Nicolas a ouvert un sujet de chaîne intéressant, en réaction à des tweets de @CaReagit énonçant qu'un président est d'abord là pour prendre des décisions impopulaires : suivre l'avis du peuple serait de sa part démagogique… Nicolas pose donc la question : un bon président doit-il être populaire ? D'emblée, on peut relever que la question inverse ne manque pas d'intérêt et complète peut-être la première : un président impopulaire est-il un mauvais président ?
Une chose me frappe dans l'idée de présidence posée par @CaReagit : on y est plus près de la dictature, au sens Romain du terme, que de la magistrature arbitrale moderne. Face à un péril extrême, la République romaine nommait un dictateur disposant de tous les pouvoirs pendant une période limitée. Peu importait qu'il fut ou non populaire, du moment qu'il sauvait Rome ; et la sécurité revenue, le dictateur retournait en principe à sa charrue…
À vrai dire, on pourrait estimer que notre république n'est pas si éloignée de cet antique régime : un président élu pour cinq ans à une sorte de dictature douce lui conférant tous les pouvoirs —mais il n'en est rien. Aucun électeur sensé n'a le sentiment de remettre aveuglément le destin du pays aux mains d'un homme seul qui va en disposer à sa guise. Nous comptons sur les parlementaires pour le surveiller autant que pour l'épauler. La Constitution, même celle de la Ve République aux relents dictatoriaux prononcés, dispose que les lois voulues par le président doivent recevoir l'aval du Peuple à travers ses représentants. C'est du moins ainsi que cela est réputé se passer dans notre succédané de démocratie.
En pratique, le président impose ce qu'il veut à une majorité soumise, surtout depuis l'élection de Nicolas Sarkozy qui a accru l'autorité du président jusqu'aux limites du bon plaisir. Il a, dans les bornes de son mandat, la prépotence d'un roi irresponsable devant son peuple jusqu'au terme d'un règne reconductible.
C'est une situation de fait, mais cela ne signifie nullement que la population qui la subit l'accepte de gaieté de cœur. Il n'a en tout cas jamais été défini que le président de la République est là pour faire le bonheur du Peuple malgré lui, encore moins son malheur. Quand une écrasante majorité de Français rejette la dégradation brutale de son régime de retraite voulue par le président, c'est la légitimité de celui-ci qui s'effondre avec sa popularité. On ne l'avait pas choisi pour nous précipiter dans l'injustice et la souffrance.
Pour autant, la popularité est-elle la marque d'une bonne présidence? En Italie, M. Berlusconi, quoique ne portant pas le titre de président, démontre que non : sa popularité l'a hissé puis maintenu au pouvoir alors qu'il est jugé exécrable chef d'état hors de ses frontières.
En revanche, le Brésilien Lula Da Silva fournit l'exemple d'une présidence populaire, largement perçue comme efficace et novatrice.
Si la popularité ne prouve donc pas grand chose, il en va autrement de son contraire…
Quand un chef d'état recueille à son élection la confiance d'une majorité de ses concitoyens, mais devient massivement impopulaire à l'épreuve de la politique qu'il incarne, c'est incontestablement le signe d'une mauvaise présidence. Son impopularité naît du sentiment de trahison éprouvé par le peuple. Un président ne peut gouverner contre le Peuple, souverain théorique de la République, sans perdre du même coup toute légitimité. Que son action soit rejetée parce qu'il n'a pas su en expliquer le bien fondé, ou parce qu'elle nuit au bien-être du plus grand nombre, elle marque une rupture du contrat de confiance passé avec le pays entier : non seulement ses électeurs directs, mais également tous ceux de ses adversaires qui, acceptant le verdict des urnes, lui ont permis d'accéder au pouvoir paisiblement.
En s'obstinant, il commet une fraude aux valeurs héritées de la Révolution. Dans une démocratie, le Peuple serait en droit de le destituer.
