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mardi 19 juillet 2011

Je n'irai pas à Compostelle

Ce matin, en quittant la maison j'avais débranché la livebox par crainte des orages. De retour sous des trombes d'eau, comme il n'y avait pas d'éclairs, j'ai remis l'appareil en service… Plus de connexion, ou alors durant quelques secondes à peine, le temps de récupérer un mail ou deux avant la coupure. Au bout d'un certain temps perdu à débrancher, puis brancher l'engin infernal qui me narguait en clignant sans trêve de ses petits yeux rouges, j'ai appelé l'assistance à contrecœur. 

L'idée que la communication me serait facturée, de même que l'intervention d'un technicien si cela s'avérait nécessaire, me faisait souffrir. Je suis radin. Et pas de chance : la dame au bout du fil décida de m'envoyer un spécialiste «d'ici le 21 juillet, milieu d'après-midi au plus tard»

Miraculeusement, mon attente a duré moins d'une heure avant que deux hommes de l'art ne débarquent sous le soleil revenu, l'un dans une petite fourgonnette, l'autre avec un camion-nacelle. J'ai fermé les yeux et fait vœu d'aller à Saint-Jacques-de-Compostelle à pied si le dieu des télécoms m'épargnait la facturation de la nacelle.

Ils ont déployé cette dernière vers le sommet d'un poteau, et l'un des techniciens a ausculté le contenu d'un coffret fixé là-haut, avec tout un attirail électronique. De temps en temps, il émettait des constats laconiques à l'intention de son collège resté au sol : «rien sur la quatre ; la une est morte ; il est sur la six qui n'est pas terrible»… Comme je le regardais de cet air anxieux que l'on doit avoir aux urgences dans l'attente d'un diagnostic sur la santé d'un proche, celui-ci m'expliqua : «vous avez une paire un peu bancale, il cherche s'il y en aurait pas une meilleure.» J'ai failli lui dire qu'à l'approche des 65 ans ce sont des choses qui arrivent, mais je me suis retenu. On a sa fierté.

Finalement, ils m'ont laissé sur la 6, je crois, mais avec une paire revigorée par les progrès de la science. Internet remarche et, comme il semble que le câble ait été endommagé par les multiples chutes d'arbres de ces dernières années, j'échapperai peut-être à la facture. Je n'irai pas à Compostelle : s'il y a eu des tempêtes, c'est la faute du Ciel, ça change tout.


CC est rentrée de Florence, elle revient dans la brume, la pauvre…

samedi 30 avril 2011

Tout fout le camp, même le muguet !


Finalement, je n'ai rien à dire, à part vous répéter ce que vous savez déjà d'essentiel : demain, le muguet sera cher : plus de 2 € au lieu de 0,42 € l'an passé à Rungis. Le printemps précoce a fait mûrir les clochettes trop vite. Alors demain, on nous vendra des brins qui seront flagadas de la tige à peine sortis des frigos.

C'est bizarre, parce que chez moi, le muguet n'est pas encore vraiment fleuri. Il y a toujours quelques pieds dans le foutoir de plantes qui poussent dans le puits. Oui, dans le puits, c'est ridicule, je sais. Un vrai faux puits en pierres de taille avec ses arceaux et sa poulie, plein de terre, qui se trouvait déjà posé là quand nous nous sommes installés. Il n'y avait pas de nain, c'était déjà une bonne chose, mais ma femme et moi avions tout de même envisagé de le déplacer un jour au milieu du pré où coule une source.

Une fausse vraie source, pour être précis : elle cesse de couler aux alentours du 14 juillet jusqu'aux grosses pluies d'automne, mais c'est une autre histoire. Il se serait senti un peu plus puits au milieu du pré, de l'eau au fond de la margelle, c'est probable. En tout cas, il aurait eu l'air moins con.

Néanmoins, les pierres maousses de sa margelle ne bougeront plus de place, j'ai bien trop peur d'abîmer le muguet —il était question du muguet, rappelez-vous au lieu de vous moquer. Les autres années, il y avait toujours au moins un brin fleuri, le matin du premier mai ; quelquefois avec seulement quatre ou cinq clochettes blanches et les autres encore d'un vert tendre. Je le cueillais dès le réveil, il nous mettait de joyeuse humeur au premier jour du mois le plus doux de l'année, riche en beaux souvenirs. Eh bien ! cette année pas de clochettes pour demain, je viens encore de vérifier. Je ferai comme presque tout le monde : je m'achèterai mon bout de printemps —si j'en ai envie.

