Au mois de mai 2009, j'évoquais dans un billet une gifle diplomatique reçue par Nicolas Sarkozy. Ses diplomates participant à la préparation de la conférence sur le Traité de Non Prolifération nucléaire n'avaient pu empêcher l'adoption de l'ordre du jour de celle-ci. La France risquait donc, le moment venu, de voir son arsenal atomique mis sur la sellette, au même titre que ceux des cinq autres états nucléaires… Aujourd'hui nous y sommes, et le piège que voulait éviter M. Sarkozy est béant…
Cette affaire n'est pas à portée de compréhension du citoyen ordinaire comme moi, d'autant que le secret et l'absence de débats publics ont toujours été de règle chez nous. Il n'est pour autant pas interdit de se poser quelques questions sur notre «bombe» —le mot est simplificateur mais bien commode, d'autant que l'on parle couramment de «ceux qui l'ont», «ceux qui veulent l'avoir»… Dans un article fouillé et souvent convaincant, à son habitude, Eva Joly expose les raisons de son adhésion à l'idée de l'abandon de l'arme nucléaire par la France. Elle est ainsi en accord avec la position des écologistes dont elle fait partie.
Pour être troublé par ses arguments, je suis néanmoins méfiant à l'égard d'une fuite en avant dans un pacifisme de principe. On aimerait savoir si oui ou non, la menace nucléaire a été un facteur de paix en Europe? À première vue, il semble bien que oui: nous étions particulièrement mal placés au sortir de la Seconde guerre mondiale, entre l'URSS et les USA. Et l'on peut se dire que sans la peur de la bombe, l'Europe de l'ouest et l'Europe centrale auraient servi une fois de plus de champ de bataille. La preuve: dès lors qu'aucun parapluie ou aucune menace atomique n'ont plus couvert la région des Balkans, au sens large, les peuples se sont étripés.
D'autre part, dans les négociations en cours, on comprend que ni les États Unis, ni la Russie ou la Chine, ne sont à la veille d'adopter l'option zéro bombe. Loin s'en faut. Leurs arsenaux, du moins ceux des deux premiers, sont si énormes encore, malgré les réductions déjà acquises, que la France se retrouverait vite nue, militairement parlant, si elle était obligée de suivre les prochaines étapes. Même totalement privés d'armes nucléaires, les Américains et les Russes resteraient les seuls maîtres du monde, surtout les premiers, par leur puissance militaire conventionnelle. Faut-il rentrer dans le rang, et nous résoudre un jour à ne plus être maîtres de notre destin? Que se passera-t-il dans notre Europe quand cette bonne conseillère qu'est la peur du chaos aura disparu? On voit bien que l'abandon des égoïsmes nationaux est loin d'être acquise…
Nicolas Sarkozy, comme Jacques Chirac, et même François Mitterrand avant lui, tient à notre bombinette —laquelle ne doit pas être si bombinette que cela, puisque tant de gens souhaitent nous la voir abandonner… Sur ce terrain, je n'ai pas envie de le critiquer à priori, sauf à regretter que comme ses prédécesseurs, il ne donne aucun moyen à la population pour comprendre —ou essayer de comprendre— les enjeux réels. S'il s'agit d'une simple question de rang, d'image, il aurait grand tort d'entraver la marche vers la paix du monde. S'il s'agit réellement de notre sécurité, alors ça vaut la peine que nous nous retrouvions du fait de notre président au ban des nations. Ce qui pourrait bien se produire.
P-S j'ai bien aimé lire aujourd'hui Désespérant, chez Poison Social…
Cette affaire n'est pas à portée de compréhension du citoyen ordinaire comme moi, d'autant que le secret et l'absence de débats publics ont toujours été de règle chez nous. Il n'est pour autant pas interdit de se poser quelques questions sur notre «bombe» —le mot est simplificateur mais bien commode, d'autant que l'on parle couramment de «ceux qui l'ont», «ceux qui veulent l'avoir»… Dans un article fouillé et souvent convaincant, à son habitude, Eva Joly expose les raisons de son adhésion à l'idée de l'abandon de l'arme nucléaire par la France. Elle est ainsi en accord avec la position des écologistes dont elle fait partie.
Pour être troublé par ses arguments, je suis néanmoins méfiant à l'égard d'une fuite en avant dans un pacifisme de principe. On aimerait savoir si oui ou non, la menace nucléaire a été un facteur de paix en Europe? À première vue, il semble bien que oui: nous étions particulièrement mal placés au sortir de la Seconde guerre mondiale, entre l'URSS et les USA. Et l'on peut se dire que sans la peur de la bombe, l'Europe de l'ouest et l'Europe centrale auraient servi une fois de plus de champ de bataille. La preuve: dès lors qu'aucun parapluie ou aucune menace atomique n'ont plus couvert la région des Balkans, au sens large, les peuples se sont étripés.
