Ce matin là, Mme Sotenlong prenait son petit déjeuner, verveine et biscuits aux brocolis, quand on lui annonça son gestionnaire. Dès qu'il fut introduit, elle posa sa tasse et l'apostropha d'un ton angoissé:
— Alors mon très cher Marcel?
— Sauvée, vous êtes sauvée Nadine!
—Je peux garder mon dressing aux Seychelles, alors? Dieu soit loué! J'ai tellement mal aux pieds, voyez-vous mon bon, avec ces vilains souliers que je suis obligée de porter en pays Franchois. L'empereur ne se rend pas compte de la souffrance qu'il impose aux dames de qualité, avec son impôt inique sur la chaussure… Et d'abord, pourquoi faut-il payer cette odieuse chose, hein, je vous le demande?
— Je vous l'ai déjà expliqué, Nadine.
— C'était il y a longtemps, j'ai oublié.
Un soupir discret fusa par les narines de Marcel.
— Nicolas Premier, notre bien-aimé empereur, se méfie des souliers depuis qu'un Irakien en a lancé une paire sur le président Bush. Il a donc créé cette taxe afin de prévenir un tel attentat contre sa personne. C'est très efficace: tout le petit peuple est aujourd'hui déchaussé faute de pouvoir payer l'impôt. Vous ne trouveriez même pas une paire de charentaises chez la populace, en pays Franchois.
— Ah, je me souviens, maintenant, merci mon bon Marcel! Vous disiez que je ne serai pas poursuivie par le fisc pour les chaussures non déclarées?
—Voilà, Nadine… Il vous suffit de signer trois petits chèques de rien que je vous ai préparés: un petit pour Mme Pâturonne, un autre pour le sapir de la Cassette impériale, et le dernier pour l'empereur… Avec ça, vous serez à l'abri de tout souci du côté fiscal.
Nadine Sotenlong jeta un coup d'œil sur les chèques, comptant les zéros avec ses doigts, puis elle reprit, soucieuse:
—Et si cela venait à se savoir?
—Personne n'en saura rien, mais si cela était, vous pouvez dormir tranquille: nous ne sommes pas en France, que diable!
La brave milliardaire tressaillit à l'évocation de ce dernier pays, et dit à voix basse en fermant les yeux:
—En France ! Le ciel me préserve d'y mettre jamais les pieds…
—Là-bas, à la moindre preuve de corruption, ils vous traînent un ministre en justice, ils vous renversent un président.
—Quand j'ouvre Le Journal, je ne lis jamais les articles du Journaliste sur la France: sans quoi j'ai l'impression de plonger dans l'enfer de ma tante…
— L'enfer de Dante, vous voulez dire, Nadine?
— C'est ça, merci mon bon Marcel. Dans ce pays abominable, ils ont des journalistes plus teigneux que mes chiens, et des hommes politiques tellement intègres qu'ils ne peuvent supporter le moindre écart!
—Nous sommes en pays Franchois, ma chère Nadine, remettez-vous. Ici, c'est le bien-aimé Nicolas Premier qui décide du bon et du mauvais, du juste et de l'injuste.
— Vous trouvez toujours les mots qu'il faut pour me rassurer, vous êtes une perle, Marcel… Et si je faisais aussi un petit chèque à l'archevêque, pour qu'il prie Dieu de nous garder longtemps notre grand Empereur?
—Bonne idée, Nadine… Vous n'avez qu'à signer, je compléterai l'ordre et la somme…»
source lointaine: Mediapart
P-S, pendant j'avais la tête ailleurs, Arf a publié deux textes à lire vite: «La fête des écoles» et «Les platanettes»…
— Alors mon très cher Marcel?
— Sauvée, vous êtes sauvée Nadine!
—Je peux garder mon dressing aux Seychelles, alors? Dieu soit loué! J'ai tellement mal aux pieds, voyez-vous mon bon, avec ces vilains souliers que je suis obligée de porter en pays Franchois. L'empereur ne se rend pas compte de la souffrance qu'il impose aux dames de qualité, avec son impôt inique sur la chaussure… Et d'abord, pourquoi faut-il payer cette odieuse chose, hein, je vous le demande?
— Je vous l'ai déjà expliqué, Nadine.
— C'était il y a longtemps, j'ai oublié.
Un soupir discret fusa par les narines de Marcel.