Sinon, comme vous le démontre l'illustration de ce billet, une alerte de Yahoo Actualités, je suis passé à côté d'une information capitale. J'ai honte.

lundi 11 avril 2011

Cote d'humanité

Quelle histoire ! Gbagbo est tombé aux mains de ses adversaires. Pensez un peu : ce matin, filant sur la route à mes affaires, une autre nouvelle s'était frayée un chemin dans ma tête vide d'un lundi matin : la cote de confiance de Sarkozy a baissé de 3 points, 72 % des sondés ne lui font pas confiance (4% sans opinion).

À la radio, ils prenaient grand soin de souligner qu'il ne faut pas confondre cote de confiance et cote de popularité. Du coup, je me voyais avec un sujet de billet tout trouvé pour ce soir : gloser sur les subtiles nuances entre ces deux outils de sondeurs. J'avais même une contrepèterie vaseuse pour le titre : «cote de confiance ou fiance en compote». Et voilà que Gbagbo tire la couverture médiatique à lui…

M'en fiche ! Je ne parlerai pas politique, mais humanité. Parce que ce matin, entre autres, j'allais remonter le moral d'un ami plongé dans une merde noire. Nous avions rendez-vous chez sa vieille mère, laquelle vit seule dans une grande maison et présente les signes d'une démence débutante. Elle est rentrée depuis peu de l'hôpital où on l'avait transportée après une mauvaise chute en pleine nuit. La veille de son accident encore, ce bout de vieille de 89 ans, cassé à angle droit sur une canne, conduisait sa Twingo pour aller faire les courses à la ville. Trop heureux que sa mère fut indépendante à son âge, mon ami ne s'était jamais avisé du danger qu'elle pouvait représenter au volant. À l'hôpital, ils lui ont ouvert les yeux.

Le voilà contraint de venir chaque jour de sa propre maison, à une heure de route de chez sa mère, lui acheter une baguette de pain, du jambon, purger son frigo des produits périmés… Quand je suis arrivé, aujourd'hui, un menuisier changeait les portes d'un escalier intérieur, que les pompiers avaient défoncées pour lui porter secours. Mon ami errait dans les copeaux de bois, faisant des allées et venues entre le garage et le salon où sa mère regardait la télé. Nous sommes sortis bavarder au soleil sur la petite terrasse.

Il est fatigué de l'éprouvant mélange de confusion et de bon sens capricieux, prompt à s'aigrir, que présente désormais le commerce affectif avec sa mère. Bientôt devrait se mettre en place un système d'aide à domicile qui lui permettra de respirer. «Bientôt, c'est proche pour le type qui traite le dossier à la sécu, mais c'est trop loin pour moi… Encore un effet de la relativité !»
Nous avons ri, et c'est à ce moment que j'ai perçu un mouvement furtif derrière la haie de la maison voisine, dont les volets clos dominaient la terrasse.

«Tu as vu ?
— Oui, ce sont les voisins qui se cachent pour partir…
— Qui se cachent ?
— Ça fait deux semaines que ma mère a eu cet accident, je suis venu tous les jours. Je sais qu'ils sont là, mais je n'ai jamais vu les volets ouverts de ce côté, ils m'évitent.
— Tu les connais ?
— Un peu : bonjour, au revoir… Je suppose qu'ils craignent d'avoir à proposer leur aide s'ils demandent des nouvelles. Je crois aussi qu'ils ont surtout peur du malheur, peur qu'on leur gâche le printemps
En me penchant de côté, j'ai vu entre deux arbres la voisine fermer le portail à clef, puis rejoindre son mari dans la voiture, un peu plus loin sur la route. «C'est con ! Je n'attends rien d'eux, mais un mot de sympathie m'aurait fait plaisir.»

P-S: J'ai vu un tweet et son RT qui m'étaient apparemment destinés : «@pensezbibi: S'ABONNER à un blog de Droite dure sous prétexte (à vérifier) que c bien écrit (et/ou lisible) ? http://bit.ly/eOn2Vy Im-po-ssi-ble pr BiBi.» C'est idiot de répondre, mais tant pis : je n'ai besoin d'aucun prétexte pour prendre plus de plaisir à lire un bon billet de droite qu'un mauvais de gauche.

