samedi 20 décembre 2008

Au nom de Robespierre

Dans la galerie intime des grandes figures historiques qui me sont sympathiques, je range en bonne place Robespierre. La vertu républicaine de ses écrits me touche toujours, tels: «Discours et rapports à la Convention», débarrassés de l'enflure révolutionnaire et des effets de tribun. Voilà un personnage injustement maltraité par la mémoire nationale, qui ne retient de lui que le héros sanguinaire de la Terreur. Rares sont les communes française ayant assez le sens des symboles fondateurs pour lui dédier une rue. A vrai dire, je ne connais que le village de Marsillargues, dans l'Herault, où j'ai vécu quelques années, pour avoir une rue Maximilien de Robespierre, mais peut-être en existe-t-il d'autres, notamment dans Arras, sa ville natale?

Mon intention n'est pas cependant de prendre ici la défense de ce grand «émancipateur» —comme nous l'enseignait l'instit de mon enfance—, ni d'en dresser un portrait. C'est par pure mauvaise humeur que j'ai voulu placer mon billet sous cette évocation tutélaire.
Cette mauvaise humeur a un nom: Charles -Emmanuel de Bourbon-Parme, ci-devant prince qui revendique descendre en droite ligne de Louis XIV.

La jolie formule «ci-devant», utilisée par les révolutionnaires de 1789, n'est pas une fioriture gratuite, elle signifiait à l'époque de l'abolition des privilèges et de la royauté : anciennement. Donc, anciennement prince, duc, marquis, etc. Je suis invariablement choqué pas ces citoyens qui se parent de titres disparus depuis des siècles, ce qui me semble toujours sous-entendre la sourde revendication d'un retour à l'ordre ancien.

Toujours est-il que M. Bourbon-Parme poursuit en justice un établissement public, celui du Musée et Domaine national de Versailles, pour faire cesser le scandale d'une exposition organisée au château du même nom. Sa requête vise les œuvres d'un artiste, Jeff Koons, dont je ne connais rien, je dois l'avouer. La photo de l'une d'elles figure sur le site de Libération, en illustration de l'article ayant inspiré mon billet. Elle représente Michael Jackson, et franchement, ce n'est pas le genre d'art qui me fera déplacer.

Mais la question est ailleurs, puisque M. Bourbon-Parme soutient que cette expo est une «profanation» et porte «atteinte au respect dû aux morts».
En bref : ce monsieur évoque ses aïeux, et cause comme un pastiche des droits de l'homme, oubliant que personne n'est enterré au château de Versailles, sauf peut-être quelques chiens-chiens de son ancêtre. Il n'y a même pas la tête de Louis Auguste Capet, ci-devant roi sous le nom de Louis XVI !
Nos ancêtres à nous ont fait décoller celui-ci pour tourner à jamais la page de l'ancien régime. Ce n'était pas pour permettre qu'un jour, un lointain descendant d'un oublié de Robespierre prenne sa revanche ridicule!

PS. Plusieurs Leftblogs sont revenus sur le travail du dimanche : Antoine, Expat-Prague, Marc Vasseur, Sarkofrance

18 commentaires:

mtislav a dit…

J'ai un faible pour Robespierre. Jeff Koons... Il me donne envie de faire des procès !

Balmeyer a dit…

Comme dirait Dorham : manque une tête.

Marie-Georges a dit…

D'ailleurs parfois les photos de Koons n'ont ni tête ni tête.
Très bon billet. Vous avez raison : on peut ne pas apprécier Jeff Koons et ricaner à la tentative ridicule de certain descendant à faire "respecter" le lieu. J'espère qu'il compte aussi faire retirer les statues de satyres du jardin et coller un procès aux descendants de Le Brun pour la violence des scènes de batailles de la galerie.

Tulipe a dit…

Soyez rassuré Le Coucou, il y a bien à Arras une rue Robespierre où vous pourrez visiter la maison Robespierre, devenue musée...
Vous pourrez aussi aller boire un verre au Bar des Sports, au 52 rue Robespierre à Montreuil, et dans la même rue vous restaurer à L'Amourette...

Vous auriez pu être à Talence, le 11 décembre dernier, pour le rassemblement devant la salle Robespierre (angle des rues Dourout et Robespierre) rassemblement contre la fermeture de la poste Robespierre...

De Brest à Agen, en passant par Quimper et La Rochelle (où c'est même une avenue), Robespierre est fixé sur les plaques bleues.

J'aurais une pensée pour vous chaque fois que j'irais faire un tour ailleurs: j'essaierai de trouver la rue Robespierre...

