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dimanche 17 mai 2009

Aimer l'Europe?

Le 23 Février 1981, la télé était allumée chez un ami journaliste, nous y prêtions une attention distraite… Soudain, apparurent des images arrivant d'Espagne en direct: la tentative de coup d'état du lieutenant-colonel Tejero. Le bonhomme, coiffé d'un de ces chapeaux noirs à bords relevés, grimpe à la tribune des Cortes, le parlement Espagnol. Il a un pistolet au poing, et tire en l'air à de nombreuses reprises. Dans mon souvenir, des bouts de plâtre détachés du plafond pleuvaient, des hommes se couchaient de frayeur dans les travées de l'hémicycle… Bref, un spectacle impressionnant —notre ami, ma femme et moi, nous disions avec consternation que la démocratie de l'après-franquisme, à peine naissante, avait décidément du plomb dans l'aile. Nous nous trompions, heureusement, car le soir-même, le roi Juan Carlos reprenait les choses en main et le coup d'état avortait.
Pourquoi j'évoque ce souvenir? Parce que, à tort ou à raison, ma conviction est que les qualités humaines du roi d'Espagne, l'émotion internationale suscitée par ces images qui firent instantanément le tour du monde, ne sont pas les seuls éléments à avoir fait obstacle aux franquistes attardés. L'attrait et le rayonnement de l'Union Européenne, alors très forts, me semblent avoir joué un rôle bien plus déterminant. L'Espagne, son peuple, ses élites culturelles autant qu'économiques aspiraient à la rejoindre au plus vite. Tous se rendaient compte que l'entrée dans l'Europe serait également l'accès à la modernité, à l'épanouissement.
L'une des premières et des plus enthousiasmantes raisons d'aimer l'Europe, et de se préoccuper de son avenir est celle-ci: l'Europe c'est la paix. Ensuite, c'est aussi un souffle contagieux de démocratie —largement imparfaite, certes, mais pas moins précieuse pour autant. Il ne faut pas nous détourner d'elle.
Illustration, collection personnelle ;-)

(On peut revoir un rappel en images de la tentative du 24 Février 1981 sur une vidéo de l'INA consacrée à Juan Carlos.)


17 commentaires:

  1. Analyse correcte, pour ce qui concerne le désir des Espagnols, à cette époque, de s'arrimer en Europe. Mes amis de Guadalajara m'avaient expliqué que, pour eux, c'était la certitude de e plus être soumis aux coups d'État.

    Pour cette scène que vous évoquez, me reste en mémoire l'image extraordinaire de ce député, ancien exilé politique, refusant de se coucher et restant debout, seul, face à Tejero et à ses sbires idiots.

    Pour votre équation : Europe = plus de démocratie, en revanche, je suis en complète opposition, Bruxelles ressemblant de plus en plus à une bureaucratie soviétique.

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  2. Tu as raison, c'est bien vu. Ca me fait penser à un roman de Montalbán "La joyeuse bande d'Atzavara" et à une autre chose qu'on souhaitait finir de goûter, la libération des moeurs.

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  3. Pour l'Espagne, l'Europe est le chemin des libertés retrouvées et l'espoir pour une vie bien meilleure ! En fait, une sécurité politique et financière pour son avenir!

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. le député qui est resté sans bouger c'est santiago carillo, communiste exemplaire. Ce qui est assez drôle après coup, c'est de voir comment tout le monde plonge, aucun figurant ne pourrait faire cela.
    Quant au rôle du roi, pas simple, pas complètement clair.
    Pour le reste, zen avaient marre des franquistes (pas tous), certes, mais au-delà de l'envie d'Europe, ils avaient surtout besoin des fonds européens (qu'ils ont d'ailleurs plutôt bien utilisés).
    ps supprimé le précédent pour dyslexie honteuse