lundi 24 janvier 2011

C'est le billet le plus difficile de tous ceux que j'ai rédigés et publiés ici. Je ne sais pas trop comment l'écrire, je ne souhaitais d'ailleurs pas le faire, mes enfants m'ont persuadé que c'est mieux ainsi. C'est le premier billet que ma femme, Marcelle, Sara Perriod-Fraysse, n'aura pas relu avant publication. Chaque soir, depuis le premier jour d'existence de ce blog, elle a été ma première lectrice, ma correctrice souvent, critique parfois. Elle a souvent soupiré sur mes abus du «moi je», nous nous sommes parfois engueulés à propos d'une phrase : ce qui arrivait de temps à autre depuis plus de quarante années passées à écrire ensemble. Elle et moi : c'est comme ça que nous vivions. C'est fini, parce qu'il me faut lâcher maintenant ce mot qui nous fait si mal, à nous, ses enfants et moi, elle est morte depuis samedi matin.

lundi 3 janvier 2011

Rester calme, nouvel épisode

(sur fond musical) Elle, voix suave : « ERDF, gestionnaire de réseaux de distribution électricité, bonjour ! Ce service de dépannage est réservé aux clients privés d'électricité et aux interventions de sécurité. Afin de traiter votre appel dans les meilleurs délais, merci de prêter attention aux choix qui vous sont proposés… Veuillez saisir les cinq chiffres du code postal de votre commune…
Moi : — tip tip tip tip tip …
Elle : — Vous n'avez plus d'électricité : tapez 1. Vous voulez une mise en service, une augmentation de puissance, ou des renseignements sur votre facture : tapez 2. Pour tout autre problème, tapez 3.
La chatte : —Miaou !
Moi : — tip (j'ai choisi 3, parce que la tension électrique de la maison est sans doute irrégulière)
Elle : — Si vous souhaitez nous signaler une anomalie ou un problème de sécurité sur votre réseau électrique: tapez 1. Votre alimentation électrique présente des variations : tapez 2. Votre appel concerne un problème d'heure creuse ou de chauffe-eau : tapez 3. Vous souhaitez nous signaler une panne sur l'éclairage public : tapez 4.
Moi : — tip (à ma deuxième tentative, j'avais choisi 1 et Elle m'avait répliqué du tac au tip : «vous n'avez plus d'eau chaude : tapez 1. Vos voisins n'ont plus d'eau chaude : tapez 2.» Comme ce n'était pas mon cas, j'avais attendu la suite…, et paf : raccroché ! C'est pour cette raison que j'ai décidé d'enregistrer l'appel suivant. Mais là, j'ai tapé 2…)

Elle : — Veuillez patienter quelques instants, nous essayons de vous mettre en relation avec un opérateur… (musique)
Conformément à la législation en vigueur, les conversations sur cette ligne seront enregistrées. (miaou ! musique)

Miracle : effectivement, une voix d'homme vivant a pris la suite. Un gars sympa à qui j'ai pu expliquer que ma pompe à chaleur est en panne depuis cinq jours, parce qu'une pièce électronique n'a sans doute pas résisté à des baisses de tension électrique… C'est du moins l'opinion d'un pompier à chaleur émérite. Au bout du fil, l'homme a compati, surtout quand je lui ai dit le prix de la pièce de rechange que j'hésite encore à commander.

Le croiriez-vous ? Après trois (3) tentatives de me faire comprendre par la blonde standardiste automatique, voilà que mon interlocuteur décide en cinq minutes de me dépêcher illico un agent du service dépannage. Et le gars est venu, à l'heure dite !

Bon, ce n'est pas lui qui va réparer la pompe, bien sûr : ERDF ne s'occupe pas du petit matériel des patients en souffrance. Mais il a vu de ses yeux, dans la triste lumière du jour déclinant, le triste état du câble aérien d'alimentation de la maison en électricité. Je l'ai déjà raconté ici à plusieurs reprises : ce câble est affecté d'une réparation provisoire depuis une tempête de novembre 2008.

Le sang de l'agent n'a fait qu'un tour, dans le même sens que celui du devoir : il a mesuré l'ampleur du problème, il a sondé la vitalité du compteur d'appendices tâteurs… Après quoi, il m'a annoncé la venue d'une équipe d'ici quelque temps.

Je l'ai regardé dans les yeux, il a eu un demi-sourire, puis :
— Je sais, on vous a déjà dit ça, hein?
— Oui, deux fois.
Il a hoché la tête, et on s'est souhaité le bonsoir sur une poignée de main dans la nuit tombante. Je vous laisse : c'est l'heure de remettre du bois dans le poêle.

