernement, devient un leurre dès lors qu'il s'agit de celui de l'opposition.
Notre régime politique est tel que la majorité de l'Assemblée nationale est soumise à l'exécutif, principalement au président de la république. De ce dernier dépendent les carrières des leaders de cette majorité et jusqu'au moindre siège de l'ensemble des députés, puisque le président peut dissoudre l'assemblée, alors qu'elle ne peut rien contre lui. Le président est le maître absolu de notre société, dictant la loi, imposant sa politique au parlement, et enfin surveillant de très près la justice puisqu'une partie des magistrats, et non la moindre, est sous la dépendance du Garde des sceaux.
Dans ce pays, la séparation des pouvoirs est une fiction. Il n'est donc pas aberrant de soupçonner, y compris à tort, qu'une affaire puisse être abusivement amplifiée afin de servir un dessein obscur. Et qui peut élever la voix pour défendre les droits des plus faibles d'entre-nous, sinon les tribuns que nous nous sommes choisis? Qui peut courir le risque de dénoncer d'éventuels excès, dans ce système perverti par l'autoritarisme, la confusion des pouvoirs, et l'abaissement des valeurs, sinon un député de l'opposition par l'usage de sa liberté de parole?
Faites-nous une république irréprochable et nous serons un peuple respectueux.
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PS. À lire: colère chez Nefisa, la fin des «kékés» grinçants chez Didier Goux
En ce moment, tes billets sont de haute qualité ! Pour en rajouter une louche, notons un discours de NS, il y a quelques temps, qui rapprochait aussi fortement l'Eglise et l'Etat.
RépondreSupprimerHomer,
RépondreSupprimerTu crois que le Coucou va apprécier ton "En ce moment" ?
Trêve de commentaires idiots. Je suis entièrement d'accord avec toi : la séparation des pouvoirs est un leurre complet, puisque, comme tu le dis, c'est presque le chef de l'état qui nomme les députés (dans le sens où il décide des investitures) et où les magistrats dépendent de lui.
RépondreSupprimerJe ne sais pas quelle est la solution...
Au moment du débat sur la suppression du juge d'instruction, certains "gauchistes" argumentaient sur son indépendance ! C'est pourtant bien le ministère qui le payait...
@ Nico: bah... on s'améliore toujours avec le temps.
RépondreSupprimerPour le reste, le fait qu'il soit si "puissant" est plus qu'inquiétant. Attendons de voir sa réponse au mouvement de demain...
Les gars, en ce moment vos commentaires sont de haute qualité, merci beaucoup!
RépondreSupprimerNicolas, plus les années passent, plus se prépare une rupture radicale entre les citoyens et le monde politique. La solution ne pourra venir que d'un changement de république.