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mardi 30 septembre 2008

Conte bancaire

La bourse avait la crève dans ce petit matin gris, mais Gédéon Doré n'en sifflotait pas moins en sortant de la salle de bains. À l'heure où la Coronel Bank ouvrait ses guichets, il appela Trouchon, son gestionnaire attitré à la banque, tout en jetant un coup d'œil sur internet aux derniers cours connus.
«Comment va, mon cher Trouchon?
—Ça yoyote, M. Doré, ça yoyote !
—Aïe! Madame avait loupé la ratatouille, hier soir ?
—Non, les Zaxia, lâcha Trouchon d'un ton mourant.
—Oui, bon ! pas de quoi gémir : ils reprennent 8% déjà.
—Hélas, M. Doré, ma femme a vendue nos Zaxia dans mon dos, HIER. Au plus bas !
—…
—Vous êtes toujours là, questionna Trouchon ?
—Qu'est ce qui lui a pris ? dit Doré.
—On avait eu des mots, parce que je trouvais que ce n'était pas le moment qu'elle s'achète des bottes, des Balanciaga à 400 euros… Eh bien, elle a vendu les Zaxia pour se les offrir ! Cent titres à 7,30 M. Doré. Avec la monnaie, elle a pris des escarpins en plus.
—Pfff ! Je compatis Trouchon, mais remettez-vous : tant qu'il y a de la vie…
—Y a de l'espoir, c'est ce que je me dis aussi, soupira le banquier.
—Bon, Trouchon, vous allez me vendre du Pikou.
—Pikou ? Vous n'avez aucune action Pikou en portefeuille… Vous jouez la vente à découvert ?
—On ne peut rien vous cacher, sacré Trouchon !
— Pikou cote à 8 € en ce moment, vous en vendez combien?
— Mettez-m'en dix kilos, dit Gédéon Doré.
— Heu…, 10000 titres ?
— Voilà, 80000 € tout ronds !
— Mmm, c'est faisable, quoiqu'un peu osé par les temps qui courent, si je puis me permettre, estima le gestionnaire.
— Parfait, mon bon Trouchon, vous m'arrangez ça tout de suite.»
Gédéon Doré raccrocha sans attendre de confirmation, assuré que son gestionnaire favori traiterait scrupuleusement son ordre de vendre 10000 Pikou qu'il ne possédait pas.
Il termina son café, prit sa raquette de tennis et son petit baise-en-ville sportif, puis s'en alla dépenser son trop plein d'énergie au Cercle de Lutèce. À l'heure du déjeuner, il vérifia que le cours de Pikou poursuivait sa dégringolade, telle qu'il l'avait conjecturé dans son analyse de la veille.
6,10 € au dessert, 5 € en rentrant chez lui…
Vers 16h Pikou cotait 1,6 €, soit une chute de 20% qui le plongea dans un état proche de l'extase, éperdu en tout cas d'admiration pour lui-même. Il rappela le bon Trouchon et le pria d'acheter ses 10000 Pikou sur le champ.
Il les paya 16000€. Soit le montant exact de ses liquidités du matin. Une pure coïncidence qui les fit rire aux larmes l'un et l'autre. Sauf qu'ayant vendu pour 80000 € de titres inexistants au matin, il liquidait à présent sa position vendeuse et se retrouvait avec un solde de 32000€ sur son compte : joli coup, non ?
L'histoire ajoute une chose fort curieuse en guise de morale : le portefeuille de Gédéon Doré ne se retrouva même pas encombré de ces Pikou foireuses, puisqu'elles n'existaient pas. Il n'y eut que le bénéfice.

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P.S. tardif : J'informe mes lecteurs clavésiens que le site de l'opposition municipale, Claviers Ensemble est à nouveau ouvert, tout beau, tout nouveau.
Mon billet d'aujourd'hui ne me permettait guère de créer des liens vers les blogs que j'apprécie. Mais je vous recommande encore une fois la lecture d'un texte de Monsieur Poireau, décidément en verve, et de Nicolas : «obèse quand on veut». Enfin, j'ai lu comme chaque jour la page de Didier Goux, presque invariablement impeccable sur le plan littéraire, souvent peu en phase avec mes idées, ce qui ne me gêne pas.




lundi 29 septembre 2008

M. Fillon la main dans le sac de la république.

Grâce à un infortuné petit avion passé trop près du Falcom de M. Fillon, nous saurons désormais que le premier ministre part en week-end privé en avion, aux frais de la nation. Pour sa défense, M. Fillon, pris la main dans le sac, argue qu'un voyage en TGV serait impraticable en raison des mesures de sécurité que sa présence à bord nécessiterait. Voire ! À quoi lui sert sa voiture personnelle ? Je ne parle pas d'un véhicule de fonction, non, non. Puisqu'il s'agissait d'un déplacement privé, je fais allusion à la Twingo du ménage Fillon, dont celui-ci doit forcément disposer pour ses besoins personnels.

S. Royal combative, Delanoe capitulard

Pour brocarder à sa manière le «rassemblement de la fraternité» organisé par Ségolène Royal au zénith, Bertrand Delanoë a déclaré «J'ai tellement le sens de la fraternité que je n'avais pas besoin d'aller au Zénith pour être fraternel». Un sens en effet si développé qu'il vient d'annoncer que la ville de Paris participerait à la lutte contre le droit de grève, conformément à la loi de Sarkozy, en organisant l'accueil des enfants dans les écoles les jours de grève des enseignants.
Martin Luther King disait qu'il y a «deux sortes de lois : les lois justes et les injustes». Et il soutenait «qu'un homme qui refuse d'obéir à une loi lui paraissant injuste (…) exprime en agissant ainsi son très grand respect pour la loi». Consultez l'excellent texte de Jean-Marie Muller sur la désobéissance civile, peut-être vous convaincra-t-il, comme moi, que toutes les lois ne sont pas légitimes, parce que pas forcément respectables. En cédant sur ce point, M. Delanoë fait bon marché de la valeur républicaine de fraternité qui, à mon sens, est sœur jumelle de la solidarité. Ce faisant, il trahit non seulement les futurs grévistes de l'éducation nationale, mais aussi le PS, car il avalise un abus de pouvoir de M. Sarkozy au lieu de s'opposer vigoureusement à lui sur un terrain exemplaire. Peut-être veut-il se donner des airs d'homme d'état raisonnable, pour soutenir son ambition de faire main-basse sur ce parti? Mais nous avons besoin à la tête du pays d'un homme ou d'une femme ne transigeant pas avec la justice sociale et les valeurs républicaines si malmenées depuis l'élection de Nicolas Sarkozy.
Pour revenir au mépris affiché par le maire de Paris envers Ségolène Royal, associé en cela aux autres parrains du PS, il me semble évident que leurs réactions trahissent surtout le dépit de la voir toujours combative, et capable de mêler le sourire à l'espérance.


P.S. Stephane Rousson a échoué dans sa tentative de traverser la Manche en dirigeable à pédales, en raison d'un vent contraire trop puissant. Bravo quand même, et souhaitons lui de réussir bientôt !

dimanche 28 septembre 2008

De la crise à la liberte de parole menacée, en dirigeable à pédales

Épidémie financière
La grippe américaine vient de faire un premier malade en Europe, touchant la banque Fortif, belgo-néerlandaise. Des analyses sont en cours pour savoir si elle a bien contracté le virus des subprimes, ou une variante mutante, mais elle va mal en tout cas, puisqu'à son chevet on parle déjà de récupérer ses organes encore sains en vue de transferts…

Exploits.
Il y a quelques jours, un suisse vaillant traversait la Manche avec une aile à réaction… En pleine crise de l'énergie, sous la menace du réchauffement climatique, et alors que tous les hommes et femmes de bonne volonté réclament une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre, comme exploit symbolique, il fallait l'oser. Il l'a fait.
Aujourd'hui, dimanche 28 septembre, un autre adepte du beau geste gratuit, français celui-ci, s'est élancé à son tour pour traverser the Channel (il est parti d'Angleterre). Sa tentative m'est nettement plus sympathique, puisque c'est aux commandes d'un dirigeable à pédales que Stéphane Rousson devait tenter l'aventure. Lors d'un précédent essai, au mois de Juin, Stephane Rousson avait dû renoncer en raison de vents trop forts… À l'heure où j'écris ce billet, j'ignore s'il aura réussi ou non, mais je le lui souhaite. Je lui dédie ces vers d'Apollinaire, qui a hélas méconnu les séductions du dirigeable à pédales :
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.

Privilèges en péril
Des amis sénateurs de Christian Poncelet, président du sénat qui doit quitter cette fonction prochainement, ont eu une idée de cadeau d'adieu touchante. Elle ira droit au cœur de tous les français mal logés ou tirant le diable par la queue, et plus généralement de tous les citoyens soucieux de morale. Il s'agit d'attribuer un appartement à vie à ce vénérable serviteur de la république. Aux dernière nouvelles, le ministre du travail, Xavier Bertrand s'est déclaré indigné par cette proposition. Espérons que cet avis sera partagé jusqu'au sommet du pouvoir, mais rien ne prouve que l'attribution ne se fera pas en douce, par d'autres voies.

Liberté
En Egypte, Ibrahim Eissa, rédacteur en chef d'un journal d'opposition au président Moubarak a été condamné à deux mois de prison, pour avoir évoqué une rumeur sur l'état de santé du pharaon. Ce n'est pas le premier procès visant des journalistes de ce pays, et dans la même veine, le pouvoir égyptien avait déjà déclenché l'an passé une vague d'arrestations de blogueurs gênants. La liberté de la presse, la liberté de parole tout court, n'est pas la tasse de thé de M. Moubarak. Ce n'est pas chez nous que des choses pareilles pourraient arriver, n'est-ce pas!
Chez nous, on ne met plus quelqu'un en tôle pour ses critiques depuis longtemps. Non, c'est exact, mais nous avons tout de même par-ci par-là des petits féodaux qui, régulièrement, essaient d'imposer le silence à leurs détracteurs. Le plus souvent, cela ne leur réussit pas, et ils sont déboutés par les juges. Le dernier cas en date est celui d'Antoine Bardet, poursuivi par le maire d'Orléans, et qui sera jugé le 1er Octobre à propos de plaisanteries satiriques tenues dans le blog FanSolo, ce dont je me suis déjà fait écho dans le billet d'hier. Pour le soutenir et soutenir avec lui la liberté d'expression, vous pouvez toujours signer la pétition ici.

samedi 27 septembre 2008

Soutenir FanSolo, blogueur menacé.