P-S : à par ça, il y a des gens à qui la déclaration de Valls sur les 35 heures fait mal aux seins… Mais Christophe garde encore un peu la tête à la fête…

samedi 11 décembre 2010

Mémoires (express) d'un cycliste

La semaine s'achève doucement, j'imagine que les parisiens sont fatigués par leur calvaire neigeux, et que l'on continue à débattre du sexe des bonshommes de neige, des responsabilités… En fait je l'ignore, n'ayant pas jeté un regard à l'actualité, parce que moi aussi, je suis fatigué de marcher à pied ou à bicyclette dans un pays de collines. S'il y a quelque part une pétition de soutien aux coureurs cyclistes dopés, je signe. Ceux qui ne se dopent pas doivent être des dépravés cachant un cilice sous le maillot et un slip en poil de chèvre dans le short. Mais il se peut que ma vision de ce sport héroïque ait été déformée ces jours-ci par le poids de mon vélo chinois, d'environ une tonne, comme par l'obscurité du rapport entre chaque pignon et la raideur opiniâtre des mollets.

Quoi qu'il en soit, la semaine de ce blog se terminera pourtant sur un billet euphorique et un double coup de chapeau… En effet, après avoir cassé la voiture de la famille, actuellement en soins intensifs chez un carrossier, me revoici heureux comme Dagobert, le cul au chaud dans un petit char de secours.

L'obtenir n'a pas été chose facile : la moitié de la journée d'hier s'est passée en télé-palabres bilatérales et multilatérales entre l'expert, le carrossier, l'assurance, l'assistance, et moi. Il y avait un os : le carrossier n'a plus un seul véhicule de courtoisie disponible, et pour longtemps. Sans entrer dans d'innombrables détails calamiteux, l'essentiel que j'ai plaisir à rendre public, c'est que la personne s'occupant de ce sinistre à la MAAF, notre assureur, a pris une initiative non prévue au contrat. MAAF assurances a loué pour nous un véhicule de remplacement. Ça valait bien un petit coup de pub !

Il y avait donc une voiture retenue à la ville, mais il fallait encore aller la chercher… Sur le point de déranger un voisin, ma femme et moi nous nous sommes brusquement souvenus de l'existence du TED bus dans notre Communauté d'agglomération. Il s'agit d'un service de transport à la demande : vous téléphonez la veille pour vous inscrire, on vous propose un horaire plus ou moins proche de vos attentes, et c'est tout. Figurez-vous qu'il y a un arrêt de ce truc à dix mètres de la maison, sur notre minuscule chemin (photo)

À l'heure prévue, neuf heures cinquante pile, le mini-bus était là, et je fus le premier passager d'une ligne au parcours indéterminé. Le chauffeur ramassa neuf personnes de-ci delà, à travers le canton : trois personnes âgées, un adolescent, une mère et ses trois enfants, et moi qui suis un jeune vieux. Au volant de ma voiture, je mets environ trente minutes pour gagner la ville ; TED-bus en mit 45 à cause de ses détours, et cela m'a coûté 1 euro… Certes, il manque la souplesse de la bagnole individuelle, mais cela revient moins cher que celle-ci, en particulier si vous l'emboutissez de temps en temps.
C'était mon coup de chapeau à la Communauté d'agglomération Dracénoise.

lundi 18 octobre 2010

Vespa sur le toit

Vespa crabro, le frelon est une brave bête : l'ami Nicolas nous l'a juré cet été, quand nous nous plaignions du gros jaunas qui tournait autour de la table, sous le platane. Il le tenait de La Hulotte, ce merveilleux journal dont tous les amis de la nature ont au moins entendu parler. Le frelon est un type pacifique qui n'attaque pas, à plus de trois mètres de son chez-lui, pourvu qu'on lui fiche la paix. La sale réputation de son venin est très surfaite, à moins, je suppose que vous n'ayez l'essaim complet sur le dos. Bref, telle était la situation lorsque Nicolas nous a quittés pour voler vers d'autres ruches: un frelon ou deux nous faisaient un coucou aimable en vaquant à leurs affaires. Nous avons fini par les oublier.

Et puis, l'automne approchant, il y avait de temps en temps un de ces couillons de jaunas, attiré par la lumière, qui se faufilait dans la maison. À ce moment là, je n'avais pas encore lu les conseils de La Hulotte, comme je l'ai fait ce matin sur le Web. J'ignorais qu'il faut retourner un verre sur le brave frelon, glisser une feuille de papier dessous, et aller libérer la bestiole dehors. Comme une brute épaisse, je me jetais à sa poursuite armé de la tapette à mouche, grimpant sur les chaises, essayant de l'atteindre au coin des poutres, faisant teinter l'opaline des suspensions… Avant de l'occire avec une odieuse satisfaction dont j'aurai quelque jour à m'expliquer devant Dieu, surtout si Dieu est un frelon, ce qui n'est pas plus ridicule qu'un barbu, après tout.