D'autre part, dans les négociations en cours, on comprend que ni les États Unis, ni la Russie ou la Chine, ne sont à la veille d'adopter l'option zéro bombe. Loin s'en faut. Leurs arsenaux, du moins ceux des deux premiers, sont si énormes encore, malgré les réductions déjà acquises, que la France se retrouverait vite nue, militairement parlant, si elle était obligée de suivre les prochaines étapes. Même totalement privés d'armes nucléaires, les Américains et les Russes resteraient les seuls maîtres du monde, surtout les premiers, par leur puissance militaire conventionnelle. Faut-il rentrer dans le rang, et nous résoudre un jour à ne plus être maîtres de notre destin? Que se passera-t-il dans notre Europe quand cette bonne conseillère qu'est la peur du chaos aura disparu? On voit bien que l'abandon des égoïsmes nationaux est loin d'être acquise…
Nicolas Sarkozy, comme Jacques Chirac, et même François Mitterrand avant lui, tient à notre bombinette —laquelle ne doit pas être si bombinette que cela, puisque tant de gens souhaitent nous la voir abandonner… Sur ce terrain, je n'ai pas envie de le critiquer à priori, sauf à regretter que comme ses prédécesseurs, il ne donne aucun moyen à la population pour comprendre —ou essayer de comprendre— les enjeux réels. S'il s'agit d'une simple question de rang, d'image, il aurait grand tort d'entraver la marche vers la paix du monde. S'il s'agit réellement de notre sécurité, alors ça vaut la peine que nous nous retrouvions du fait de notre président au ban des nations. Ce qui pourrait bien se produire.
P-S j'ai bien aimé lire aujourd'hui Désespérant, chez Poison Social…
Il n'y aura jamais de "paix du monde", il faudrait tout de même vous réveiller, à ce sujet. Les malfaisants que vous citez (la Joly en particulier) tiennent absolument à ce que la France renonce à l'arme nucléaire. Mais ils sont toujours plein de mansuétude dès qu'il s'agit du nucléaire "civil" de l'Iran, par exemple.
RépondreSupprimerIl convient, non seulement de maintenir notre arsenal nucléaire, mais de faire clairement comprendre, urbi et orbi, que nous n'hésiterons nullement à nous en servir.
Il est également indispensable d'empêcher qui que ce soit d'autre de s'en doter. Au besoin par la force (économique d'abord, militaire ensuite).
Ah la supériorité du biscotto bien de chez nous tandis que nos voisins sont tout ramollos !
RépondreSupprimerBon, vaste sujet, je ne m'étends, je suis antimilitariste de naissance. Je sens que je vais en froisser quelques uns et le Goux en particulier !
:-))
[Tiens, je lisais que parmi ces nucléarisés militaires, seule la Chine a signé le traité par lequel les pays s'engagent à ne pas utiliser l'arme nucléaire contre un pays qui n'en serait pas doté. C'est peut-être aussi pourquoi d'autres nations cherchent tant à se la procurer ! :-)) ].
J'ai fait la bombe, hier soir.
RépondreSupprimerDidier, jamais? Vous avez forcément tort, car l'humanité peut muter et un nouveau chaînon, moins taré, apparaître, qui instaurerait une paix universelle. D'autre part, l'homme peut aussi disparaître: le monde, les insectes et autres bestioles survivantes seront également "en paix", c'est à dire qu'ils continueront à s'entre-dévorer "conventionnellement", à coups de dents, de mandibules…
RépondreSupprimerJe suis d'accord en tout cas avec votre dernier point.
M.Poireau, signer seul un traité concernant 5 pays, c'est bizarre… La Chine a écrit son propre traité?
L'antimilitarisme, quand il est anarchiste, est sympa. Un monde anarchiste (un vrai, pas la caricature qui est faite généralement de cette doctrine) serait paradisiaque… Mais il supposerait que tout le monde atteigne un sens des responsabilités, un niveau d'altruisme, utopiques. En attendant, on n'a rien de mieux que de l'ordre et des moyens de défense pour faire cohabiter des sociétés…
Les pays sans armées sont tous des nains politiques qui se reposent sur de plus grands qu'eux pour assurer leur défense, et aucun d'eux ne peux se passer totalement de police ou de milice… ;-)
Nicolas, essaie de ne pas contaminer tes collègues de boulot, aujourd'hui!
Le Coucou : même le Costa Rica ?
RépondreSupprimer:-))
[«La Chine s'engage à ne jamais être la première à utiliser des armes nucléaires, à aucun moment et en aucune circonstance» C'est annexé à la résolution 984 adoptée par le Conseil de Sécurité le 11 avril 1995 d'après un article signé du Général Etienne Copel dans LaRevue dont je lis le premier numéro ! www larevue.info ].
M.Poireau: pour le Costa Rica, Wikipedia dit:
RépondreSupprimer"Le pays possède une force civile de 8 300 hommes."
Pour la Chine, on ne voit pas très bien quelle menace ils pourraient craindre avant longtemps [aux dernières nouvelles, les centrifugeuses du dalaï lama ne sont pas encore opérationnelles, les sanctions de la Chine devraient le dissuader de poursuivre sur "la voie" de la bombe…] ;-)
Le Costa Rica ayant viré civilement les militaires (en 58, je crois !) est un modèle quand au social et à l'éducation del a population. De mémoire c'est le pays où il y a la plus forte alphabétisation !
RépondreSupprimer:-))
[Tu supprimes l'armée, ça fait remonter l'alphabétisation, c'est logique ! :-))) ].
Poireau, une force civile de 8300 hommes, et une police comme tout le monde…
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