Il était une fois, dans la bonne ville d'Orléans, un maire UMP appelé Serge Grouard, accessoirement député du pays de France. Je dis député accessoire, car il ne fit guère d'étincelles dans cet état au cours de son premier mandat, puisque L'Express le classa naguère parmi les élus les moins actifs de la studieuse Assemblée. Il faut lui reconnaître toutefois assez de vaillance et de talent pour avoir produit deux essais et quelques articles de considérations stratégiques sur la guerre en orbite. Ce point n'est pas anodin, car l'homme semble avoir une fierté d'auteur des plus chatouilleuses.
Il s'agit donc tout de même d'un élu expérimenté, qui n'aurait pu bénéficier des conseils que je prodiguais au départ de ce blog au maire débutant. Aussi est-ce avec un étonnement navré que je viens d'apprendre, comme toute la communauté blogueuse, que Serge Grouard n'a aucune idée de ce que signifie la liberté d'expression. C'est un droit défini par une Convention des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe (bon, j'abrège la formulation exacte que l'on peut retrouver sur le site de Maître Eolas). Ça raconte grosso-modo que «toute personne a droit à la liberté d'expression», et notre pays s'est fait à plusieurs reprise taper sur les doigts par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour l'avoir oublié.
Revenons donc aux aventures de notre maire Grouard, père communal d'une flopée d'orléanais. La rumeur lui prête un tempérament de père fouettard et des réactions peu en rapport avec son portrait officiel, lequel nous propose une image d'intellectuel posé, mais basta, oublions la rumeur. Avant d'être élu maire pour son deuxième mandat, M. Grouard mena sa campagne électorale comme n'importe quel candidat. Et là, savez-vous ce qui arriva ? Un blog apparut, animé par un certain FanSolo, qui, prenant l'apparence parodique d'un groupement des «amis de Serge Grouard» entreprit de railler férocement ce dernier. Pour ce faire, FanSolo publia force images inspirées de «La guerre des étoiles», le film fameux, et des photos publiques du candidat Grouard.
Mal lui en prit, car à peine élu, le maire d'Orléans se lança dans une enquête aussi onéreuse que ridicule pour découvrir qui se cachait sous le pseudonyme de FanSolo. Ridicule, car la loi fait obligation à tout blogueur de donner son identité à l'hébergeur de son blog, point n'est besoin de recourir à des limiers appointés. Aujourd'hui, M. le député-maire sait que FanSolo se nomme Antoine Bardet et il le poursuit en justice pour diffamation, utilisation frauduleuse de ses photos et de son identité, etc., et lui réclame le remboursement de 7000€ de frais d'enquête… Ne cherchez pas le blog de FanSolo, il est fermé. Je ne sais ce que le juge décidera le 1er Octobre prochain sur le fond de cette affaire, mais je me demande ce qui se serait passé si M. Grouard, au lieu d'être un quelconque député-maire de province, s'était retrouvé président de la république, comme Nicolas Sarkozy, et de ce fait la cible privilégiée d'un torrent de satires impitoyables. À mon avis, il aurait rappelé nos troupes d'Afghanistan pour ratisser la France de long en large et en extirper jusqu'au dernier blogueur de gauche. Une pétition de soutien à Antoine Bardet a été ouverte à cette adresse… À vous de voir !

Ils en parlent :
Circe, Trublyonne, le Post

vendredi 26 septembre 2008

Jehane et la crise

Ils m'ont dit d'un ton grave : «Jehane, il faut sauver la banque !»
Et un peu plus tard, en fronçant les sourcils :
«Tu sens l'oignon, Jehane !»
Cependant, ils ne m'ont pas renvoyée.
L'héroïsme est compatible avec la mauvaise haleine.

Lorsque l'Administrateur Délégué fut parti, deux barons du Tapis Vert me conduisirent vers mon destin par des corridors feutrés, puis un ascenseur dérobé.
«Tu as de belles fesses, Jehane», me dit le premier baron, du rang de DRH.
«Jamais ne vis plus beaux nichons», ajouta le second qui siégeait à l'exécutif, je crois.
L'héroïsme, c'est avant tout une question de formation, mais pour marcher à la gloire par l'escalier d'honneur, il faut s'abstenir de manger de l'oignon.

Je me suis dévêtue sur le palier, ils n'ont pas détourné les yeux. Lorsqu'il s'agit de sauver la banque, l'heure n'est plus à la pudeur.

Quand je fus prête à entrer dans l'histoire par la petite porte, le DRH me l'ouvrit et me poussa doucement dans la Sainte Finance, jusqu'à l'alcôve profonde où se caressaient aux jours heureux des rêves de résultats d'exploitation flatteurs. Il crédita mon séant d'une prime furtive, et je me glissai suavement entre les draps satiné comme on se glisse entre deux pages. Un grand destin n'exclut pas le goût du confort.

Les barons s'en allèrent. La pièce était vaste, des écrans papillotaient d'indices en déroute, le matelas n'était ni trop ferme ni moelleux à l'excès. Je m'étirai et heurtai de la cheville le genoux sec d'un compagnon. Dès que l'on vous demande de sauver la banque, il faut s'attendre à être baisée.

Il dormait, jaune et fiévreux sur le satin blanc. Il me sembla plus jeune que franchement vieux, et il émanait de lui une forte senteur de faillite. Je soufflai dans sa narine pour l'éveiller, mais il ne bougea pas.
Lorsque je vis dans la ruelle, son costard rayé de gris, ses derby à trois ans de SMIC, sa légion d'honneur, sa cravate à nulle autre pareille, je compris que je venais d'exhaler la fragrance de l'oignon dans le nez du Président suprême. Et le PDG se mourait, l'aiguillette nouée par la crise des marchés. L'héroïne se tient au fait de l'actualité.

Soudain, il ouvrit l'œil et réclama à boire d'une voix faible. Je me levai et lui servis une flûte de champagne qu'il vida d'un trait. Après quoi je retournai au champ d'honneur. C'est seulement alors qu'il parut s'étonner de ma présence.
«Que fais-tu, blanche guichetière, à t'ébrouer en cette couche de désespoir ?
— Président, je viens sauver la banque.»
La banque était au plus bas, nous eûmes beau faire, le PDG et moi, rien ne put lui redresser l'indice. Au chant du coq —ai-je dit que c'était une nuit, après la fermeture des guichets ?—, au chant du coq qui monta de son mobile, j'étais rendue et toujours vierge. Entre l'héroïne et la gloire, il peut y avoir l'épaisseur de l'hymen.
Lorsqu'il eut repris haleine, le pédégé me dit que c'était bien ainsi, qu'il n'avait plus envie de reprendre goût aux affaires. «Les barons voudraient que je me relève pour partir en croisade, en quête de bon argent pour nous renflouer… Mais nous renflouer ne peux, car il n'y a plus de fond au bateau! Tout est pourri, il prend l'eau de toutes parts.» Il se tut un instant, puis me fit un clin d'œil. «Et puis, veux-tu savoir, blanche guichetière? Je m'en tape, de la banque, j'ai mon parachute! Il y restera toujours de quoi l'ouvrir à l'atterrissage… » Sur ces paroles énigmatiques, il se traîna vers son bureau, s'enquit de mon patronyme, et rédigea un certificat de grande compétence professionnelle, qu'il me donna en recommandant que j'en fis honnête usage à réception de ma lettre de licenciement.

Les barons m'ont raccompagnée chez l'Administrateur délégué, et celui-ci m'a dit :
«Jehane, il faut sauver le Conseil d'Administration !»


Mon blog du jour : courrez chez Monsieur Poireau découvrir un sondage désopilant.

jeudi 25 septembre 2008

Dr Bush, dr Sarkozy au chevet du monde

M. Bush a un problème angoissant : persuader la masse anonyme des citoyens américains qu'il est patriotique, et de toute façon inévitable, que leurs impôts soient utilisés à racheter les pertes pourries des organismes financiers en déroute, afin que les organismes épargnés par la crise daignent se repaître du reste : patrimoine immobilier, hypothèques saines, et autres babioles… C'est un problème, parce que contrairement à une idée faussement répandue de ce côté-ci de l'Atlantique, dans leur grande majorité, les américains ne sont pas milliardaires, ni millionnaires, ni avocats, ni pasteurs, ou "marines". Aussi curieux que cela puisse nous paraître, ils ont aussi des médecins, des artisans, des employés de bureau, des paysans, des ouvriers, des facteurs, des fabricants de parapluies, des sondeurs d'opinion, et bien d'autres corps de métiers. Des gens comme vous et moi, qui ne comprennent rien à ce qui leur est tombé sur la tête, et pourquoi il faut qu'ils participent demain à la plus généreuse collecte de tous les temps en faveur de sinistrés "du marché" qui n'ont jamais fait d'aumône à personne.
M. Sarkozy a un problème : faire oublier aux français que, dans le marasme économique qui nous menace, il portera la responsabilité d'avoir réduit l'état à l'impuissance en récompensant, dès son élection, les copains et les coquins du monde des affaires, et tous les électeurs-contribuables aisés qui l'ont porté au succès. Il a vidé les caisses en cadeaux fiscaux inconsidérés, et aussi, entre autres, en se faisant octroyer un salaire en rapport avec son gros appétit d'argent. Heureusement pour lui, M. Sarkozy n'est jamais à court de trouvailles dilatoires. Quand il a un problème, en général il stigmatise un coupable potentiel, comme les faux chômeurs ou les feignants assistés responsables de statistiques déprimantes. Pour la débâcle financière, il annonce déjà qu'il est temps de faire cesser le scandale des parachutes dorés, qu'il y aura une loi, crac, boum ! Au passage, et pas fou, il nous explique aussi qu'un grand patron talentueux mérite d'encaisser plus d'argent en une année que vous et moi en plusieurs vies… En finir avec les parachutes dorés sera une bonne chose, comme il serait urgent de raboter les revenus de tout ce vilain monde, mais cela n'a strictement aucun rapport avec la récession économique probable, et avec le fait que la France n'a plus un radis pour tenter d'en réduire les effets. Si j'avais été le nègre chargé de mettre un poil de poésie dans son parler des cités HLM de Neuilly, à l'occasion du discours de Toulon, je lui aurais plutôt proposé ceci, en guise d'introduction : «Mes amis, mes chers compatriotes, la crise… La crise, voyez-vous, est une bestiole sans pattes, sans yeux, sans oreilles, ni quoi que ce soit de moustaches pour aller de l'avant, de l'arrière, ou de côté. Personne ne se méfiait… Et pourtant, sans que l'on y prenne garde, elle se faufilait partout, pire que la scarlatine ! (Non, non, Carla ! Ça n'a rien à voir avec toi, c'est juste marqué là, j'avais pas fait gaffe ). Mes amis, moi, je vous le dis : la crise est là, mais ne tremblez pas : moi aussi, je suis là!»

Visites à faire ? Ludique, ou douce-amère…

L'Europe joue avec nos blogs


Marianne Mikko, députée PSE au parlement européen, a présenté le 22 septembre en séance plénière un rapport sur la concentration et le pluralisme dans les médias dans l'Union européenne. Ce rapport doit être soumis au vote aujourd'hui, jeudi 25 septembre.