Les jours ont passé, et, je ne sais plus à quel moment exactement, nous avons constaté à la maison qu'il y avait chaque soir un ou deux frelons pour se présenter à table à l'heure du dîner. Chassant le frelon, je repensais aux propos de Nicolas quant à la bénignité de leur piqûre. Faut-il l'avouer ? Cela me rendait plus hardi à la chasse.

D'autant que bientôt, il m'arriva de plus en plus souvent le matin de trouver un jaunas rampant sur le sol, comme abruti, alors qu'abruti moi-même, je débarquais dans la cuisine pour faire le café. Comme vous le pensez, j'avais depuis longtemps exploré du regard les souches de cheminées sur le toit, sans remarquer d'activité suspecte de la gent bourdonnante…

Enfin, ces derniers jours, le rythme des frelons échouant dans la maison s'accélérant, les bourdonnements du côté de la cuisinière aussi, l'illumination nous vint : la hotte ! Chaque fois que ma femme allumait la lumière au-dessus du fourneau, puis mettait le moteur de la hotte en route, il se passait quelque chose là-haut. Un, deux, trois parfois, de nos squatters ne tardaient pas à descendre dans le filtre voir ce qui se passait, ou peut-être manger un morceau. En tout cas, ils se retrouvaient ensuite pris au piège, bien obligés de chercher une voie de sortie, laquelle nous valait de les voir surgir en piqué sur nos assiettes avant d'amorcer une chandelle vrombissante vers la lampe.

Ce matin, j'ai appelé l'exterminateur d'essaims à la première heure, et comme il ne pouvait pas venir avant 18 heures, j'ai pris patience en me documentant sur internet… J'ai bien compris que c'est très mal de leur faire ça, qu'il valait mieux déplacer le nid dans un endroit moins gênant. J'imagine la tête de l'homme qui est arrivé ce soir avec son équipement et son pulvérisateur, si ma femme et moi lui avions demandé d'attraper du haut du toit le nid de frelons afin de le déplacer, hem… disons, chez les voisins.

Il a fait son travail, puis il est reparti. Ça bourdonne encore beaucoup dans la hotte, mais il paraît qu'ils n'en ont plus pour longtemps. D'ailleurs, quand il faisait encore jour, on voyait plein de frelons mal fichus qui se traînaient, hagards, sur les tuiles.
C'est moche, mais le filtre de la hotte était bon à changer depuis quinze jours au moins, et ils étaient foutus de rester chez nous jusqu'au printemps.
illustration

P-S Gildan en pince pour Tina ; le blog de Mtislav est occupé ; CC décortique le bouquin de Razzi Hammadi ; Fidel Castor remue l'aqueux ; Christophe chante des volutes vénéneuses…

mercredi 13 octobre 2010

Gueules d'école, une exposition à Draguignan



Un billet pour les varois qui lisent ce blog : demain aura lieu à Draguignan le vernissage de l'expo de photographies de Philippe Hermelin.

17h30 à la librairie «Papiers collés»





P-S : la dernière ligne de l'affiche comporte une erreur. Il faut lire évidemment : «Exposition du 15/10 au 04/12/2010»

mardi 12 octobre 2010

Draguignan : 80% de manifestants en plus !






À l'appel de l'intersyndicale, la foule des grands jours se pressait aujourd'hui à Draguignan : 4500 personnes selon les organisateurs (contre 2500 la fois précédente). Personnellement, j'aurais estimé un nombre des manifestants plus élevé, mais il est vrai que je compte sans difficulté de 1 à 10, et au delà en «beaucoup»… Quoiqu'il en soit le cortège était dense, j'ai eu du mal à repérer les gens de mon village, et plus encore à retrouver mes habituels complices de blogage et de manif : Céleste et Hermes… D'ailleurs, nous n'avons pas tardé à nous perdre au fil d'un parcours plus long qu'à l'ordinaire. Le cortège est en effet passé devant le Lycée Jean-Moulin, avec une importante délégation d'élèves à sa tête. L'un des éléments les plus remarquables de cette manifestation, outre son importance, réside dans la diversité des âges qui s'y trouvaient représentés : des lycéens aux retraités, les jeunes actifs se sont largement mobilisés. La colère monte.

mardi 7 septembre 2010

2501 manifestants à Draguignan !

Je pestais un peu ce matin, en partant pour la ville, parce qu'une obligation allait m'empêcher de participer à la manifestation unitaire contre la réforme des retraites. C'est ainsi que j'ai loupé la première partie de l'événement, tandis que la foule remontait l'avenue Carnot depuis la sous-préfecture jusqu'aux confins de l'avenue de Verdun.