Pour prendre la suite s'ils le souhaitent, je pose les mêmes questions à Hermes, Isabelle B, Des pas perdus, et les deux Éric: celui de Mulhouse, et celui de Crise dans les médias …
P-S à voir chez Rimbus: la vidéo d'un discours de Mélenchon
Une chose me frappe dans l'idée de présidence posée par @CaReagit : on y est plus près de la dictature, au sens Romain du terme, que de la magistrature arbitrale moderne. Face à un péril extrême, la République romaine nommait un dictateur disposant de tous les pouvoirs pendant une période limitée. Peu importait qu'il fut ou non populaire, du moment qu'il sauvait Rome ; et la sécurité revenue, le dictateur retournait en principe à sa charrue…
À vrai dire, on pourrait estimer que notre république n'est pas si éloignée de cet antique régime : un président élu pour cinq ans à une sorte de dictature douce lui conférant tous les pouvoirs —mais il n'en est rien. Aucun électeur sensé n'a le sentiment de remettre aveuglément le destin du pays aux mains d'un homme seul qui va en disposer à sa guise. Nous comptons sur les parlementaires pour le surveiller autant que pour l'épauler. La Constitution, même celle de la Ve République aux relents dictatoriaux prononcés, dispose que les lois voulues par le président doivent recevoir l'aval du Peuple à travers ses représentants. C'est du moins ainsi que cela est réputé se passer dans notre succédané de démocratie.
En pratique, le président impose ce qu'il veut à une majorité soumise, surtout depuis l'élection de Nicolas Sarkozy qui a accru l'autorité du président jusqu'aux limites du bon plaisir. Il a, dans les bornes de son mandat, la prépotence d'un roi irresponsable devant son peuple jusqu'au terme d'un règne reconductible.
C'est une situation de fait, mais cela ne signifie nullement que la population qui la subit l'accepte de gaieté de cœur. Il n'a en tout cas jamais été défini que le président de la République est là pour faire le bonheur du Peuple malgré lui, encore moins son malheur. Quand une écrasante majorité de Français rejette la dégradation brutale de son régime de retraite voulue par le président, c'est la légitimité de celui-ci qui s'effondre avec sa popularité. On ne l'avait pas choisi pour nous précipiter dans l'injustice et la souffrance.
Pour autant, la popularité est-elle la marque d'une bonne présidence? En Italie, M. Berlusconi, quoique ne portant pas le titre de président, démontre que non : sa popularité l'a hissé puis maintenu au pouvoir alors qu'il est jugé exécrable chef d'état hors de ses frontières.
En revanche, le Brésilien Lula Da Silva fournit l'exemple d'une présidence populaire, largement perçue comme efficace et novatrice.
Si la popularité ne prouve donc pas grand chose, il en va autrement de son contraire…
Quand un chef d'état recueille à son élection la confiance d'une majorité de ses concitoyens, mais devient massivement impopulaire à l'épreuve de la politique qu'il incarne, c'est incontestablement le signe d'une mauvaise présidence. Son impopularité naît du sentiment de trahison éprouvé par le peuple. Un président ne peut gouverner contre le Peuple, souverain théorique de la République, sans perdre du même coup toute légitimité. Que son action soit rejetée parce qu'il n'a pas su en expliquer le bien fondé, ou parce qu'elle nuit au bien-être du plus grand nombre, elle marque une rupture du contrat de confiance passé avec le pays entier : non seulement ses électeurs directs, mais également tous ceux de ses adversaires qui, acceptant le verdict des urnes, lui ont permis d'accéder au pouvoir paisiblement.
En s'obstinant, il commet une fraude aux valeurs héritées de la Révolution. Dans une démocratie, le Peuple serait en droit de le destituer.
Pour prendre la suite s'ils le souhaitent, je pose les mêmes questions à Hermes, Isabelle B, Des pas perdus, et les deux Éric: celui de Mulhouse, et celui de Crise dans les médias …
P-S à voir chez Rimbus: la vidéo d'un discours de Mélenchon
18 commentaires:
Ce n'est pas parce que vous êtes anti Sarkozy qu'il faut raconter des conneries. Reprenez la constitution et réformez-la, mais ne mettez pas en cause un président impopulaire qui doit se démerder avec le code Napoléon, les syndicats, les députés, les adversaire politiques, les lobbies, les partenaires européens, la crise économique, la mondialisation, l'Iraq, l'Afghanistan, le chômage, l'immigration, la grippe A H1N1, le réchauffement de la planète, la délinquance, les banlieues, ..., ..., etc ...
