Voilà encore un jour où j'ai
traîné des pieds avant de les poser sur le
clavier. Pourtant, il y aurait de quoi faire aujourd'hui, avec le rapport de la Cour des comptes qui scelle l'incompétence de Sarkozy en matière de sécurité… Ce qui me fait penser qu'en ranimant l'ordinateur, je me suis trouvé
devant un jeu de Rue89 : «
de quelle personnalité politique êtes-vous proche ?».
J'ai joué et répondu à l'une des dix questions posées que j'étais pour l'augmentation du nombre des policiers. Comme vous voyez, je suis en désaccord manifeste avec Sarkozy sur ce point aussi. Le plus rigolo, c'est qu'à l'issu du test je fus étiqueté
proche d'Arnaud Montebourg. J'en ai été fort satisfait car c'est assez juste. Malins, les concepteurs du petit jeu !
S'il fallait
démontrer d'un détail significatif le
désordre dans lequel le pouvoir sarkozyste a précipité police et justice, je citerais la demande d'excuses adressée à la France par le ministre Belge de la Justice,
Stefaan de Clerck. Un gamin belge de 13 ans avait disparu de chez lui le 23 juin dernier. Les autorités belges avaient donné son signalement aux voisins dans le cadre de Schengen… La France s'est aperçue le 5 juillet qu'elle détenait le gosse, arrêté pour vol de nourriture dans un supermarché le lendemain de sa disparition. 12 jours après le signalement !
S'il me fallait trouver un moyen de
faire quelque chose de mes pieds sur le clavier, sans quitter l'insécurité, ce qui me semble un thème adapté, je glisserais brièvement sur l'histoire de la préfète otage d'un agité en gare de
Bordeaux… Juste le temps d'enfourcher ma propre anecdote (je me demande si je ne l'ai pas déjà racontée… Tant pis !).
C'était il y a pas mal d'années, ma femme et moi venions de prendre à Montpellier un TGV pour Paris —dans un contexte de
nervosité générale par crainte d'attentats.
Soudain, surgit dans la voiture un bonhomme très rouge, brandissant une
carte barrée de je ne sais plus quelles couleurs…
«Je suis de la police ferroviaire ! Un individu armé me poursuit, avertissez le contrôleur !»
Je me lève inquiet ainsi que d'autres personnes, pour apercevoir vaguement un type en chemise blanche qui s'agite dans la voiture voisine.
«Je tire le signal d'alarme, que je dis.
—
Non, surtout pas, prévenez le contrôleur !» qu'il répond, avant de s'enfermer dans le local des toilettes.
À travers la vitre de la porte de séparation dont je me rapprochai alors, un minimum d'attention permettait de constater que le type en chemise blanche était un jeune homme brandissant de la main droite un sabre de coupeur de canne à sucre, et tenant de la main gauche un bout de papier dont il semblait faire la lecture aux voyageurs…
Aller prévenir un contrôleur en passant devant le sabre de cet excité ? Heu… Je retournai m'asseoir en priant ma femme de s'installer côté fenêtre où il me semblait qu'elle serait davantage à l'abri, moi occupant le siège du couloir. L'ennui, c'est que ma femme avait suivi le même raisonnement et qu'elle voulut m'obliger à me glisser près de la fenêtre. Une petite scène de ménage s'ensuivit, à laquelle un voyageur voisin mit un terme en me disant : «allons, du sang froid, de toute façon il n'y a pas de danger.» Dépité, je cédai à mon épouse, et, une fois assis, je m'aperçus que le voisin avait récupéré dans ses bagages une raquette de tennis posée en travers de ses genoux, dont il en étreignait fermement le manche. Pas de danger, vraiment ?
À un moment, on entendit vaguement le jeune homme crier à côté, et me levant à demi je le vis apparaître brièvement puis disparaître de mon champ de vision, de plus en plus agité. Et pendant ce temps là, notre policier ferroviaire était toujours aux toilettes…
Les années ont un peu brouillé les détails de la suite des événements, mais j'ai fini par tirer le signal d'alarme, pour la première fois de ma vie. J'ai arrêté un TGV en pleine nature, entre Montpellier et Nîmes, parfaitement.
Une longue attente suivit, durant laquelle nous vîmes le policier réapparaître. Je crois bien qu'il était soulagé tout en soupirant d'un air de reproche qu'il ne fallait pas faire ça… Nous vîmes aussi un bonhomme à la mine sévère prendre ses grandes valises sans un mot, ouvrir la porte et descendre sur la voie. Il partit à pied le long du ballast en direction de Montpellier, je n'ai jamais su s'il était arrivé à bon port.
Plus tard, une escouade de gendarmes fortement armés fit son apparition, nous étions alors descendus de notre voiture, et l'affaire se termina avec la neutralisation du jeune homme que vous vîmes tirer du train et traîner vers un fourgon sans ménagement. Ma femme protesta de loin contre la brutalité de l'arrestation, mais autant qu'il m'en souvienne personne ne l'entendit.
Que c'était-il passé ? L'homme de la sécurité ferroviaire, que j'ai appelé policier faute de connaître son titre exact, contrôlant les bagages des voyageurs au départ du train, avait confisqué le sabre du jeune homme. Furieux, celui-ci l'avait saisi par la cravate, l'étranglant. Ce que voyant, un brave voyageur Suisse s'était emparé du sabre qu'il lui avait rendu pour apaiser sa colère… Las ! Le policier n'avait dû son salut qu'à la fuite…
Tandis que le jeune déséquilibré haranguait les voyageurs de sa voiture terrifiés (une dame eut un malaise cardiaque), les contrôleurs qui se trouvaient du côté opposé du train avaient prévenu la gare de Nîmes où les gendarmes attendaient l'arrivée du TGV pour intervenir. En tirant le signal d'alarme, j'avais compliqué les choses, en somme ; sans compter une série de retards en cascade pour beaucoup de trains… On ne m'a jamais rien reproché, ouf !