En revanche, je me suis rattrapé plus tard, puisque j'ai rejoint la manif à temps pour effectuer le retour vers la sous-préfecture. Quand je suis arrivé, les hauts-parleurs de la CGT annonçaient 22000 manifestants à Toulon, ce qui constitue un bon chiffre, et 2500 à Draguignan.

Je ne tiendrai pas rigueur aux compteurs de la CGT, de la CFDT, de FO et des autres organisations représentées, mais ils se sont trompés, puisqu'ils avaient fait leurs comptes avant mon arrivée. À Draguignan, je vous l'affirme, nous étions 2501 sous des parapluies, à réclamer l'abandon de cette réforme honteuse.





mercredi 23 juin 2010

Sauvée des eaux, 4323 et ses sœurs cherchent un toit

C'était vendredi dernier, quatre jour après les inondations catastrophiques sur notre région… Hans et Anna, nos amis, ont photographié ces brebis, encore boueuses, qui marchaient au bord de la route. Elles devaient appartenir à l'un des nombreux troupeaux engloutis un peu partout dans la région. Trois mille de leurs congénères sont mortes, on a retrouvé des cadavres jusque sur les arbres… Celles-ci ont survécu, donc, et marchaient vendredi, du côté des Gorges de Pennafort.
Cinq jours après, aujourd'hui, on les a brusquement vues surgir au bout de notre chemin, à Claviers. La distance n'est pas énorme certes, mais à travers bois et broussailles, en cassant la croûte, ça prend du temps. La moins timide des trois se nomme 4323, c'est tout ce que l'on sait d'elle… Il paraît que les brebis sans troupeau et sans berger peuvent marcher sans fin, jusqu'à la mort… S'il y a un berger blogueur de la région qui connaît Miss 4323, il pourrait peut-être faire quelque chose pour elle et ses deux sœurs?


photos: Anna & Hans, Isabelle

P-S, il se pourrait bien que 4323 soit un bélier, mais comme je n'y connais rien…

mardi 22 juin 2010

Draguignan, une semaine après


Ces jours-ci, la Mairie de Claviers a organisé une collecte pour les sinistrés de Draguignan, Figanières, et autres lieux de la région. Sont recherchés des vêtements, de la literie, des meubles, des chaussures —et plus particulièrement des bottes. Les bottes, notamment, ça tombe bien: nous en avons deux paires en rab à la maison. Comme la collecte a lieu ce matin, et que ma femme et moi partons trop tôt pour nous rendre à la mairie, nous emportons nos petits dons directement à Draguignan.

Il fait un temps de curé, ce matin, ô combien! Si vous tirez de cette expression la conclusion qu'il ferait bon se la couler douce dans le jardin du presbytère, vous aurez à moitié raison. Un ciel bleu pour enfants de Marie, avec juste ce qu'il faut de nuages pour rompre la monotonie, et du soleil… Quand on descend par le raccourci qui vient des collines, tout est dans l'ordre ordinaire: les virages à droite sont bien à droite et ceux à gauche bien à gauche ; la chaussée est propre, lavée de frais. Dans le bas, en approchant des quartiers périphériques, une bouche d'égout crache de l'eau comme une fuite discrète, on pourrait presque passer dessus sans s'étonner.

On entre en ville par l'Avenue de Grasse, et l'asphalte prend une teinte ocre pâle des plus banales: on voit ça partout après une bonne pluie, au débouché d'un chemin de terre. Cependant nous sommes en ville et il n'y a plus de chemins de terre depuis longtemps. De loin en loin, on voit quelques tas de détritus informes, des traînées de gravier. Mais plus on rentre dans la ville, plus les couleurs guillerettes des façades intactes de souillures vous soulagent le cœur. Les terrasses de café de la place Claude Gay vous tendent leurs accoudoirs de fauteuils sur les pavés à peine brunis: amis touristes ne boudez pas, tout est comme avant.

