François Fillon vient de refuser de donner au juge Renaud Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner des locaux de la DGSE, le service de renseignement français. Ceci en vertu du fait que les lieux abritant la DGSE sont protégés par le secret défense. Mais au fait, de quoi est pétri ce fameux «secret défense» que l'on oppose régulièrement à la curiosité de ceux qui sont sensés nous représenter, ou enquêter et juger en notre nom ?
Il repose sur l'article 413-9 du Code pénal :
«Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale.
Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat.»
Dans le cas évoqué plus haut, s'agissant des locaux de nos services de renseignement, on convient sans chicaner qu'ils relèvent de la défense nationale. En refuser l'accès à un juge d'instruction peut donc reposer sur des bases légitimes, et la décision de F. Fillon s'explique (ou plutôt la décision de N. Sarkozy, tant on imagine mal Fillon renouer ses propres lacets sans l'aval du premier).
Toutefois, on sait que le juge n'enquête ni sur notre arme atomique, ni sur nos agents en Afghanistan. Non, il s'agissait pour lui de rechercher des documents sur d'éventuelles rétro-commissions, dans le contexte précédant l'attentat de Karachi.
Ces rétro-commissions, si elles ont bien existé, sont interdites par la loi, et constituaient des malversations financières banales, comme ces pots-de-vin échangés par des trafiquants ordinaires. Bien sûr, l'importance des sommes en jeu et le fait qu'elles étaient peut-être destinées notamment à des hommes politiques, incite à qualifier l'opération de scandale.
D'autant plus que l'opération se serait finalement terminée dans le sang, avec la mort de 11 Français, sur 14 victimes. Quoique l'on se retrouve plutôt dans le registre criminel, il n'y a rien là-dedans qui mette en péril la sécurité du pays. C'est la réputation d'une poignée d'hommes, leur condamnation possible qui est en question, rien de plus.
Alors que vient faire le secret défense là-dedans ? Si un jour prochain Nicolas Sarkozy écrasait en voiture un promeneur sur une route déserte, ferait-on retomber la chape du secret défense sur l'homicide par imprudence ? La République gagnerait en propreté en sanctionnant l'abus du secret d'état —ne parlons pas de démocratie : la France en est de toute façon trop éloignée !
P-S : Sur le site des familles de victimes de l'attentat de Karachi se trouve une pétition demandant au chef de l'État de tenir ses engagements. Elle n'a recueillie actuellement que 2788 signatures… J'avais relayé l'appel à signatures, voici plusieurs mois, mais j'insiste auprès de vous…
Il repose sur l'article 413-9 du Code pénal :
«Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale.
Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat.»
Dans le cas évoqué plus haut, s'agissant des locaux de nos services de renseignement, on convient sans chicaner qu'ils relèvent de la défense nationale. En refuser l'accès à un juge d'instruction peut donc reposer sur des bases légitimes, et la décision de F. Fillon s'explique (ou plutôt la décision de N. Sarkozy, tant on imagine mal Fillon renouer ses propres lacets sans l'aval du premier).
Toutefois, on sait que le juge n'enquête ni sur notre arme atomique, ni sur nos agents en Afghanistan. Non, il s'agissait pour lui de rechercher des documents sur d'éventuelles rétro-commissions, dans le contexte précédant l'attentat de Karachi.
Ces rétro-commissions, si elles ont bien existé, sont interdites par la loi, et constituaient des malversations financières banales, comme ces pots-de-vin échangés par des trafiquants ordinaires. Bien sûr, l'importance des sommes en jeu et le fait qu'elles étaient peut-être destinées notamment à des hommes politiques, incite à qualifier l'opération de scandale.
D'autant plus que l'opération se serait finalement terminée dans le sang, avec la mort de 11 Français, sur 14 victimes. Quoique l'on se retrouve plutôt dans le registre criminel, il n'y a rien là-dedans qui mette en péril la sécurité du pays. C'est la réputation d'une poignée d'hommes, leur condamnation possible qui est en question, rien de plus.
Alors que vient faire le secret défense là-dedans ? Si un jour prochain Nicolas Sarkozy écrasait en voiture un promeneur sur une route déserte, ferait-on retomber la chape du secret défense sur l'homicide par imprudence ? La République gagnerait en propreté en sanctionnant l'abus du secret d'état —ne parlons pas de démocratie : la France en est de toute façon trop éloignée !
P-S : Sur le site des familles de victimes de l'attentat de Karachi se trouve une pétition demandant au chef de l'État de tenir ses engagements. Elle n'a recueillie actuellement que 2788 signatures… J'avais relayé l'appel à signatures, voici plusieurs mois, mais j'insiste auprès de vous…
salut cher coucou,
RépondreSupprimerbien vu! Et en avance, en plus : ça fait longtemps que tu relaies cet appel pour Karachi (rendons à César..)
espérons juste que cette nouvelle gamelle sarkozynoïde ne finisse pas comme la précédente : en eau de boudin. En bout de bettencourse...(ok ok je m'en vais)
Toff,
RépondreSupprimerj'étais loin d'être le premier, mais de toute façon, l'important serait que cette affaire se dénoue —au moins pour les familles.
Quant à l'issue… on verra bien, mais il est vrai qu'il y a un problème : le pouvoir tient le pouvoir…
si on perquisitionne les services secrets, ils sont plus secrets...
RépondreSupprimerSi un jour prochain Nicolas Sarkozy écrasait en voiture un promeneur sur une route déserte, il ne serait pas inquiété avant la fin de son mandat. Constitutionnellement, son immunité est totale. Même s'il commettait un meurtre devant témoin. Et si, ensuite, il ordonnait aux Services secrets de liquider ce témoin, l'ordre serait classé Secret défense. On ne pourrait demander sa déclassification qu'à la condition d'être sûr que cet ordre existe ; or un affidé pourrait très bien l'avoir fait disparaître avant la passation de pouvoir... et, comme le dit marronnier, une perquisition aux Services secrets est par définition improbable.
RépondreSupprimerC'était mon quart d'heure politique-fiction.
Dans l'histoire de Karachi, c'est plutôt la défense des victimes mise au secret.
RépondreSupprimerMarronnier,
RépondreSupprimerdans une république, il y a des limites à l'immunité des services secrets. Ils doivent être aussi soumis à un contrôle.
Omnibus,
les choses se passeraient effectivement en grande partie comme tu l'imagines, en effet. Mais mon propos était de distinguer très simplement ce qui relèverait en théorie du secret d'état ou non…
Nicolas,
RépondreSupprimeroui, c'est plutôt ça en effet.