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  6. Quel souvenir! Toujours "international", je travaillais alors à Casablanca. Je commençais un boulot de prof... Je me souviens de cette nuit incertaine,l'oreille collée au transistor.Mon angoisse était à Madrid. J'y étais un peu impliqué par tant d'amitiés à l'époque... Sans image, sans télé. Mais dans ma tête, j'avais des images qui me collent encore à la rétine. Miracle de la radio. Je me souviens que je zappais entre radio française et radios espagnoles. Je me souviens de la prudence lâche de ces radios, sauf d'une qui appelait ouvertement à la résistance contre le fascisme. Puis, assez tard, je crois, l'intervention du roi, la fin du "golpe"...J'ai su, mais - je le savais déjà- que la démocratie était fragile. Quelques mois plus tard, émeutes à Casablanca. Couvre-feu. Bloqué la nuit chez des amis. Hélicoptères au ras des fenêtre, colonnes de chars dans les rues. Au matin quand j'ai pu rentré chez moi, que des soldats casqués, armés, très jeunes pour la plupart, tranchant tellement avec la population de Casablanca. Puis on recoupe des conversations, des témoignages et on sait que des centaines de personnes ont été tuées. Dans l'indifférence, le silence, le secret. Pendant des semaines j'ai vu des groupes de policiers entrant dans des maisons. J'ai entendu le silence de ceux qui auparavant me parlaient. J'ai senti l'odeur de la peur. Et en contraste, le parfum ennivrant de la démocratie. Nous sommes des enfants gâtés: nous avons, pour beaucoup, oublié ce privilège de la démocratie pour laquelle il faut toujours rester vigilant, et, peut-être, se battre.
    Pour cela, n'oubliez jamais d'aller voter!

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  7. Didier, je vous remercie de cette lecture et de partager ce point de vue…
    Sur l'Europe, je pense que si l'on se focalise sur Bruxelles, le Conseil de l'Union (les hommes d'état), la Commission, en effet la démocratie est mal en point. En revanche le Parlement est démocratique et de plus en plus agissant. Le légitimer par une bonne participation c'est lui donner plus de poids en face des autres institutions…

    Mtislav,
    J'ai oublié ce Montalban, que j'ai pourtant lu en son temps… Il doit se trouver encore quelque part à la maison, tu m'as donné envie de chercher!

    Macao,
    C'est un bon résumé, oui, j'ai l'impression que nous sommes tous d'accord.

    Martine,
    Santiago Carillo, tiens donc! Si je me souviens bien, il était, avec Enrico Berlinguer en Italie, des deux seuls dirigeants communistes ouverts et non staliniens de l'époque. Alors que nous avions en France G. Marchais, et les Portugais Alvaro Cunhal, des dinosaures!
    À l'époque, je me suis demandé, après coup, ce que Juan Carlos aurait fait sans la perspective de rejoindre rapidement l'Union. J'ai du mal à imaginer un roi avec la fibre démocratique…

    Hermes,
    Merci de ce superbe témoignage! Il se suffit largement à lui-même, je ne vois pas ce que je pourrais y ajouter!

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  8. La paix, la démocratie et l'...euro, n'oublions pas l'euro salvateur en ces temps de crise, sont les gros, très gros avantages de l'Europe , et à eux seuls ils valent bien qu'on efface le reste, un peu plus malheureux...

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  9. Je pense que depuis 1981, nous avons laissé le projet européen se faire saloper de l'intérieur par toute une bande de néo-cons qui s'en sert pour faire autre chose.
    Evidemment, le vote est une des voies pour se débarrasser d'eux, mais il nous faudrait aussi quelques types debout !
    :-))

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  10. Martine : vous êtes certaine qu'il s'agissait de Carillo ?

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  11. @didier G: je ne suis pas certaine que ce soit carillo que l'on voit sur les infos, mais je suis certaine qu'il est resté debout. J'ai été correspondante du grand journal du soir à madrid et cela fait partie des choses que l'on dit tjrs à son sujet. je vais rechercher des "preuves" si vous voulez....

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  12. aqui tiene: http://www.vimeo.com/4165094

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  13. c'est au journaliste de la télévision publique (RTVE) Pedro francisco Martin que l'on doit cette demie heure en direct du coup d'Etat, il a continué à tourné après avoir été menacé: «No intentes tocar la cámara que te mato. Desenchufa eso» (ne touche pas à la caméra ou je te tue. débranche la"
    Mais c'est surtout la radio et en particulier la cadena ser qui a retransmis le coup d'Etat et on parle souvent de la nuit des transistors

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  14. Martine : oh, mais je vous croyais ! C'est juste que, moi, je ne me souvenais pas qu'il s'agît de lui.

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  15. Serge,
    l'euro est parfois vivement critiqué en France, où son arrivée s'est accompagnée
    d'abus scandaleux de la part du commerce…

    M Poireau,
    l'Europe est une construction magnifique, mais (comme on l'a dit de la guerre et des militaires), c'est une chose trop sérieuse pour la laisser aux mains des politiques… Le problème c'est de trouver le moyen de la leur retirer des mains…

    Didier, Martine, nous voilà maintenant au parfum, merci de cet échange!

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  16. @coucou, euh c'était le 23 février. en espagnol 23F, prononcez vaintitresseéfé...et pour ceux que ça intéresse, c'est le thème du dernier livre de javier cercas (pas encore lu)

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  17. Martine,

    Merci, je vais corriger, il n'est jamais trop tard… :)

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