Vous pensez peut-être que j'ai l'air fin avec mes bottes de caoutchouc dans le coffre? Ah oui, c'est vrai, les bottes… Nous vaquons d'abord à nos affaires dans le centre-ville, à peine encombré de quelques camions de pompiers ici et là. Des tuyaux partent des camions, et plongent dans des caves d'où ressort parfois un bonhomme équipé de ces cuissardes de pécheur à bretelles, crotté jusqu'à mi-taille. Et je me rends à la banque, parce qu'il faut bien… Le distributeur automatique est hors service, mais le sas d'entrée de l'agence bée, accueillant comme il est rare de trouver sa banque… À l'intérieur, on nettoie le sol boueux dans une odeur fangeuse. Un vigile veille, je ne sais pas sur quoi, mais il veille, c'est son métier. Trois personnes tiennent le guichet d'où ne sort pas un rond, dévolu qu'il est aux opérations sans espèces. Notez que cette agence, quoique située en bordure du centre-ville, n'est pas particulièrement excentrée, ni surtout me semble-t-il située à priori en zone inondable. En tout cas, ma troisième tentative pour trouver ailleurs un distributeur de billets en état de marche est la bonne. N'importe qui a vu pire au lendemain des fêtes de fin d'année.

C'est ensuite que les choses se gâtent, pour tenter de rejoindre le supermarché, situé lui, sur une éminence, mais en pleine zone inondable. À mesure que l'on s'éloigne du centre, les tas de débris boueux se font plus nombreux, plus élevés; on en saisit l'odeur au passage. Il y a portes ouvertes à la prison dont on emmène une vision fugitive plongeant jusqu'à ses entrailles. Et des barrières surgissent, gardées par des CRS qui vous empêchent d'entrer dans la zone industrielle. Aimables, ils viennent d'ailleurs, et sont donc infichus de vous dire par où passer pour faire vos courses. On finit pourtant par trouver, en explorant toutes les voies d'accès… Je passe sur les rayons dégarnis, pour égrener rapidement les carcasses de voitures retournées, échouées dans les coins les plus inattendus, les nuées de poussière soulevées par les camions, les lieux dévastés où il est encore interdit de circuler. La catastrophe crève encore les yeux dans cette partie de la ville où tout n'est que tas de déchets, de boue qui sèche au soleil.

Ailleurs, au cœur de la ville, la vie a repris un visage présentable, presque normal. Roulant avec nos bottes et nos modestes dons vers le Secours Populaire, qui est installé dans une petite rue, nous voyons ici et là des gens racler la boue des rez-de-chaussée. On voit de temps en temps des combinaisons fangeuses quitter quelque lieu de misère bien caché. Sur le boulevard, des jeunes filles portant gilets de la Ville de Marseille, crottées jusqu'aux oreilles, embarquent en riant dans un 4x4 qui les emmène sur un chantier. «Ah! les bottes, c'est très demandé», me dit la dame du Secours Populaire. Maintenant, sous le soleil revenu, chez nous la détresse se cache, mais elle est toujours là, et peut-être le pire est-il encore à venir.
Au fait, l'expression «un temps de curé», parlait à l'origine d'un temps à curer les ports crasseux…

lundi 21 juin 2010

Le Maréchal Président dans le Var


Le président Patrice de Mac Mahon, en visite dans les communes sinistrées du Var, s'est écrié: «Que d'eau ! Que d'eau !». Le préfet lui a répondu: «Et encore, vous ne voyez pas le dessous…» Nicolas Sarkozy, en visite dans l'est varois s'est écrié: «On ne construira plus en zone dangereuse et il n'y aura plus aucune commune qui n'aura pas son Plan de prévention des risques»… Personne ne lui a répondu: «Sera-t-il donc interdit de rouler en voiture et de sortir dans les rues les jours de pluie dans les communes inondables, monsieur le Président?»
La plupart des victimes se trouvaient hors de chez elles lorsqu'elles ont été emportées par les eaux…
En théorie, le quartier le plus exposé de Draguignan, se trouve être une zone industrielle… Faudra-t-il transporter les hangars, les docks de matériaux, les palais de Carrefour, d'Inter-Marché, etc, au centre-ville?
Le jeune homme de 19 ans qui a été emporté par le courant se trouvait sur la place du Dragon: c'est dans la partie haute de la ville, ancienne… Le torrent boueux, charriant des pierres, des débris de toute sorte, ne venait pas d'une rivière, mais des routes et chemins au-dessus. S'il y a lieu de prendre des mesures, ce serait peut-être pour limiter le bitumage et les constructions anarchiques sur les collines.
Quant au village de Figanières, qui, contrairement à ce qui a été écrit un peu partout, n'est pas perché, mais situé depuis des siècles dans une sorte de couloir étriqué entre les collines, s'il y a problème et non pas fatalité (ce qui reste à prouver), ce devrait être un problème d'aménagement urbain en amont et aux alentours immédiats…