Nous avons relevé dans les attendus du rapport les éléments suivants :

"O. considérant que les blogs constituent un moyen de plus en plus ordinaire de s'exprimer, tant pour les professionnels des médias que pour les particuliers, que le statut de leurs auteurs et éditeurs, notamment leur statut juridique, n'est ni déterminé ni clairement indiqué aux lecteurs des blogs, ce qui entraine des incertitudes quant à l'impartialité, la fiabilité, la protection des sources, l'applicabilité des codes d'éthique et l'attribution des responsabilités en cas de poursuites en justice;"

Et dans les propositions, ceci :

"7. propose l'introduction de redevances adaptées à la valeur commerciale du contenu généré par des utilisateurs ainsi que de codes d'éthique et de règles d'utilisation pour les contenus générés par les utilisateurs dans les publications commerciales;
[...]
9. suggère – que ce soit par le biais d'une législation ou autrement – de clarifier le statut des blogs et encourage leur labellisation en fonction des responsabilités professionnelles et financières et des intérêts de leurs auteurs et éditeurs;"

Ce dernier point nous fait immédiatement penser au permis de bloguer, déjà mainte fois évoqué et toujours repoussé car ne correspondant en rien aux besoins ni aux usages en cours sur la toile.

Une fois de plus nous vient des instances européennes, ici le parlement, une initiative qui frappe, mais toujours pour les mêmes mauvaises raisons :

- Manque d'à propos dans un contexte de crise financière, de ralentissement économique, de flambée des prix.

- Interventionnisme déplacé, aveugle aux difficultés sociales mais focalisé sur le contrôle d'une société dont le mouvement est perçu comme une menace.


Tout se passe comme si le niveau d'action européen, dessaisi des questions majeures touchant à l'économie et au social, tournait son tropisme bureaucratique vers l'activité citoyenne.

Le parlement européen, et le PSE en particulier, doit se ressaisir et comprendre que son déficit d'image auprès des populations devrait plutôt le conduire à prendre des initiatives dans les domaines où il est - vivement - attendu.

En revanche, et pour rester constructifs, l'alinéa suivant nous parait intéressant dans la mesure où il garantirait l'existence du service audio-visuel public, mis à mal par les projets de Nicolas Sarkozy sur le financement de France-Télévision ainsi que sur la nomination de son président.

"13 recommande que les dispositions règlementant les aides d'État soient
appliquées de façon à permettre aux médias de service public de remplir leur rôle dans un environnement dynamique, tout en évitant une concurrence déloyale qui entrainerait l'appauvrissement dupaysage médiatique;
"

Cet article est publié en commun par
http://marc.vasseur.over-blog.com/article-23123216.html
http://expat-prague.com/leblog/2008/09/25/leurope-joue-avec-nos-blogs/
http://antoine.besnehard.over-blog.org/article-23122890.html
http://sauce.over-blog.org/article-23124370.html
http://detoutetderiensurtoutderiendailleurs.blogspot.com/2008/09/leurope-joue-avec-nos-blogs.html
http://sauce.over-blog.org/article-23124370.html
http://www.intox2007.info/index.php?post/2008/09/25/Une-deputee-europeenne-veut-jouer-avec-les-blogs

mercredi 24 septembre 2008

Le spleen du blogueur

«Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis…»*
Eh bien, ça me donne une envie folle de me bidonner ! Chez moi, chez nous, les clavésiens, le ciel est bas comme un vieux couvercle de lessiveuse percé. À peine un filet de soleil de temps à autre, à travers un trou, ou la pluie. C'est le moment de s'ensoleiller la cervelle avec quelques nouvelles désopilantes à souhait. Oui, mais voilà : toute l'actualité de ce jour m'écœure, c'est mal parti. D'autant plus que j'ai débuté la journée en ramonant la cheminée du fond, un cauchemar gras et noir.
La chose la plus marrante que j'ai entendue depuis le saut du lit, c'est encore le prêche vengeur de Nicolas Sarkozy sur les terres de mission d'Amérique, livrées à la débauche païenne d'un capitalisme sans frein. Enfin, ce n'était déjà plus une nouvelle fraîche, mais on continue à nous servir sur les ondes des extraits de sermon, comme si les rédactions craignaient que l'on ne soit passé à côté.
Trouver les responsables du désastre boursier, les pendre par les pieds au dessus du gouffre financier qu'ils ont creusé, jusqu'à ce qu'ils demandent pardon et promettent de ne plus recommencer. Et puis, pendant que M. Sarkozy y était, la condamnation impitoyable des parachutes dorés, la défense et illustration du risque récompensé en affaires : ta boîte fait des bénéfices, alors tu empoches un paquet de fric avec en prime la reconnaissance émue des actionnaires et du personnel. Si tu la gères comme un pied, la boîte, on te vire sans un radis…
Le problème, c'est que les raisons de s'amuser des rodomontades habituelles du bonhomme sont au troisième degré, au moins. Pas de quoi s'offrir la bonne rigolade qui soulage. Surtout que j'imagine au même moment, dans les chaumières, les quantités impressionnantes d'idiots et d'idiotes qui vont ajouter foi à ces propos d'illusionniste.
J'aurais pu avoir recours à l'inépuisable source de dérision que représente le Sénat, qui s'apprête à élire son président —je ne serais pas étonné que ce soit M. Raffarin, en parachutage doré pour services rendus en Chine. Il y a beaucoup à faire encore avec le sénat, ses privilèges ahurissants, sa force d'inertie rétrograde, etc. ; ne serait-ce que de m'intéresser à la réprobation intellectuelle qui entoure généralement la divulgation détaillée des salaires, indemnités, avantages en nature divers de ces poids morts, au prétexte qu'elle serait populiste. Autrement dit : qu'elle exciterait bassement la jalousie du peuple envers les hauts personnages de la république. Outre le fait que c'est le peuple qui paie ces parasites, et qu'il est donc fondé à savoir où passe son argent, je trouve que la moralisation en profondeur de notre vie publique ne pourra s'imposer dans un silence complaisant. Bon, pas de quoi rire, là non plus.
*Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen

P.S. 19h20 : j'ai été trahi par le marc de café dans ma prévision de l'élection du président du sénat. L'heureux gagnant du gros lot n'est pas M. Raffarin, mais Lance Amstrong, je crois. J'espère que cette erreur sera jugée moins sévèrement que celle de Florence Schall

N. Sarkozy et l'économie :
sur Sarkofrance
sur le Nouvel Obs
Des blogs pour rire ou sourire ce soir : Partagez mes âneries, Monsieur Poireau, Martine et un rire jaune : Police

mardi 23 septembre 2008

USA un lezard sous la crise

Il y a peut-être de l'eau dans le gaz quant à la sortie de crise grâce à la trique magique de M. Bush, qui vise à secourir les financiers dans le pétrin au frais des contribuables, si j'ai bien compris. En tout cas, les démocrates ne l'entendent pas de cette oreille et veulent que le plan se penche aussi sur le sort des premières victimes : les gens surendettés et en passe de perdre leur toit. C'est peut-être pour cette raison que les bourses ont reperdu le moral ? Voyez ce billet bref…

Sarkozy exorcise la crise

On peut facilement se tromper en politique, mais pour user d'une métaphore cosmique, Nicolas Sarkozy me fait songer à un météore traversant le ciel de la république. Il était répertorié de longue date par les observateurs, petit corps de masse indécise, qui, un beau jour a fait irruption dans l'atmosphère politique où il s'est mis soudain à étinceler. Il a brillé, il éclaire encore, mais déjà son éclat faiblit, et il pourrait bien disparaître à la prochaine élection sans laisser de trace.
À mesure que passent les jours, on voit émerger l'inconsistance de cet homme, enfermé dans des schémas de pensée qui lui ont réussi un moment, et dont il semble incapable de s'affranchir. Ainsi, en toute chose publique, croyant sans doute camper un personnage efficace, il lui faut désigner un bouc émissaire, annoncer que chaque problème de la société a un responsable qu'il faut châtier. Pour expliquer les pertes de la sécu, il y eut les malades que le président se hâta de punir par les franchises. Pour le pouvoir d'achat en berne des français, ce furent les paresseux… Comme il y a inévitablement dans tout comportement des exceptions, lors de l'embuscade tendue à nos troupes en Afghanistan, il s'abstint de rechercher un coupable, peut-être parce que, chef des armées, cela risquait de lui retomber sur le nez par la voie hiérarchique… En tout cas, ces jours-ci, le cerveau de M. Sarkozy semble avoir retrouvé son ornière favorite pour commenter la crise financière mondiale que nous venons de vivre et qui n'est peut-être pas terminée.
«Qui est responsable du désastre? Que ceux qui sont responsables soient sanctionnés et rendent des comptes et que nous, les chefs d’État, assumions nos responsabilités» a-t-il proféré hier, avec un aplomb digne d'un pilier de bistro. On croit rêver ! Cela s'appelle lancer de vaines incantations destinées a épater les français, tout en les prenant pour des cons. J'imagine, hier à New-York, les gloussements rentrés des personnes de bon sens qui ont entendu ces paroles creuses ! Parce que les responsabilités sont diffuses, innombrables, dans cette crise. Parce qu'elles remontent trop loin. Comment par exemple sanctionner l'ancien patron de la FED, aujourd'hui retraité, dont la politique à la tête de la Réserve fédérale a semé les germes de la crise ? Et qui a envie de le faire? M. Sarkozy joue sur du velours quand il parle d'assumer ses responsabilités de chef d'état : il n'en a aucune. Personne chez nous ne peut lui demander des comptes, personne ne peut le destituer, pour quoi que ce soit. Il est un des rares exemples au monde, dictateurs exceptés, d'irresponsable institutionnel.

