Autant vous avertir tout de suite : je plaide non coupable. Il n'est pas question ici de parler du débat qui s'amorce ce soir chez les écologistes entre Eva Joly et Nicolas Hulot, ni des cabrioles d'un Borloo fantasque comme une chèvre de Mars. Je ne suis pas informé et ma tête est ailleurs.
Ma tête est farcie de DSK : tel est mon sujet de billet obligé. Que vous en ayez marre de l'affaire, je le conçois parfaitement. C'est aussi mon cas, mais un sort désormais obstinément contraire ne m'a pas laissé le choix. Ce matin j'ai quitté la maison trop rapidement, oubliant d'emporter un bouquin. Ainsi, une fois remplies mes petites obligations du lundi, lesquelles m'absorbèrent jusqu'au déjeuner, je me retrouvai bien marri ensuite, au moment d'aborder les grandes.
Je n'avais pas rendez-vous. Imaginez une salle d'attente exiguë au point que sept personnes assises la remplissent et que les surnuméraires débordent dans le couloir attenant jusqu'à l'accueil. Au dessus de la tête des sept, un écran de télé allumé, et moi coincé en face.
DSK sort de chez lui, DSK roule vers le tribunal, DSK descend de voiture, DSK donne le bras à Anne Sinclair, des cris saluent DSK, acclame-t-on DSK ? DSK se fait-il vilipender ? DSK est hué, une manif de femmes de ménage conspue DSK, que va-t-il se passer pour DSK, qu'en disent les invités sur le plateau ? L'avocat américain répète ce que l'on nous a expliqué depuis des jours, le chroniqueur de la chaîne redonde…
Le son est réglé à la perfection : juste ce qu'il faut pour que les sourds puissent entendre, et rendre vain le recours à mon nouvel iPod. Au fond à droite, une jeune fille a ouvert un roman sur les genoux —c'est un roman, puisqu'il porte la tenue blanche à filets rouge et noir de la NRF. Dans l'espoir de virer DSK de ma tête, sinon de mes oreilles, je tente de déchiffrer le titre, qui tient sur deux lignes, chaque fois qu'elle soulève plus ou moins le bouquin…
À cette distance, il me faudrait les lunettes, je ferais aussi bien de lui demander carrément ce qu'elle lit. Oui, mais… Les avocats de DSK vont-ils prouver que Nafissatou était consentante, quand il lui a proposé de lire quelques pages ensemble ? Imaginez que cette fille prennent mal ma question, l'ambiance aidant. Pas envie de jouer avec le feu, moi !
DSK entre dans la salle du tribunal, DSK est debout, DSK s'assied, DSK se relève, recueilli comme à la messe… J'ai mon DSK qui commence à remonter dans le DSK, je transpire. Je me lève et gagne la porte tandis que quelqu'un se précipite sur ma chaise. Je fends la foule des journalistes, parviens à la barre devant le bureau de la juge. C'est une jeunette rieuse qui ne fait aucune difficulté pour me réserver une audience la semaine prochaine. Je sors en secouant la tête pour chasser les acouphènes : dskdskdskdskdskdsk… Le soleil, les moteurs de bagnoles, la vie normale, quoi !
11 commentaires:
Excellent.
DSK. DSK. DSK.
:))))))
Moi, je n'ai vu que Yann Bartes, qui revient avec humour sur l'actu politique tous les soirs, et j'ai appris que toutes les chaines "d'info continue" étaient aux toilettes ... euh ... passaient des pubs lorsque "tes acouphènes" sortait de chez lui pour aller chez l'oto-rhino ... euh ... devant le juge !
Ils ont tous raté le direct !!!
:)
Très drôle :))
Yann, merci !
Nicolas,
sadique !
Gildan,
il a fallu que je cherche sur Google pour savoir de qui tu parlais. Les spectateurs des chaînes d'info ont bien de la chance, en tout cas. :-))
Vlad, merci !
Oui...
On a eu la même idée de billet à 24H d'intervalle ... oui c'est bien d’acouphènes qu'il s'agit. Ras le bol !
Nicolas,
Pff !
Romain,
je n'avais pas encore lu le tien, ce que je viens de faire… Retard regrettable, j'aurais dû le mettre en lien, puisqu'il apporte de la substance là où je me contente d'illustrer ton interrogation : «Comment exister, faire parler de soi, dans une actualité déjà sordide et grotesque au dernier degré ?»
Ce matin encore, la télé glose abondamment sur "les 4 heures pendant lesquelles DSK a disparu ...", entre la sortie du tribunal et le retour dans ses pénates.
Moins il y a à dire, plus on en parle.
J'ai bien aimé, on sent l'obsession de la presse te marteler DSK sans cesse ;)
Candide,
la télé dès le matin ? Ouille ! C'est terrible…
Guillaume,
là, c'était vraiment l'overdose, enfermé dans une petite pièce sans possibilité d'échapper à l'affaire autrement que par la fuite.
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