Au risque d'étonner certains, je ne connais pas Arthur. C'est ainsi. Entendons-nous bien: le nom d'Arthur ne m'est pas totalement inconnu, j'ai même glané sans le vouloir, année après année, quelques informations le concernant. Célèbre, on le voit beaucoup à la télévision, on l'entend à la radio, il a fait du théâtre, et, parfois il est l'objet de railleries féroces. Sa personne constitue une référence incontournable pour qui puise son inspiration dans l'audiovisuel et ses animateurs. Je sais aussi qu'il est humoriste, mais il doit se situer hors du champ d'humour médiatique qui me séduit, de Desproges à Didier Porte, sinon j'aurais probablement découvert son talent. Je sais encore qu'il a soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, une tare qui pourrait expliquer mon absence de curiosité à son égard. Enfin, je sais qu'il est juif.
Je l'ai appris voici pas mal de temps, un Dimanche où je me trouvais à l'épicerie du village. Une cliente âgée attendait son tour de passer à la caisse, lisant à mi-voix les titres d'un journal. Brusquement, elle s'exclama en ricanant:
«encore un juif!». Choqué, je la pris à parti, sans égard pour ses cheveux blancs. Elle me regarda d'un air ébahi, se défendit: «
Je disais pas ça par méchanceté, c'est parce que, Arthur, il est riche!» Je n'ai pas cherché à savoir quelle épithète la dame tenait pour véridique, s'agissant d'Arthur, entre riche et juif, ou s'il fallait simplement comprendre que tous les riches prénommés Arthur sont juifs, ou que les riches juifs sont tous des arthurs.
Cela fait donc tout de même un peu plus que rien, ce que je sais d'Arthur. Il n'en a rien à cirer, mais le hasard m'ayant fait son défenseur circonstanciel, j'ai depuis lors balayé un peu moins vite les potins de presse qu'il m'arrivait de trouver à son sujet dans les journaux. C'est ainsi que j'ai lu son
plaidoyer publié dans Le Monde de Dimanche. Hier soir seulement, parce que je ne me précipite pas sur les écrits d'animateurs de télé en général, et sarkozystes en particulier.
Dans cet article, l'animateur réfute avec véhémence les accusations portées contre lui, comme celle de financer
«de manière très active l'armée israélienne»,
«avec son fric»… Il clame son incompréhension et sa douleur devant les manifestations haineuses qui accompagnent depuis quelque temps sa tournée de spectacles. Selon lui, la haine qui le vise est née d'une interview de Dieudonné, en 2004, dans laquelle celui-ci lançait les calomnies reprises aujourd'hui —lesquelles lui valurent du reste une condamnation pour diffamation.
J'ai trouvé dans ce plaidoyer un accent de sincérité qui m'a convaincu sans laisser l'ombre d'un doute. Ironie des choses, je me retrouve aujourd'hui, comme à l'épicerie, à défendre un point de vue différent de celui que j'adoptais en soutenant
Siné dans le conflit avec Charlie-Hebdo. En apparence seulement, car si ses détracteurs reprochaient à Siné d'assimiler juif et argent, et partant d'être antisémite, ils faisaient dire à sa chronique maladroite ce qu'elle ne disait pas, et faisaient bon marché d'une vie de prises de positions généreuses. Le
vieux cabot mord peut-être tous azimuts, mais il n'est pas de ceux qu'on mettrait à garder des enclos barbelés.
Quant à Dieudonné, ma culture télévisuelle étant ce qu'elle est, proche de zéro, je ne connais de lui que ses relations contre-nature avec l'extrême droite. Cela me suffit pour être effaré que le poison d'un tel type puisse encore agir sur la société.
Si j'en crois les propos d'Arthur, le Net a beaucoup contribué à le répandre. Quelle fichue manie ont donc les utilisateurs d'internet de si mal vérifier les rumeurs qu'ils contribuent à propager. Par honnêteté, il nous faut douter et faire l'apprentissage du recoupement, tels que le pratiquent les vrais journalistes —ou devraient le pratiquer… C'est pour cela aussi, outre mon vieil attachement à lutter contre le racisme et l'antisémitisme, que je fais ce billet, un peu à l'écart de mes sympathies politiques naturelles.