Sources : France-Inter, Libération

lundi 22 septembre 2008

Afghanistan, à contre-courant

J'ai déjà dit quelque part mes scrupules à parler de guerre, parce que jouer les stratèges en chambre n'est pas risquer sa peau. À propos de l'Afghanistan mon opinion de pékin va à l'encontre de la majorité des gens que je respecte, à gauche, et de la majorité des français. Le PS a décidé aujourd'hui de voter, à l'issue du débat au parlement, contre, non pas notre présence dans ce pays lointain, mais plutôt contre les activités actuelles de nos troupes. Il faudrait être naïf, je crois, pour ne pas voir qu'il s'agit surtout d'une attitude d'opposants adossés confortablement à l'opinion publique, et soucieux d'améliorer l'image de leur parti. Les cafouillages dans l'engagement des soldats français, dont on nous parle aujourd'hui encore, nos morts même, ne sont pas une base raisonnable pour former un jugement sur notre présence là-bas. Personnellement, j'ai fondé mon opinion sur cette guerre à partir des observations suivantes :
— nous avons depuis la guerre de 39-45 une dette envers nos alliés américains, lesquels n'ont attaqué l'alliance talibans / al-quaïda qu'après avoir été frappés par les attentats du 11 septembre 2001.
— Al-quaïda et ses avatars ont entamé une guerre sans merci contre l'occident, les attentats qui ont suivi, visant nos démocraties, en témoignent.
— le Pakistan, état allié des occidentaux, mais cependant ambigu et fragile, détient une arme nucléaire qui pourrait bien tomber un jour aux mains des djihadistes.
— nous retirer d'Afghanistan ne nous mettrait nullement à l'abri des attaques terroristes : toutes les déclarations de Ben Laden et de ses partenaires les montrent engagés dans une djihad qui les conduira à frapper n'importe où, en fonction de la seule opportunité.
Je sais bien que ces arguments pourraient sortir, éventuellement de la bouche de M. Sarkozy —dont l'empressement à satisfaire les attentes de son ami Bush a été des plus suspects, c'est un fait—, mais je trouve qu'ils reflètent une réalité difficile à nier.
La mort de nos soldats en terre étrangère est douloureuse, mais sur notre sol même des hommes tombent régulièrement au service de la république sans que leur mission soit remise en question. Les conditions dans lesquelles cette guerre est menée, sous l'autorité des inventeurs de Guantanamo, sont certainement à revoir, notamment au niveau de l'assistance aux populations afghanes et de leur protection , mais en conclusion, notre participation à ce conflit ne me choque pas. Nous sommes allés en Afghanistan pour combattre les talibans et leurs alliés : nous le faisons, engagés contre un ennemi bien réel dans ce qui sera peut-être une nouvelle guerre de cent ans…

dimanche 21 septembre 2008

LHC, finances, la semaine de tous les delires

Le Grand collisionneur du Cern est tombé en panne. Je sais bien que vous êtes déjà au courant, qu'on en parle partout, à la télé, à la radio, autour de la table familiale à l'heure du repas. Je me doute que vous commencez à en avoir assez, du collisionneur, qu'il vous donne la nausée, et que vous préféreriez qu'on vous entretienne des 3600 milliards de dollars évaporés cette semaine, ou du rebond des actions que vous auriez pu avoir avec un peu plus de pot dans la vie, peut-être même de la pincée de titres qu'en bon père de famille, vous détenez pour la retraite : Eurotunnel, France-télécom, des trucs comme ça… Et pourtant, permettez-moi tout de même de revenir un petit coup sur le collisionneur, car cette affaire de panne n'est pas ce que l'on vous a dit, ce que vous croyez. C'est le résultat d'un complot politico-théocratique, je n'hésite pas à l'écrire. Si vous avez lu mon précédent billet à propos de l'inauguration du collisionneur et des espoirs que l'on fondait sur lui pour assurer positivement le succès de la pensée laïque, vous ne pouvez ignorer que l'appareil fonctionnait à la perfection. Remonter le temps jusqu'à vingt microsecondes après le big-bang —lorsque tous, autant que nous sommes, même M. Sarkozy, n'étions qu'une purée de hadrons, égaux entre eux et chaleureusement fraternels à deux trillons de degrés—, remonter jusque là ne devait être qu'une formalité ; certains, dont je suis, escomptaient déjà que l'on parviendrait à crever le "bang" du big-bang avant la fin de l'année, voire, qui sait, à toucher le "big" quasiment du doigt… Or, voici les faits objectifs, le film des événements qui allaient mener à la panne funeste : Vendredi 12, le pape rencontre M. Sarkozy à Paris. Le Lundi suivant, la banque Lehman Brothers annonce sa faillite. L'émotion s'empare des marchés financiers et aussi des populations, toujours fascinées par les malheurs des riches. Le tumulte est tel que l'inauguration du Grand collisionneur passe inaperçue et que, profitant de la diversion ainsi créée, des hackers s'introduisent dans les ordinateurs du CERN à l'heure du premier essai. On ne découvrira l'intrusion des pirates que le samedi, alors que le collisionneur aura connu deux pannes, dont la seconde nécessitera l'arrêt de l'appareil durant deux mois. Le complot est clair : il s'agissait ni plus ni moins de réduire l'engin du CERN à l'impuissance. Comme le programme du collisionneur avait été lancé bien avant son élection, le président français avait déjà tenté de semer la perturbation dans la communauté scientifique, mais cela n'avait pas suffi à stopper la marche du savoir. Bof ! Me direz-vous, que pouvaient redouter le pape et M. Sarkozy de cette mécanique bizarroïde ? Je l'ai déjà dit : la révélation qu'il n'y a pas de dieu derrière le big-bang, ce qui conforterait la laïcité pure et dure, mais aussi, sait-on jamais, la confirmation de l'existence d'univers parallèles, ainsi que l'ont théorisée de brillants astrophyciens. Plus fort encore : la preuve administrée avant la fin du quinquennat qu'il existe, dans un autre monde, une France où Ségolène Royal l'a emporté à la présidentielle sur Nicolas Sarkozy. Et ça, c'est une éventualité qui donne des sueurs froides à notre petit coq national.
(billet dédié au Cercle des comploteurs disparus)

samedi 20 septembre 2008

Dieu est-il libéral ?

J'avais appris, voici quelque temps, qu'à l'occasion de la visite du pape, Dieu séjournerait incognito sur sa bonne terre de France. Comme ma cousine connaissait bien le frère du neveu de la femme du chauffeur du Très-Haut, j'ai sollicité par leur intermédiaire, sans trop y croire, une entrevue avec Lui, pour l'interviewer sur notre actualité… Et miracle ! La réponse me parvint, positive. Dieu acceptait de me recevoir deux minutes, pas davantage, en raison d'un agenda aussi rempli que celui de M. Kouchner. Conformément aux instructions de son entourage, je ne peux rien divulguer du lieu de notre entrevue, et d'autre part, en raison du peu de temps dont je disposais, j'ai dû restreindre ma curiosité à deux points essentiels. Pour ma première question, j'avoue sans détour que je me suis inspiré d'un débat qui fait rage sur le web, parmi de plus qualifiés que moi, à propos du salaire minimum. Ébloui par sa gloire je serais incapable de Le décrire au lecteur, je puis tout de même révéler qu'il se montra fort simple et très cordial. Ainsi, m'invita-t-il d'emblée à laisser tomber l'étiquette pour l'appeler monsieur, sans tralala.
« Monsieur, que pensez-vous du smic, faut-il le conserver à tout prix?
— Je suis pour la suppression du smic, sans état d'âme.
— Hem…, vous avez une âme, comme n'importe quel pécheur ?
— Je n'ai même que ça, mon cher : je suis tout âme. Elle me sert de cœur, de jambes, de barbe, de bras, de tête, c'est très pratique. Je me faufile partout sans embarras. En plus, elle est immortelle.
— Vous insinuez que la mienne serait bas de gamme et périssable? Je croyais le contraire… C'est assez injuste.
— Injuste comme la création, coco ! Il y a dans l'univers des tas de saloperies qui ne deviendront jamais étoiles ; des enfants qui naissent aveugles, sourds, muets, noirs, et…
— Oui, bon ça va, je connais ! Je vous imaginais moins cynique.
—Ce n'est pas du cynisme : j'ai fabriqué des tas d'univers, mais je n'ai jamais réussi à faire un truc aussi parfait que moi. C'est de l'incompétence voilà tout ! Hem…, que ça reste entre nous, off the record, n'est-ce pas ?
— Revenons-en à nos smicards… En somme, vous êtes une sorte d'ultra-libéral qui prône la disparition du smic, et tant pis si cela entraîne l'effondrement des bas-salaires avec une explosion de la précarité…
— Ultra-libéral si ça vous amuse, mais vos inquiétudes sont infondées, car je préconise concomitamment à la suppression du Smic, la création d'un Smic.
— C'est de l'humour divin ?
— Salaire Maximum Interprofessionnel de Confiance, mon cher. Il s'agirait d'agir sur l'économie en la moralisant quelque peu : vous fixez au départ, lors du vote du budget, un seuil de rémunération maximale des postes de hautes responsabilités, qui sera par la suite indexé sur l'inflation, et le tour est joué. Une masse de thune se trouvera en quelques années injectée dans l'économie, disponible pour la redistribution aux bas-salaires. Que pensez-vous de ma proposition ?
— Intéressante…, je peux la transmettre à M. Sarkozy de votre part ?
— C'est déjà fait : je lui serine ça toutes les nuits depuis un mois dans ses rêves, mais pour le moment, il se réveille chaque fois en hurlant à Carla qu'il a fait un cauchemar.
— Peut-être que l'intercession du pape…, ils sont très amis, vous savez.
— J'y ai bien pensé, mais avec Benoit c'est pire, il croit entendre la voix de Lucifer et s'écrie : vade retro satanas !
— Bien, passons à ma question suivante, si vous le voulez bien.
— Je vous écoute.
— Demain, dimanche, auront lieu en France des élections sénatoriales. Comme vous ne pouvez l'ignorer, les sénateurs sont élus au suffrage indirect, et de telle manière que certains d'entre eux tiennent leur mandat de quelques poignées de ruraux conservateurs, alors que d'autres doivent obtenir leur élection de collectivités urbaines bien plus importantes. C'est une situation inique puisque la cambrousse dépeuplée envoie davantage de sénateurs à Paris que les citadins pressés comme des sardines dans leur circonscription. Pensez-vous qu'il soit possible de réformer un jour l'institution du sénat ?
— Ah, le sénat ! J'aime bien le sénat. Ils sont presque tous pour moi, là-bas, vous savez ? Je ne veux pas vous décourager, mon ami, mais je crois que pour obtenir la réforme du sénat, il vous faudra attendre les trompettes du jugement dernier ! »