— Nicolas Premier, notre bien-aimé empereur, se méfie des souliers depuis qu'un Irakien en a lancé une paire sur le président Bush. Il a donc créé cette taxe afin de prévenir un tel attentat contre sa personne. C'est très efficace: tout le petit peuple est aujourd'hui déchaussé faute de pouvoir payer l'impôt. Vous ne trouveriez même pas une paire de charentaises chez la populace, en pays Franchois.
— Ah, je me souviens, maintenant, merci mon bon Marcel! Vous disiez que je ne serai pas poursuivie par le fisc pour les chaussures non déclarées?
—Voilà, Nadine… Il vous suffit de signer trois petits chèques de rien que je vous ai préparés: un petit pour Mme Pâturonne, un autre pour le sapir de la Cassette impériale, et le dernier pour l'empereur… Avec ça, vous serez à l'abri de tout souci du côté fiscal.
Nadine Sotenlong jeta un coup d'œil sur les chèques, comptant les zéros avec ses doigts, puis elle reprit, soucieuse:
—Et si cela venait à se savoir?
—Personne n'en saura rien, mais si cela était, vous pouvez dormir tranquille: nous ne sommes pas en France, que diable!
La brave milliardaire tressaillit à l'évocation de ce dernier pays, et dit à voix basse en fermant les yeux:
—En France ! Le ciel me préserve d'y mettre jamais les pieds…
—Là-bas, à la moindre preuve de corruption, ils vous traînent un ministre en justice, ils vous renversent un président.
—Quand j'ouvre Le Journal, je ne lis jamais les articles du Journaliste sur la France: sans quoi j'ai l'impression de plonger dans l'enfer de ma tante…
— L'enfer de Dante, vous voulez dire, Nadine?
— C'est ça, merci mon bon Marcel. Dans ce pays abominable, ils ont des journalistes plus teigneux que mes chiens, et des hommes politiques tellement intègres qu'ils ne peuvent supporter le moindre écart!
—Nous sommes en pays Franchois, ma chère Nadine, remettez-vous. Ici, c'est le bien-aimé Nicolas Premier qui décide du bon et du mauvais, du juste et de l'injuste.
— Vous trouvez toujours les mots qu'il faut pour me rassurer, vous êtes une perle, Marcel… Et si je faisais aussi un petit chèque à l'archevêque, pour qu'il prie Dieu de nous garder longtemps notre grand Empereur?
—Bonne idée, Nadine… Vous n'avez qu'à signer, je compléterai l'ordre et la somme…»
source lointaine: Mediapart
P-S, pendant j'avais la tête ailleurs, Arf a publié deux textes à lire vite: «La fête des écoles» et «Les platanettes»…
Très jolie chronique. Madame Sotenlong pourrait être syldave. J'aime beaucoup.
RépondreSupprimerJean-Marc, merci, mais Madame Sotenlong est née en Syldavie, voyons!
RépondreSupprimerExcellent !
RépondreSupprimerahahah..."toute ressemblance avec des personnes .." etc. etc. "ne serait que PURE COÏNCIDENCE" bien sûr? C'est marrant quand même, on ne l'entend pas trop(pour ne pas dire pas du tout) celle-là, dans les "médias". Rien à la télé sur cette phrase prononcée par la Bettencourt"et Sarkozy?" et la réponse de De Maistre "c'est fait, c'est dedans...."
RépondreSupprimerEt pourtant c'est ce qui m'a fait bondir, et je vois avec plaisir qu'on est quelques uns à le souligner sur la toile. Parce que dans les médias mainstream, rien, nada, quedalle! Un président corrompu? Nooooon, c'est tellement énorme que, comme un seul homme, la France a zappé le fait, la preuve, l'info.
Un peu comme une hypnose collective quoi : on se concentre sur Woerth(encore a-t-il fallu que Médiapart et Le Point insistent lourdement pour que ça décolle) mais sur ce qui semble être une VRAIE PREUVE de corruption, rien?
Je ne reconnais plus ce pays.
Mais de quoi vous parlez, tous? On doit parler football et c'est tout!
RépondreSupprimerdéconcertant, mais c'est le Sarkoland
RépondreSupprimerDavid, merci!
RépondreSupprimerToff, Mediapart a posé une question à l'Elysée à propos de ce chèque signé pour Nicolas Sarkozy, mais attend encore la réponse…
Hermes, même en m'appliquant, je n'arrive pas à parler de football…
Peuples, le Sarkoland, oui… Je ne comprends pas comment il tient encore debout!