Le_M_Poireau a dit…

Je ne comprends d'ailleurs pas que l'on puisse légalement se revendiquer de ce "de" quelque chose que la Révolution avait pourtant ramené à un non-sens historique !
S'il n'aime pas l'expo, il n'a pas qu'à pas y aller. Après tout ,c'est un lieu publique !
:-)))

Le coucou a dit…

mtislav, je ne connais pas Jeff Koons…, mais un procès intenté au nom des mânes de Louis XIV me disposerais presque à l'indulgence pour n'importe quoi!
balmeyer, c'est vous qui l'avez subtilisée?
Marie-Georges, il a de quoi faire, en effet s'il espère transformer Versailles en mausolée de ses ancêtres! Par exemple exiger le port d'une coiffure sur les cheveux des femmes, comme à Lourdes, interdire les tenues et rires "déplacés", etc.
Tulipe, en fait, je ne doutais pas que l'on puisse trouver des rues Robespierre en France, mais ce n'était pas l'objet principal du billet. Aussi, me suis-je volontairement abstenu de faire une recherche sur internet, pour m'en tenir à une impression générale, davantage en rapport avec la désaffection qui touche le personnage.
M. Poireau, ce n'est certainement pas autre chose qu'un élément du patronyme, une coquetterie d'état-civil. Je me demande d'ailleurs si les titres nobiliaires ont la moindre existence légale —en dehors du fait qu'ils peuvent faire l'objet, je crois, d'une vente ou d'un achat, comme une bagnole d'occasion, une maison…

Tulipe a dit…

Je me doutais bien que vous ne doutiez pas... En fait, en mal de sommeil et d'inspiration pour un commentaire adéquat, je n'ai rien trouvé de moins stupide pour m'occuper... désolée.

Le coucou a dit…

Tulipe, votre commentaire était bienvenu, puisque vous apportiez une réponse à une question, en complétant le billet. Et merci de votre fidélité.

Anonyme a dit…

Il y a eu aussi un film réalisé en 1913 par Herbert Brenon ( que tout le monde connaît, bien entendu :-D) dont le titre était Robespierre...

Comme de coutume, je dois être hors sujet, mais je tenais à laisser une trace de patte pour saluer Le coucou...

Le coucou a dit…

Bérénice,merci d'autant plus que je n'ai jamais vu ce film! :)

Anonyme a dit…

Et vous vous dites écrivain ??? Consternant.

Le coucou a dit…

Georges, la nuit a été brève, je ne suis pas d'humeur à polémiquer. Passez une belle journée!

Didier Goux a dit…

Il n'empêche qu'il s'appelle tout de même M. de Bourbon-Parme : il a droit à sa particule... tout comme y a droit Robespierre, ce petit noblaillon aigri.

Le coucou a dit…

Didier Goux, un jour de Noël, on peut bien remettre sa particule dans les pantoufles de M. de Bourbon-Parme! Au fond, les roturiers comme moi, perdent leur temps à s'agacer de ce petit bout de vanité prépositionnelle qui n'a jamais prouvé grand-chose à lui seul, en matière de noblesse.

Didier Goux a dit…

Ce n'est pas forcément de la vanité (même si ça peut l'être chez les plus idiots). Pourquoi pas l'attachement au nom exact que votre père vous a légué, lui-même le tenant de son père, etc. ? Et aussi la jouissance de s'inscrire dans une lignée clairement identifiable, ce qui n'est que rarement possible aux roturiers obscurs que nous sommes...

Le coucou a dit…

C'est exact, l'attachement d'un aristocrate à son patronyme s'explique aussi par des motifs respectables. Je crois que je retirerais moi-même une satisfaction certaine à prendre place dans une longue lignée d'ancêtres. L'agacement du roturier républicain ne me paraît pas associé à cet aspect sentimental et largement partagé, mais plutôt au soupçon que sous le lien affectif ne se cache un désir de retour aux valeurs d'ancien régime.
Quand feu l'ancien Comte de Paris se présentait (ou se laissait présenter) en prétendant au trône de France, il accréditait un tel soupçon. Vu sous cet angle, et quoique ce soit assez folklorique, la particule est un symbole pratique pour égratigner la mentalité réactionnaire, rien de plus.
PS: simples prolongements anecdotiques, le blog du Prince d'Orléans : http://www.maisonroyaledefrance.fr/wordpress/
et le site de la Maison Royale de France : http://www.maisonroyaledefrance.fr/

Didier Goux a dit…

Un vrai royaliste vous dirait que les d'Orléans descendent d'un régicide (Philippe dit "Egalité"), et qu'à ce titre, ils feraient mieux de la mettre en veilleuse !

Et, franchement, je ne crois pas qu'il se trouve beaucoup d'aristocrates assez stupides pour croire sérieusement à un retour de l'Ancien régime. Qu'ils puissent en cultiver une vague nostalgie, soit, mais y croire...

Le coucou a dit…

Didier, je n'ai vraiment pas envie de me plonger dans la généalogie labyrinthique de ces braves gens. Je suppose, au pif, que les d'Orléans asseoient leurs prétentions sur le fait que les Bourbon-Parme descendent de Philippe V d'Espagne, petit-fils de Louis XIV, qui avait dû renoncer pour lui et sa lignée, par traité, à toute prétention à la couronne de France (souvenir de lecture de Saint-Simon).
À votre différence, je pense que nos grands aristocrates caressent l'idée qu'un roi "légitime" pourrait être un recours pour le pays, face à un chaos hypothétique. Du reste, à une époque, on avait prêté à De Gaulle le dessein d'offrir sa succession au Comte de Paris…
Bon, qu'ils rêvent en paix, et en tout cas, merci des visites…