vendredi 19 septembre 2008

Injection dimanche, pas de crise en vue au Senat

Le sénat… S'il se trouve quelque part en ce moment un prof à errer parmi les blogs, et qu'un malicieux hasard le conduise ici, je voudrais lui suggérer, un jour d'humeur vengeresse contre une classe de malappris, s'entend, de coller à ses élèves un sujet de dissertation sur le sénat. À lui les délices d'imaginer les tourments des sales gosses confrontés à l'aridité définitive d'une telle épreuve. J'en parle en connaisseur, m'étant assigné la tâche d'écrire quelques lignes sur cette auguste institution à la veille d'une poussée d'élections sénatoriales. Si je délaisse donc les thèmes propices au lyrisme, comme la résurrection des marchés boursiers, les tracas de la Vierge Marie, les tribulations d'Edvige, celles du maire de Loudéac, ou de l'école maternelle, c'est par pure conscience républicaine. Ah, le sénat, donc ! S'il n'existait pas, il faudrait s'abstenir de l'inventer. Songez que depuis que la Ve république existe, alors que la plupart d'entre vous n'étaient pas nés, plusieurs hommes d'état, à commencer par Charles De Gaule, ont caressé l'espoir de s'en débarrasser et s'y sont cassé les dents. De la même manière, prétendre définir la vraie nature de cette "chambre haute", et des gens qui y siègent, est un défit. Comme Queneau l'écrivait de l'ornithorynque, le sénat est une institution ambiguë. Le bec vaguement démocratique, la panse gonflée de privilèges singuliers, le cul pesant sur les désirs du peuple. Déjà pour commencer, on s'attendrait à ce que les membres de cette assemblée, dont la moyenne d'âge atteint les 64 ans (la moyenne, ce qui signifie que les octogénaires n'y sont pas rares), on s'attendrait que les dits membres fussent couchés en leur haute chambre. Mais non, ils siègent. Si l'on veut bien accepter l'image d'un char figurant la république, avec Nicolas Sarkozy en péplum pour tenir les rênes et le fouet, nous aurions le peuple à la place des chevaux, les députés et le gouvernement en guise de roues, le sénat comme frein… Ce n'est qu'une image, bien entendu, car les chars antiques roulaient vite, tandis que celui de la république est constamment ralenti par le mauvais vouloir du sénat. Les sénateurs sont élus par un obscur collège composé d'élus locaux, collège dont le citoyen se fiche en général comme de l'an quarante. Le sénat est vieux, et le législateur, obéissant au souci humanitaire de ménager son cœur collectif en atténuant son stress électoral, sa composition n'est jamais renouvelée dans sa totalité, mais par tiers, tous les trois ans, et contrairement à l'Assemblée Nationale, il ne peut être dissout par le président. Et si vous avez la curiosité de vous pencher sur le mode d'élection prévu pour dimanche prochain, vous découvrirez qu'il y aura des sièges pourvus au scrutin majoritaire, et d'autres attribués à la proportionnelle. Avec le sénat, rien n'est jamais simple. Les mauvaises langues soutiennent que c'est la maison de retraite de la république, et j'ai moi-même repris cette idée dans un billet précédent, relevant que c'était aussi le plus coûteux des établissements de ce genre. Cependant, il se trouve aussi des gens, généralement des sénateurs, pour estimer que le sénat fait un travail législatif admirable. J'avoue que je n'ai pas eu de chance : chaque fois que je me suis plongé dans l'une ou l'autre de ses délibérations, ce fut pour constater à quel point l'esprit conservateur, quand ce n'est pas réactionnaire, règne dans ses rangs. Mais attention ! Je ne suis pas sectaire et ne milite en aucune façon pour que l'on oblige les sénateurs à se rendre aux séances du Luxembourg à vélib, histoire de stimuler leur taux de mortalité, non, pas du tout ! D'ailleurs, il y a même des sénateurs que je trouve sympathiques, comme celui de ma circonscription électorale : un socialiste, pensez ! L'unique élu de gauche,du Var. Alors, vous comprendrez que j'estime en définitive nécessaire de réfléchir à deux fois avant de prôner la suppression du sénat.

Nouvel Obs sur le sénat

jeudi 18 septembre 2008

Sortie de crise simple comme un coup de fil

Tandis que de tous côtés on se penche sur la crise financière, on la sonde, on s'ingénie à rendre sa profondeur abyssale compréhensible au commun des fauchés, Mme Alliot-Marie nous ressort presque en douce sa nouvelle mouture d'Edvige. Nous n'avons pas fini d'en entendre parler. Je reste toutefois sur le sujet de la crise, car il y a une information capitale qui est passée injustement inaperçue, à mon avis. C'était ce matin à la radio, alors que je préparais le café, au radar… J'ai appris de France-Inter que Christine Lagarde, née Lallouette, nous avait sauvés du pire par son intervention téléphonique auprès de Ben Bernanke, président de la Réserve Fédérale des USA, le persuadant par son verbe inspiré de faire quelque chose. Et Ben d'injecter illico 180 milliards de dollars en liquidités. Injectés où ? Avec une seringue, ou une poire à lavement ? Ce sont des détails, me direz-vous, mais en économie tous les détails ont leur importance. S'il s'agit d'une perfusion, l'effet peut être roboratif et même salutaire, alors que dans l'autre cas on ajoutera une purge à la courante actuelle…
Tout de même, quelle femme que Mme Lagarde, née Lallouette !
Je ne peux m'empêcher de songer à L'alouette d'Anouilh, et de voir dans son action téléphonique héroïque un effet secondaire de la récente visite de Benoit XVI. Et je ne serais pas étonné que l'on apprenne un jour par ses mémoires que la voix de l'archange Nicolas avait soudainement résonné dans sa tête, cette nuit là : «Christine, il faut sauver la France.
— Mais je ne suis qu'une pauvre bergère de contribuables !
—Christine, tu dois causer à Ben, il le faut.
—Pour lui dire quoi, Monseigneur?
—Aboule la thune, Dieu le veut. »

Voir aussi :
Nouvel Obs
Rue89

P.S. du Vendredi 19 : ce billet comporte une erreur sur la personne ayant fait l'objet du coup de fil de Mme Lagarde. Il s'agissait en fait du Secrétaire au Trésor, Henry Paulson. Cela ne change pas grand chose sur le fond. Tous les détails et un éclairage plus sérieux par un journaliste économiste sur DéChiffrages, dont le billet d'hier a échappé à ma vigilance.

mercredi 17 septembre 2008

Sortir de la crise en chantant

Devant l'aggravation de la crise financière et le risque de voir celle-ci écrabouiller nos perspectives de croissance, beaucoup de patriotes économistes se mobilisent, tant pour analyser la situation et ses premiers effets que pour sonner l'alarme, voire proposer des solutions. Je pense quant à moi qu'il n'y a pas lieu de paniquer tout de suite, car le pire est encore devant nous, ce qui devrait nous permettre de profiter du prochain week-end, pleinement. Et puis, nous sommes gouvernés par des gens responsables et posés, qui prennent le temps de réfléchir sans mélanger les genres —je fais ici allusion à ceux qui reprochent à M. Sarkozy d'avoir paradé, hier, pour annoncer la fin d'une petite partie de «aux gendarmes et aux voleurs» pendant qu'il y avait le feu à la banque. En vérité, Nicolas Sarkozy a bien raison de se taire et de choisir le recueillement dans le silence de sa chapelle de l'Élysée… Pardon ? Vous êtes sûr qu'il n'y a pas de chapelle là-bas ? Il a bien raison en tout cas de se retirer en lui-même, impénétrable et altier comme un donjon élyséen. Ceci dit, d'un strict point de vue d'économiste, sa marge de manœuvre est si étroite, que je puis me permettre de pronostiquer la mesure principale qu'il devrait bientôt annoncer, destinée à sauver la France de la récession. Nicolas Sarkozy et le gouvernement complet, accompagnés des meilleurs économistes du pays (sans moi), se rendront sous peu en pèlerinage à Lourdes. Par la même occasion devrait-être ainsi célébré l'avènement de la nouvelle laïcité positive.

(voir aussi mon analyse du risque de récession dans le billet d'hier)

P.S. sans rapport avec la récession :
D'une visite au blog de Martine, j'ai rebondi de sa liste vers Big Picture. Il y a là un billet à propos de l'influence de la NRA (le lobby des armes) sur les élections américaines, dont je recommande la lecture.



mardi 16 septembre 2008

Analyse des galipettes financières et du risque de récession

Les banques américaines ont attrapé une maladie honteuse due à un virus pernicieux nommé "subprime". Le préfixe sub, à forte connotation de soumission, suggère qu'il s'agit d'une affection contractée au cours de pratiques sado-maso. Ceci noté, non pas dans une intention moralisatrice déplacée, mais simplement afin de rappeler le point de départ de l'épidémie actuelle.
Les banques —et peu nous importe de connaître le détail de leurs ébats—, se sont refilé le virus. Certaines trépassent aux USA, ou sont sont en réanimation. De ce côté-ci de l'atlantique, quelques unes ressentent déjà des frissons, une boule d'angoisse, là. Le stress aidant, elles nous font une chute de tension et la bourse plonge. Pourtant, les nôtres de banques devraient savoir, même si elles ont succombé à la tentation d'un kamasoutra financier peu avouable, que nous sommes une nation invincible : pas plus que le nuage de Tchernobyl, l'épidémie américaine ne pourra franchir nos frontières et nous atteindre. En science économique, la rigueur du raisonnement fondant la valeur de l'analyse, je me contenterai de rapporter la courbe ascendante du baromètre élyséen, qui parle d'elle-même. L'indice Sarkozy est là, qui montre que la France va bien. Croyez-vous autrement qu'un président s'amuserait à occuper le devant de la scène à la place du porte-parole du ministère de la défense, pour annoncer le succès d'une opération de police, ainsi qu'il le fit aujourd'hui à propos de l'affaire des pirates somaliens ? Évidemment, il peut s'agir aussi du signe que l'on songe, en haut-lieu, à un traitement de cheval de l'épidémie, tel que le parachutage de commandos financiers sur les banques américaines, dans le but d'assainir le milieu infectieux une bonne fois. Ce pourrait être une solution efficace, car certains de mes confrères économistes redoutent une mutation du virus en récession, ce qui transformerait les subprimes en affection submergeante. Quelle conclusion tirer de tout cela, direz-vous ? Aucune pour le moment, mais restons vigilants, tels de bons chiens de garde. Il convient d'avoir toujours à l'esprit ce théorème bien connu en économie :
La récession est une mécanique
qui donne la colique
aux politiques
le mal d'argent
aux pauvres gens
le mal au fion
aux patrons

lundi 15 septembre 2008

Contribution expérimentale à la laïcité positive

Quelle place reviendrait à la chose religieuse dans une laïcité positive, et d'abord, comment rendre l'esprit laïc plus positif qu'il ne l'est spontanément ? Je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante jusqu'à présent dans les blogs, pourtant inventifs généralement, non plus que dans les remarques de Max Gallo à ce sujet. C'est pourquoi, en toute humilité, je risquerai l'idée que l'école laïque pourrait prendre en compte, du primaire au secondaire, non l'étude du catéchisme ou de la foi —enseignement réservé aux gens qualifiés—, mais l'apprentissage du lexique religieux dont l'ignorance constitue un grave handicap pour les jeunes d'un milieu défavorisé. Ainsi des pans entiers de notre littérature, y compris celle issue de l'imaginaire républicain, ne leur tomberaient plus des mains. En cette matière aussi, l'illettrisme est source d'appauvrissement.
J'en veux pour preuve l'expérience scientifique suivante, conduite à l'Université de Cambyrat, sur un échantillon de vingt-cinq étudiants âgés de 17 à 19,5 ans. Six d'entre eux ont put lire le document ci-dessous jusqu'au bout, et deux seulement ont été capables de l'expliquer partiellement.