C'est sûr que Chirac qui s'est doré la pilule à l'Élysée pendant 12 ans est beaucoup plus populaire !
Très belle réponse !
D'ailleurs, il a un troll. Je vais lui répondre : Chirac a fait son boulot de président, décidé par la cinquième république. Par exemple, il a dissout l'Assemblée quand ça marchait mal ou il a imposé un retour en arrière sur le CNE quand c'était le bordel dans la rue. Il laissait le Premier Ministre gouverner et tenait son rôle d'arbitre.
Nicolas Sarkozy gouverne lui-même, il est bloqué. La personne qui nous gouverne n'est plus contrôlée.
Alors que dans la Cinquième, il est contrôlé par une Assemblée, elle-même contrôlée par un Président qui échappe à tout contrôle et c'est pour ça qu'il ne gouverne pas. Il bulle, l'heureux homme. En principe.
Va trouver quelque chose à dire après ça pour avoir l'air intelligent !!
Je vois que CC a répondu aussi...je vais aller voir histoire de me plomber le moral pour de bon :)
Par définition, il ne doit pas être impopulaire mais il ne doit pas être démagogue et donc savoir déplaire quand l'intérêt commun, et non pas celui d'une classe, l'exige.
C'est donc un peu une réponse de normand mais ce genre de dissertation impose forcément une réponse mesurée... Et puisque tu m'y invites, j'essaierai de mett-e mes idées en ordre là dessus!
C'est du Juppé: "c'est le déficit de justice que ressentent beaucoup de Français. Certes, les contraintes d'une crise sans précédent ne peuvent être ignorées. Mais le sentiment s'est installé que, au coeur de la tourmente, quelques gagnants gagnent trop, et que les perdants souffrent trop" en mars 2010!
LE PRESIDENT peut être aussi impopulaire qu'il le souhaite, à condition qu'il s'agisse véritablement de justice sociale.
Parfois j'ai l'impression qu'il nous pisse dessus et puis il nous dit qu'il pleut!! (Bouclier Fiscal.. EADS... etc..)
Patrick,
je vous retourne la réflexion: ce n'est pas parce que vous êtes sarkozyste qu'il faut raconter des conneries. Rien ni personne n'obligeait Sarkozy à accentuer le côté anti-démocratique de la Constitution, sauf son inclination à l'autocratie. Chirac a été un président conforme à son rôle constitutionnel…
Tous les écueils que vous énumérez sont autant d'échecs calamiteux de sa déjà trop longue présidence !
Nicolas,
merci pour tout, à commencer par le sujet.
Captainhaka,
boff ! à mon avis ce ne sera pas difficile de trouver un angle d'attaque plus mesuré par exemple (voir Hermes par exemple)
Hermes,
je ne vois pas pourquoi une plume portée parfois à la démesure comme la tienne devrait se tempérer, s'agissant en filigrane d'un président autiste et suspecté de diverses malversations (Karachi, financement illicite de sa campagne électorale par les Bettencourt)… À quel moment une impopularité sombre sous la révolte? À ce moment, la démonstration de l'illégitimité du chef renversé est faite: le peuple souverain a toujours la légitimité pour lui. Mais bon: chacun juge de l'eau chaude à son robinet.
Ig,
Juppé, que vous semblez bien aimer, se fichait de son impopularité, il n'en est pas moins tombé. Je ne parle pas d'impopularité comme celle qui touche fatalement tout gouvernant à un moment quelconque de son action : on ne peut satisfaire tout le monde. Je parle d'une impopularité massive, née du rejet profond de la réforme par la quasi-totalité de la population. Supposons que cette réforme soit "juste et réellement indispensable" : même alors le dernier mot doit revenir au peuple, c'est de sa peau qu'il s'agit et jamais de celle des privilégiés qui le gouvernent. Un président respectueux de la mission qu'on lui a confiée doit rechercher d'autres solutions au problème posé.
Dans la vision de droite, il semble que les gens cherchent toujours un chef qui dirige le pays malgré les vœux du peuple. Dans la vision de gauche, le peuple doit d'abord comprendre et accepter les mesures proposées. Ça fait toute la différence entre les deux pensées, irréconciliables.