Une leçon de choses

Ils formaient une famille quelque peu étrange, que les gens du voisinage regardèrent, un temps, d'une curiosité défiante. Les Poussegrain venaient de la campagne. Le père, veuf taciturne et doux d'apparence, vendait du fourrage sec sur la rive droite de la Seine. Un revers de fortune, consécutif à un gros chagrin, l'avait amené à s'installer ici, à Paris, fort à l'étroit dans cette maisonnette proche de Saint-Eustache, avec ses deux enfants et une seule servante. Les voisins avaient tout de même aperçu de beaux meubles, un grand tableau, du linge fin, ainsi qu'une vaisselle abondante, déchargés d'un tombereau le jour de l'emménagement. Enigmatique fut le manège du père et des enfants, lorsqu'ils promenèrent le grand tableau, porté verticalement par son cadre, tout autour du pâté de maisons, comme s'ils voulaient faire visiter le quartier à la jeune femme souriante peinte sur la toile. Bizarre, l'impression qu'ils donnaient de converser avec le portrait, mais là n'est pas la question… Ils finirent par rentrer le tableau, ils s'installèrent. On s'habitua.
Les enfants, le garçon d'une douzaine d'années, la fillette sa cadette d'un an, ne se quittaient jamais. Daniel et Rosalie allaient à l'école au couvent de la rue Dubec, qui à l'époque portait un nom moins célèbre. Ils s'y rendaient à pied, main dans la main, et ne se séparaient qu'à l'instant d'entrer, l'une à l'école des filles, l'autre à celle des garçons. Ils étaient châtains tous les deux, les yeux verts aux jours gais, mordorés quand il y avait des larmes dans l'air —toujours proprement vêtus, gracieux. Ils apprenaient facilement en classe, chacun de son côté, ils chantaient bien, les soeurs les citaient en exemple.
Ils traversaient pourtant un période dissipée, bien que cela ne se vît pas du premier coup. Une petite lumière follette du regard, le sourire un peu trop angélique… Bref, il arriva que la servante de leur père, qui avait eu autrefois commerce avec le diable, mourut subitement d'une damnation cérébrale en pleine nuit. La maison étant exiguë, il apparut impensable de la laisser dans sa mansarde au sommet du petit escalier à vis, au risque de s'exposer au scandale d'avoir à sortir sa bière cordée, par l'oeil de boeuf, au moment des obsèques. Poussegrain père la descendit pendant qu'elle était souple au rez-de-chaussée, où l'on entreposait tous les meubles et objets en surnombre, dans l'attente de jours meilleurs.
La servante fut allongée sur une table à gibier recouverte d'un drap blanc, entre le dos d'une crédence et des portes d'armoires démontées. La pièce regardait la rue par sa fenêtre de devant, et des jardins par celle de derrière. Cette dernière ouverture, dérobée, percée presque de plein pied, permit à Daniel et Rosalie d'organiser des visites à caractère scientifique et lucratif.
Pour un sou chipé aux parents, les petits bourgeois du voisinage purent entrer regarder la mort en face. Avec deux sous, on leur montra l'étonnante contractilité musculaire de la jambe et du bras, au contact d'un instrument de dévotion, contractilité plus prononcée à l'aide d'un fort rosaire à quinze Pater, qu'à celui d'un léger chapelet à cinq dizaines d'Avé. En échange de trois sous, ils découvrirent l'étrangeté d'un saut de carpe post-mortem, sous l'effet d'une goutte d'eau bénite, astucieusement projetée au niveau épigastrique. Contre cinq sous, on troussa la gisante, afin que les plus téméraires pussent se familiariser avec la féminité en son mystère.

dimanche 14 septembre 2008

La religion dans le Grand collisionneur de sottises

Le Grand collisionneur de hadrons (LHC), ou, si vous préférez, le «plus grand accélérateur de particules du monde», comme l'ont baptisé les médias, a été mis en route mercredi dernier. Il forme un anneau de 27 kilomètres de long, à cheval sur la frontière franco-suisse. C'est le dernier instrument du CERN, organisation européenne pour la recherche nucléaire, destiné à recréer les conditions qui existaient aux premiers instants de l'univers. En ce dimanche, où rien de l'actualité n'avait provoqué chez moi de démangeaison particulière, si ce n'est, à la rigueur, le miracle accompli par Benoit XVI faisant revenir le beau temps à Lourdes, je me suis replié sur ce fameux LHC. Parce que le pape et le grand collisionneur me fournissent un sujet à cheval sur la frontière de la métaphysique. Donc, il s'agit pour le LHC de reproduire l'état de la matière au début de l'univers, juste après le big-bang des astrophysiciens —le dimanche de Dieu pour les théologiens. Mais attention : quand les gens du Cern parlent des premiers instants, il ne s'agit pas du lundi de l'être suprême, au lendemain du big-bang, non ! On est en dessous de la seconde. Je ne me souviens plus de quelles valeurs il s'agit, et pour ce qui m'occupe, cela n'a aucune importance… Les scientifiques sont très contents, car il paraît que l'appareil fonctionne idéalement, ils vont le faire monter en puissance incessamment. Et tout d'un coup, je me suis demandé ce qui surviendrait si le bazar marchait encore mieux que prévu —ça arrive, après tout : il y a des satellites et des robots qui accomplissent des exploits inespérés dans l'espace—, si le Grand collisionneur remontait jusqu'au big-bang et le dépassait, en dessous de zéro seconde… Vous ne voyez pas qu'il apparaisse un barbu, Dieu soi-même? Il ferait sa sieste du dimanche, forcément, et l'intrusion de petits mortels le dérangerait. L'œil serait dans le tuyau et il regarderait le Cern, pour paraphraser maladroitement Hugo… C'est Benoit qui serait content ! Et nous autres athées, défenseurs de la liberté de pensée de tout poil, qui ferions pâle mine. Mais d'un autre côté, possible que l'on ne découvre que le fond d'un trou noir, une sorte de rien. Et là, je pense que les choses se gâteraient, parce que Benoit téléphonerait dare-dare : «Arrêtez-moi cette machine démoniaque !» dirait-il à Nicolas, à Angela, à Gordon, et toute la bande. Que croyez-vous qu'ils feraient, ceux-là, Nicolas Sarkozy le premier ? Eh bien, notre président déciderait de positiver au plus vite sa laïcité, il décréterait le «secret défense».


M'éloignant à peine du sujet précédent, je voudrais relever que mes collègues blogueurs, farouches laïques pourtant, observent le repos du Jour du Seigneur… À cette heure, on ne trouve de billet récent qu'en de rares lieux, du moins parmi ceux que je fréquente, y compris à droite.







samedi 13 septembre 2008

Ike frappe, Hanna s'annonce, Edvige devient ouragan

En lisant les raisons de Me Eolas de ne pas parler d'EDVIGE, mon attention a été attirée sur le fait qu'il existe un autre fichier, CRISTINA, dont on ne sait rien parce que le gouvernement se retranche derrière le secret-défense. Me Eolas s'agace au passage des prénoms donnés à ces fichiers sulfureux, mais faut-il s'étonner que l'imaginaire des géniteurs d'Edvige et Cristina rejoigne celui des météorologues qui baptisent les ouragans : Gustav, Ike, ou Hanna ? Cela doit les amuser, de rapprocher leurs monstres administratifs des monstres de la nature. Moi, ce qui m'agace, c'est le secret-défense appliqué à une mesure qui concerne l'ensemble des citoyens. Il doit y avoir là-dessous des préoccupations anti-terroristes dont je ne conteste pas forcément le bien-fondé, mais il me semble que tout ce qui n'entre pas dans le cadre de l'anti-terrorisme —apprécié par un contrôle parlementaire—, devrait être rendu public.
De la même manière, je trouve inadmissible que l'avis du Conseil d'État sur le fichier EDVIGE nous soit caché. Il semblerait que le gouvernement ait la liberté de dissimuler à la nation l'opinion négative de cette institution suprême. Et c'est cela, comme l'usage d'un secret défense sans contrôle obligatoire et systématique, qui me révolte. La démocratie, même imparfaite comme la nôtre, exigerait que le citoyen soit informé de ce que pensent en son nom les institutions chargées de la protéger. La protéger, et protéger le citoyen, des excès de pouvoir. Avec l'avènement de M. Sarkozy, nous avons droit à un festival d'arbitraire ; on pourrait presque affirmer que son passage à l'Élysée marquera le sommet de ce qu'une république peut tolérer en la matière, avant de basculer dans une forme nouvelle de dictature. Modernisée, gouailleuse peut-être, mais non moins liberticide, comme Edvige en ouvre le chemin. Le réveil de l'opinion publique peut y faire obstacle, en commençant par exiger la publication de l'avis du Conseil d'État, afin de signifier à M. Sarkozy qu'il ne peut tout se permettre.



Sources, outre Me Eolas, voir :
le blog de Frédéric Rollin professeur de droit public
site du Conseil d'État

vendredi 12 septembre 2008

À la santé du pape

Le Benoit XVI Nouveau est arrivé, on va le boire jusqu'à la lie pendant quatre jours. Aussi généreusement distribué que le Château Sarkozy, mais plus concentré. De la télé à la moindre couverture de journal, que ce soit par dévotion ou par inadvertance, chacun aura sa dose.
Ah, le pape! impossible de passer à côté de sa visite sur la blogosphère, en particulier sur Partageons Mon Avis, qui publie un document historique méritant le détour… Et puis, ici ou , peu ou prou, tout le monde ou presque, y va de son billet. Alors, un Benoit, ça va, trois Benoit, bonjour les dégats, surtout en cocktail avec Sarkozy. Je me contenterai d'ironiser sur le fait que Nicolas Sarkozy reçoit en grande pompe un chef religieux, après avoir refusé, par pusillanimité politique, d'accueillir cette autre grande figure religieuse qu'est le dalaï lama. Rencontrer officiellement le leader tibétain eut ajouté, au simple hommage rendu à un système de pensée pacifiste, un signe fort en faveur des droits de l'homme. Dérouler le tapis rouge au pape, copiner avec lui pour dénaturer notre laïcité essentielle, c'est donner du crédit aux prétentions de l'Église à fourrer son nez dans nos lits, à s'arroger des droits sur la vie de nos femmes et de nos filles…, bref, à se mêler de ce qui ne la regarde pas. En quelque sorte, c'est partager sa tentation de châtrer les droits de l'homme.

Des nouvelles de Claviers

Le Cercle de la fraternité et le Groupement des oleïculteurs clavésiens ont organisé une collecte au bénéfice des sinistrés d'Haumont, victimes, je le rappelle, d'une tornade qui a dévasté une partie de la ville. Les dons recueillis à la boulangerie, à l'épicerie du village, et au cercle, s'élèvent à cent euros qui seront expédiés à la mairie d'Haumont. Bravo aux donateurs, aux commerçants, et à ces deux associations !

Le site de l'opposition, Claviers Ensemble est provisoirement inaccessible. Un dysfonctionnement qui devrait rentrer dans l'ordre dès le retour de la personne compétente…

jeudi 11 septembre 2008

Deux anniversaires

Aujourd'hui, 11 Septembre, il y a sept ans que les attaques terroristes d'Al Quaïda contre les USA ont ébranlé les démocraties, conduisant nos pays à mener une guerre à priori légitime en Afghanistan, ainsi qu'à imposer des mesures intérieures d'auto-défense entravant parfois nos libertés individuelles. L'émotion ayant ouvert la porte à l'arbitraire, l'Amérique de G. Bush a lancé dans la foulée la guerre d'Irak, scélérate celle-ci, car motivée par d'inavouables raisons, sans rapport avec les événements précédents, et les gouvernements démocratiques ont parfois accru leurs pouvoirs au détriment des libertés individuelles —comme c'est encore le cas chez nous avec le fichier Edvige associé à la réorganisation d'une police politique, unique en Europe.

Aujourd'hui, 11 Septembre, c'est aussi le trente-cinquième anniversaire de la mort de Salvador Allende, président socialiste du Chili, renversé par le coup d'état du général Pinochet. Le dictateur Pinochet est mort gâteux dans son lit, répugnant légume, emporté sans gloire. Lorsqu'il avait perpétré son putch, avec l'assistance des américains, contre le gouvernement démocratique d'Allende, je me souviens que nous étions, ma femme et moi, collés à la radio, submergés d'amertume et de rage impuissante. Les putchistes chiliens, se conformant à la tradition de l'Amérique latine de l'époque, avaient offert à Salvador Allende, disait-on, la possibilité de fuir en hélicoptère, vers cet exil drôlatique des caudillo de romans de Garcia Marquez. Ils se trompaient d'homme, Salvador Allende était un démocrate. Il a résisté jusqu'au bout dans le palais présidentiel de La Moneda. L'Histoire dit qu'il s'est suicidé, le 11 Septembre 1973.

plusieurs blogs rappellent la mémoire de Salvador Allende :
Antoine B
Daud
Marc Vasseur

mercredi 10 septembre 2008

Edvige bouge encore

Le fichage policier à visée de prévention ou de répression de la délinquance est une chose. Il s'agit d'un outil dont l'utilité est évidente —à ceci près qu'il existait déjà un tel outil, et qu'il paraît monstrueux de condamner des enfants à traîner toute leur vie le rappel d'une faute, unique dans la plupart des cas. C'est leur infliger une peine supplémentaire dont aucun juge n'aura pesé le bien-fondé, pour autant que j'ai compris le fonctionnement de ce fichier. Il semble cependant que le gouvernement soit disposé à revenir plus ou moins sur cet aspect d'Edvige, ce qui ne changera pas grand-chose à son caractère liberticide.
Le fichage politique et la collecte d'informations dérobées à la vie privée des individus, dans le domaine bancaire, et ceux de la santé, de la sexualité, etc., sont d'une autre nature, inadmissibles. Aucun pays démocratique ne dispose d'une police politique comme nos Renseignements généraux, ni d'un fichier politique, tel celui dont M. Sarkozy et son gouvernement souhaitent se doter. J'ai déjà relevé, ainsi que beaucoup d'élus et de citoyens vigilants, le tour autocratique pris par le pouvoir de M. Sarkozy, qui ne fait en cela qu'abuser davantage des moyens quasi discrétionnaires accordés au président par la constitution. La mise en place d'Edvige lui ouvrira, via sa police, l'intimité de n'importe qui, car les règles retenues pour ficher une personne peuvent, à vrai dire, s'appliquer à tout citoyen. Sous prétexte de prévenir des atteintes à l'ordre public —ce qui est une démarche policière parfaitement normale, concernant par exemple des individus ou des groupes potentiellement violents—, le fichier Edvige élargit de fait cette visée aux troubles à l'ordre public. Avec un dessein aussi flou, toute contestation politique, syndicale, sociale, des actes d'un gouvernement devient virtuellement illicite. Dans une société démocratique, chaque citoyen, qui possède comme premiers biens sa liberté de parole et de pensée, doit pouvoir en user sans s'exposer aux soupçons de l'autorité et faire l'objet d'un «marquage» préventif. Le décret instituant le fichier Edvige doit être purement et simplement annulé, parce que les français ne veulent pas vivre dans une république bananière, à la merci d'un « Général Tapioca y Sarkozy», assis sur des montagnes de fiches de citoyens suspects.

Les auteurs de blogs et leurs commentateurs se sont souvent passionnés pour cette question, la plupart condamnant le fichier, comme ici. Plusieurs, ne trouvant rien à redire à Edvige, l'écrivirent. Sur l'air de : moi, je n'ai rien à cacher, donc je m'en fous ! Ce que pourraient répéter la plupart des gens…, jusqu'au moment ou l'on mettrait sous leur nez leur intimité mise à nu. De toute façon le problème me semble être dans la volonté de mettre sous surveillance toute personne susceptible d'exercer une influence à un niveau quelconque, celui de l'économie comme celui de la politique, ou de la vie sociale. Que nous soyons élus, citoyens ordinaires, babillards en public, ou vieillards taiseux qui n'ont jamais jeté un œil sur internet, un ventre d'ordinateur nous catalogue déjà sous divers motifs : sécu, caisse de retraite, assurances, poste, banque… Si nous restons passifs aujourd'hui, demain les gens au pouvoir décideront peut-être de rassembler tout sur tout le monde dans un super Edvige, et l'on pourra nous fliquer de l'école au cimetière. Edvige, c'est un balbutiement d'état policier.



Voir Rue89
Le Monde

mardi 9 septembre 2008

Portrait chinois

Pas de billet aujourd'hui pour cause d'impondérables, mais je vous propose à la place un portrait chinois :

si c'était des chaussures elles seraient à semelles épaisses
si c'était un appareil domestique, ce serait un téléviseur
si c'était un instrument de musique, ce serait une trompette
si c'était un tableau, ce serait «Arrivée du ministre de l'intérieur» d'Henri Rousseau
si c'était un chapeau, ce serait un Stetson
si c'était un style, il serait kitch
si c'était une couleur, ce serait le bleu
si c'était une qualité, ce serait l'esprit de famille
si c'était une fleur, elle serait carnivore
si c'était un défaut, ce serait l'esprit de clan
si c'était un art, ce serait le patinage artistique
si c'était un poème, ce serait La chèvre du Thibet de Guillaume Apollinaire
si c'était un mérite, ce serait la conviction
si c'était un personnage, historique ce serait Pépin le Bref
si c'était un instinct, il serait de domination
si c'était une voiture, ce serait la Buggati Veyron d'un ami
si c'était un comportement, il serait agité
si c'était un chien, ce serait un pittbull
si c'était un excès, il serait d'autorité
si c'était une maison, elle s'appellerait «La Lanterne»
si c'était un objet, ce serait une montre
Si c'était un bateau, ce serait un yatch de 60 mètres
si c'était un roman, ça ne serait pas «La Princesse de Clèves»
si c'était un cocktail, ce serait «Presidente»
Qui est-ce ?

lundi 8 septembre 2008

M. Sarkozy et le sang-froid

Récemment, pour relativiser l'importance de l'affaire Clavier, un billet de blog soulignait qu'il est compréhensible, lorsque votre maison est envahie de manifestants et que vous avez la chance d'être un pote du président, de l'appeler à l'aide. Vu sous cet angle, c'est humain, d'accord. En revanche le problème est différent lorsqu'on considère le cas de M. Sarkozy. Moi, si j'étais président, j'aurais dit à mon ami de s'adresser à la police, ou au préfet, bref, j'aurais refusé d'accorder un passe-droit. Et j'aurais félicité le responsable de la sécurité d'avoir évité un affrontement inutile. Je ne suis pas président, c'est facile à dire, je sais. Il n'empêche qu'en remâchant cette histoire, quelque chose me frappe : il est possible que Nicolas Sarkozy ait obéi à un réflexe d'homme d'état ennemi du désordre et adepte de la fermeté. Il en a depuis longtemps le langage et en sait mimer la manière quelquefois. Cela ne me rassure pas, lorsque je me souviens d'un passé guère reculé : Mai 68. Pour ceux qui n'ont pas connu ces événements, ou les ont oubliés, je rappellerai un gros détail de l'histoire. Ce printemps émeutier s'est achevé dans la déception pour certains, dont j'étais, et le soulagement pour d'autres, presque sans drame. Grâce au sang-froid d'un premier ministre, M. Pompidou, et surtout d'un préfet de police, Maurice Grimaud, qui surent rétablir l'ordre républicain en faisant passer l'intérêt général avant leur orgueil bafoué par la rue. Si cela devait se reproduire demain, je me demande combien M. Sarkozy laisserait de victimes sur les pavés.

dimanche 7 septembre 2008

Dans le Var, greniers dans la rue, Modem à la plage

Mon village a vidé ses greniers dans le vent, c'était la dernière manifestation de l'été. Village paisible, presque éteint, où désormais rien ne transparaît à première vue des divisions électorales du printemps. Elles sont toujours là, mais comme rentrées dans les cœurs, à la manière des eaux repliées sous les sols recuits par l'été. C'est un village pittoresque, et cependant incolore du point de vue politique, ce qui ne veut rien dire et beaucoup dire à la fois. Autrefois, ce fut un village remuant, insurgé même, à l'occasion —le souvenir de ses acteurs disparus se perpétue sans doute encore dans l'intimité des vieilles familles clavésiennes. Il a été rouge ce village, comme tant d'autres du midi, avant que la page ne se tourne. Je me souviens de mon étonnement ravi lorsque je découvris le Var, il y a une quarantaine d'années, devant le langage soigné et la culture politique de certains vignerons du littoral. La différence avec les braves paysans de ma jeunesse, frustes, obtus parfois, dont la parfaite connaissance du credo des apôtres n'avait pas suffi à délier la langue, la différence était saisissante. Il me semble y reconnaître l'effet d'une conscience politique éveillée de longue date, de l'ouverture au monde. En tout cas, le Var d'aujourd'hui est à droite, même si c'est oublier un peu vite quelques élus et bien des gens en lutte pour les idées de gauche. On vidait donc les greniers ce matin, je me demande si certains y conservent encore quelques épaves nostalgiques des temps de fierté, ou si tout a été mis dans la rue depuis belle lurette.


Pendant que les militants du PS rêvent d'unité et que les éléphants se trompent, François Beyrou avance ses pions tranquillement. Il propose déjà l'union de l'opposition en 2012 —l'union avec le PS, surtout… Que n'a-t-il accepté la main offerte de Ségolène Royal, à la dernière présidentielle ! Il est probable que M. Sarkosy ne serait pas aujourd'hui à l'Élysée. Seulement voilà, à l'époque M. Bayrou sortait battu de l'élection. Honorablement battu, mais défait tout de même. D'un ralliement à Ségolène il n'aurait pu espérer que l'octroi d'un grand ministère, voire du Premier, et cela ne l'intéressait pas. C'est la présidence de la république qu'il lui fallait. Depuis, il a fait front à toutes les avanies, les trahisons, vaillamment du reste, et attendu son heure. Les cafouillages de Nicolas Sarkosy et du PS aidant, chacun dans son rôle, son éclat médiatique s'est soudain accru, tel celui de ces étoiles appelées variables, qui s'accroît soudain, de loin en loin. Certains jours, on pourrait presque penser qu'il est le seul opposant au pouvoir de droite, tant sa voix semble mieux porter que celle de la gauche. Que peut espérer de mieux M. Beyrou, que la prolongation des bisbilles au PS ? Ce temps durant, il prend du poids, et 2012 venu, il croquera peut-être la gauche. Néanmoins, rien n'étant jamais joué en politique, c'est une information précieuse à retenir, que M. Beyrou serait prêt à une alliance, la prochaine fois que Ségolène Royal le devancera au premier tour d'une présidentielle.