La constante reste que la droite impose là où la gauche éduque. C'est ainsi depuis la révolution !
:-))
[Bel article ! Je ne sais pas non plus sous quel angle je pourrais traiter ce sujet ! :-)) ].
tu me poses de ces questions ! je suis pas certaine d'être très objective ;-) en plus tu as tellement bien répondu, que-veux-tu que je dise de plus ? bon, je vais choisir l'humour pour répondre, on a tous besoin de rire un peu...
Si j'ai bonne mémoire, un dictateur était élu pour dix mois et s'engageait à renoncer à tout poste public à l'issue de son mandat. Quant aux consuls, ils étaient toujours deux, élus pour 1 an (ou 6 mois?) et non rééligibles.
Mais il y avait une autre disposition dans cette (courte) époque de démocratie romaine : le droit de veto de la plèbe. Il suffisait que le tribun (inviolable) de la plèbe dise "veto" et toute disposition votée par le Sénat était annulée.
Aujourd'hui, la plèbe a clairement dit "veto". Et nos patriciens s'en foutent.
(J'arrête les parallèles, ça nous emmènerait trop loin.)
c'est aussi le signe d'un abandon par les journaux de leur rôle de décryptage qui lutterait contre les campagnes présidentielles médiatiques et éclairerait le choix des électeurs - parce qu'enfin on savait ce qu'était Sarkozy, non ?
M Poireau,
et ton parallèle critique droite / gauche est bien vu ! Merci.
Isabelle,
mais j'ai lu depuis ta réponse, et elle très pertinente. Alors…
Omnibus,
j'avais oublié le droit de véto, tiens! Il va falloir que je rafraîchisse mes souvenirs sur la République romaine.
Brigetoun
sans doute, mais pourtant certains journaux se livrent à ce travail. Le problème c'est que de moins en moins de gens les lisent…
Vous dites : « Un président ne peut gouverner contre le Peuple, souverain théorique de la République, sans perdre du même coup toute légitimité […] Dans une démocratie, le Peuple serait en droit de le destituer ».
Il est inévitable qu’il y ait des points du programme présidentiel que la majorité du peuple refuse. Si on destituait le président chaque fois qu’il prend une position contraire à ce que veut la majorité, il n’y en aurait aucun qui arriverait à la fin de son mandat. La solution consiste à cesser de dépouiller le peuple de tout pouvoir entre deux élections. Le peuple doit constamment pouvoir intervenir dans les affaires publiques, par exemple en votant sur l’âge de la retraite. Cela s’appelle la démocratie directe. Pour voir comment ça marche, il suffit de regarder en Suisse.
Voir http://horsparti.blogspot.com/2010/10/quand-les-francais-voteront-ils-sur.html
Horsparti,
je vous réponds tout de suite: si vous jetez un œil sur certains billets plus anciens de ce blog, vous pourrez constater que la démocratie Suisse est un modèle fréquemment invoqué ici, de même que la nécessité d'un véritable référendum d'initiative populaire…
Le Coucou,
Tu lui réponds trop vite. Le gugusse fait le tour de ces blogs pour faire la pub de son billet.
En admettant qu'il faille à un président mettre en place une réforme des retraites qui ne figure pas à son programme (et dont je ne suis pas convaincu comme la plupart des français si j'en crois les sondages d'opinion), il faudrait dans une démocratie "optimale" que lui soit imposé d'expliquer son projet et d'obtenir l'adhésion du peuple.
Ce n'est pas tant le programme promis ou non que la manière de gouverner contre le peuple qui est en cause. Expliquer, réunir, débattre, écouter, amender, tout ce vocabulaire démocratique et républicain semble avoir perdu tout sens avec Sarkozy et sa clique.
:-)
Nicolas,
je n'ai pas fait gaffe à sa pub…
M. Poireau,
oui et non… En effet il pourrait ajouter la réforme, à condition de consulter le peuple, mais ne le faisant pas, il se met en position d'illégitimité. Ce qui est tout de même très important.
L'essentiel, selon moi? La CONFIANCE...
En politique, comme ailleurs (... si j'y suis?)
Bruno,
en principe, cette confiance (d'une partie des Français) est acquise au président, au lendemain de l'élection…
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