Deux blogs pour le Modem :
Luc Mandret
MonPuteaux

samedi 6 septembre 2008

Sauver La Poste

Et si l'on goûtait un peu au succédané de démocratie que M. Sarkosy a feint d'octroyer à son bon peuple, persuadé que celui-ci ne parviendrait jamais à s'en servir ? Je veux parler du référendum d'initiative prétendument populaire, que les conditions d'emploi rendent à peu près inutilisable. Déjà, avoir osé parler d'initiative populaire est une arnaque, car le nom qui convient est : référendum d'initiative parlementaire. N'oublions jamais que nous vivons dans un régime confiscatoire usurpant le nom de démocratie. Ceci rappelé, 184 parlementaires peuvent prendre l'initiative de proposer un référendum sur une question particulière, lorsqu'ils sont soutenus par 4 millions de français. Une paille. Et il faut encore obtenir l'accord des deux chambres du parlement… Cela s'appelle se moquer du peuple. Néanmoins, avec l'affaire de la privatisation rampante de La Poste, les français tiennent peut-être une occasion de moucher le président Sarkosy. En effet, s'il est un domaine où la grande majorité des gens est attachée à son service public, c'est bien celui de la Poste. L'espoir existe donc de voir les français se mobiliser en masse. Dans un village comme celui où j'habite, Claviers, le bureau de poste qui a déjà réduit ses horaires d'ouverture pourrait bien disparaître un jour ou l'autre. Avec une poste privatisée, cela ne fera pas un pli. J'ai déjà dit quelques mots à ce sujet dans un précédent billet. Donc, il est parfaitement envisageable de réunir le nombre de signatures nécessaire au déclenchement d'une démarche référendaire… Chaque signature sera comptée, alors ne dites pas que les pétitions ne servent à rien, que vous avez quelque chose de plus important à faire avant. Si vous tenez à votre service public, c'est le moment de le manifester, signez la pétition !

Sur ce sujet

vendredi 5 septembre 2008

Les eaux troubles du PS

Que faut-il penser des manœuvres en cours au PS ? J'en étais resté à l'idée que François Hollande voulait favoriser l'élection d'un non-présidentiable au poste de premier secrétaire, ce qui du reste me semblait une hypocrisie, car comment croire que le futur patron du parti, une fois en place, ne se transformerait pas en candidat d'ici à 2012 ? M. Hollande en fourni l'illustration, puisque lors de la compétition interne précédente, il n'était resté en définitive sur la touche, que faute d'avoir réussi à s'imposer à ses camarades. Donc, j'imaginais l'appareil du PS proche de M. Hollande bichonnant un plan destiné à favoriser l'irruption au congrès de Reims d'un outsider consensuel, dont la personnalité ou plutôt l'absence de personnalité, serait de nature à endormir les passions, préservant l'avenir de certains, même au risque de compromettre l'indispensable rénovation en profondeur du parti. Et voilà qu'aujourd'hui, France Inter m'apprend par la bouche de Françoise Degois, que M. Hollande se prépare en réalité à passer son fauteuil à Bertrand Delanoë ! J'ai déjà sommairement expliqué pourquoi le simple sympathisant que je suis ne veut pas avoir un jour à voter, la rage au coeur, contre ce brave homme, qui ne fait aucun cas de la seule démocratie qui vaille : permettre à la base, tant de son parti que de la nation, de se faire entendre en dehors des élections. C'est pourtant ce qui risquerait de se produire le jour où M. Delanoë se retrouverait en lice avec un François Beyrou, qui n'oubliera pas cette attente des citoyens, lui. Le sénateur de ma circonscription soutient la contribution «Urgence sociale» de Pierre Larroutourou, laquelle me semble analyser en profondeur le travail à fournir sur le terrain social, mais il y manque le souffle conquérant des vraies contributions de combat interne. Sans doute parce qu'elle est l'enfant de militants appartenant à tous les courants du PS ? Des hommes et des femmes attelés à la tâche ingrate de sortir le bateau PS du coup de chien. Il existe d'autre part des propositions plus confidentielles, comme celle d'un secrétaire fédéral tenté par la démocratie participative avec des inquiétudes de puceau, un peu honteux de s'afficher avec une telle catin… Ceci dit, je ne comprends strictement rien aux magouilles d'appareil en cours, ni à la portée réelle des enjeux et des haines en présence, et je me prends à rêver que pour faire pièce à l'alliance naissante Hollande-Delanoë, s'en noue une autre, Royal—Larroutourou—Contributaires modestes, dont les positions ne sont peut-être pas si éloignées. Car on voit bien que perdure dans les sphères éléphantesques du PS la volonté farouche d'éliminer à tout prix Ségolène Royal du paysage politique. L'ascension de Mme Royal a été le fruit de la révolte des militants et des sympathisants contre des arrangements imposés «d'en haut», et par ailleurs, le texte «Urgence sociale» constate que la démocratie représentative est en crise (Question 11) et se propose d'y apporter remède partout, à commencer par le fonctionnement intérieur du PS. M. Larroutourou est une figure socialiste sympathique, mais je le vois dépourvu du charisme qui porte à la victoire. Alors, serait-ce vraiment naïf de l'imaginer associé à Ségolène Royal dans la fusion de l'espérance démocratique qu'ils peuvent incarner ? Je me réponds à moi-même que oui, c'est naïf, puisqu'au sein des contributions de travail cohabitent des partisans d'éléphants opposés, mais je ne peux m'empêcher d'y rêver, comme je ne peux m'empêcher d'espérer que les sympathisants du PS se détournent de M. Delanoë, le parfait représentant de la continuité dans l'erreur.

jeudi 4 septembre 2008

À propos d'un fait-divers

Il y a des truismes qui tuent —vous savez, ces portes ouvertes qui vous précipitent au fond du ridicule si vous les enfoncez… Ainsi, j'écris que le monde est mal fait, et vous allez vous taper sur le ventre d'hilarité. Moi aussi d'ailleurs, je réagirais de même si vous veniez me dire d'un ton pénétré que le monde est mal fichu : je me taperais sur le ventre, au moins en pensée pour ne pas vous vexer. Nous savons tous que c'est parler pour ne rien dire, que réparer l'état du monde n'est pas à la portée d'un bricolo du verbe. Déjà, Dieu, le bricolo suprême, a loupé son truc, alors ! Le monde est mal fait quand même et, du coup, elle s'est tapé sur le ventre du haut de trois étages. Elle en est morte, cette jeune femme d'un quartier d'Istres, que la police et un huissier venaient expulser. Il y a du malheur partout, souvent même dans nos placards, nos consciences en deviennent calleuses et la compassion que ce type de drame nous inspire est généralement des plus brèves. Nous n'y pouvons rien. Individuellement, lorsque nous ne sommes pas directement impliqués, notre impuissance est évidente. C'est notamment pour pallier cela que nous sommes organisés en société, avec des élus, un gouvernement, des administrations, des services en pagaille. Dans le cas de cette femme, la mécanique sociale s'est coincée de la manière la plus stupide qui soit : sans qu'on le devine, elle allait trop mal pour répondre aux demandes de rendez-vous que lui adressaient les services sociaux, afin de rechercher une solution à ses problèmes matériels. Murée dans son mal de vivre. C'est une situation imprévue, car comment imaginer le degré exact de souffrance qui se cache dans un dossier vide d'informations, à part la mention des loyers impayés depuis deux ans ? Elle se noyait en silence et l'administration a besoin d'entendre crier au secours pour agir. Du côté des créanciers, on avait su faire le nécessaire pour obtenir l'application de la loi. C'était logique. Il reste simplement à inventer un moyen d'insuffler de l'humanité dans l'administratif. Le maire d'Istres déclare se sentir coupable, je ne sais pas si c'est justifié ou non, et si la mort de cette femme va le hanter, mais le monde est mal foutu, c'est sûr.

mercredi 3 septembre 2008

Edvige arrive, Sine revient, Martine aussi, et Xavier s'amuse

Aujourd'hui, mes préoccupations partent dans tous les sens…, difficile de structurer un billet. Alors, voilà ce qui me tenait à cœur en ce jour maussade où le ciel grisaillait sur le village, chiche en soleil et plus pingre encore en pluie —après un août de savane, on aimerait bien voir arriver la flotte.

Il y a d'abord le plus important, la mise en place du fichier Edvige que le gouvernement a autorisé par décret, sans débat, au mois de Juillet. Avec Edvige, c'est une super police crypto-judiciaire et politique qui va se mettre en place. Les mineurs y seront fichés dès treize ans à la première connerie, et tant pis pour eux si c'était aussi la dernière. Les syndicalistes, les membres d'associations remuantes y trouveront naturellement leur place, et à vrai dire rien n'empêchera d'y loger n'importe qui… Lisez donc ceci sur le sujet, et signez, faites signer la pétition exigeant l'annulation du décret d'autorisation d'Edvige.

Avec la rentrée scolaire, se prépare un joli tour de passe-passe, semble-t-il, dont les jeunes enseignants, que Xavier Darcos a si benoîtement encouragés d'une prime, vont faire les frais. On les soulage de deux heures hebdomadaires pour mieux travailler, mais comme il n'y aura pas suffisamment de profs pour compenser leur absence (les élèves, eux, auront cours normalement), les jeunes enseignants en question devront s'y coller en heures supplémentaires… Mathieu, qui est prof, vous explique cela en détails sur son blog.

Plus qu'une semaine avant la sortie de «Siné Hebdo», le canard qui fiche la trouille à l'équipe de Charlie. Enfin, je suppose qu'ils dorment mal, à l'idée de cette parution. Pour n'avoir pas osé défendre leur collègue et ami contre le patron, il faut bien qu'ils soient timorés. Il est d'ores et déjà possible de s'abonner pour soutenir Siné dans sa nouvelle aventure. À 80 ans, chapeau ! Des précisions sur le Nouvel Obs et le site de Siné Hebdo.

Les socialistes continuent leur défilé de mode, aujourd'hui c'était le tour de Martine Aubry de montrer ses atours de fiancée au pays. Eh oui ! au pays autant qu'aux militants : elle était invitée de France Inter ce matin, par exemple. Cette manière de se rappeler aux bons souvenirs des français en général, prouve que notre opinion de simples sympathisants, voire d'opposants, présente un certain intérêt. Il y aura certainement un sondage, un de ces quatre matins, dans lequel il serait utile de grimper un peu. Pas trop, j'espère, car pour ma part, à la différence de certains qui refusent de choisir entre les candidats à la direction du PS, sans souhaiter de mal à Mme Aubry, qui a enfanté les 35 heures, un progrès réel, je préfère voir Ségolène Royal l'emporter, et de beaucoup.