La visite du Maréchal Président m'a fait oublier mon projet initial d'évoquer les propos d'Eric Woerth, dans la foulée de la tempête soulevée par les enregistrements rendus publics par Mediapart… Ce matin Eric Woerth déclarait sur France Inter: «Est-ce que j'ai une tête à couvrir la fraude fiscale?»
C'est lui qui pose la question, n'est-ce pas? Si j'avais été présent, je lui aurait dit: «Oui, monsieur. » Évidemment, je peux me tromper, je l'admets sans peine. Néanmoins, la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui, me fait rejoindre une fois de plus Eva Joly qui demande sa démission. Et je constate aussi que Benoît Hamon, au nom du PS, s'est abstenu de réclamer cette démission. La volonté de ménager l'adversaire et de traiter les petites affaires politiques en famille, devient de plus en plus évidente. Où faudra-il aller chercher une opposition digne de ce nom?
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P-S pour les éventuels lecteurs varois : la Mairie de Claviers a mis en ligne un document téléchargeable qui rassemble toutes les informations utiles sur les suites des intempéries. J'extrais ces trois adresses d'associations recueillant les dons financiers ou en nature, et qui les redistribuent:
«Pour faire un don ou pour obtenir du mobilier et électroménager Contacter Entraide Dracénoise 04 94 67 28 73 46, Rue Lombard - Draguignan

Faire un don ou obtenir une aide alimentaire et vestimentaire à Draguignan *: (produits frais et produits bébés)

Secours populaire 12 avenue Patrick Rosso - Draguignan Tous les jours sauf week-end de 9h à 12h et de 14h à 18h

Saint Vincent de Paul 15 rue de l’observance - Draguignan Vendredi 18 juin et du lundi 21 juin au jeudi 24 juin de 9h30 à 11h30

Secours Catholique
Maison des œuvres – Le Clous 2 Avenue du 4 septembre - Draguignan »

jeudi 17 juin 2010

La météo et puis quoi?

Hermes parle dans son dernier billet des inondations dans la Dracénie, et souligne que la population aurait pu être alertée plusieurs heures avant que ne soit atteint le seuil critique des précipitations. C'est possible, je ne sais pas trop que penser à ce sujet.

Par contre, s'agissant de la ville de Draguignan elle-même, l'ampleur de la catastrophe ne m'a pas étonné. Il y a près de vingt ans au moins, je souriais en écoutant des vieux du village de Callas qui prophétisaient «un malheur» pour l'avenir. Ils critiquaient l'urbanisation des parties basses de la vaste cuvette où est située la ville, évoquant je ne sais plus quelle inondation mémorable pour eux…

Moins loin dans le temps, des incendies ont détruit la forêt qui couvrait plus ou moins les collines environnantes. Avant la forêt, il y avait eu des oliveraies en terrasses, contenues par des murets bien entretenus… Les oliviers disparus, la forêt a ruiné ces berges retenant la terre. La forêt brûlée, le sol n'était plus guère protégé que par des broussailles ou des arbrisseaux… Des maisons individuelles sont parties à l'assaut des collines, on en a vu pousser sur toutes les hauteurs. Des toitures, des terrasses, des chemins goudronnés: tout cela recueille l'eau sans l'absorber. Un toit et une terrasse donnent naissance à un ruisseau à la place du chemin. Des toits, des chemins, rejoignent la petite route en torrent, celle-ci une plus grande route devenue rivière… Et l'eau dévale vers la ville. Ce n'est certainement pas la seule explication à l'ampleur de la catastrophe, bien sûr, mais il y a de quoi réfléchir.

mercredi 16 juin 2010

Sale temps

Hier c'était le déluge, une rupture de canalisation au ciel, et là-haut, on ne fait pas les choses à moitié… Je me disais en regardant les colonnes de flotte nous dégringoler dessus, que le père Noé avait de l'avance sur nous. Dans le temps, on avait une alerte météo vraiment efficace, la ligne directe avec le maître des intempéries. «Allô Noé? C'est Dieu… Ton coin est en alerte rouge, alors grouille-toi de te construire une arche…» Nous, dans le Var, nous n'avions que Météo-France qui nous annonçait une alerte orange. Orange, pensez! Vous voyez beaucoup de conducteurs s'arrêter à l'orange, en ville?

Il me semblait difficile d'évoquer ça de façon documentaire, les journalistes sont là pour ça. Comment parler du reste, de ce qui ne se laisse pas décrire si facilement? Je ne suis pas allé à Draguignan aujourd'hui, et je n'irai pas me plonger dans le malheur d'autrui sans nécessité avant un moment. Je peux simplement donner un petit témoignage de seconde main: quelqu'un de notre famille s'est rendu à Draguignan ce matin. Un père inquiet qui allait prendre des nouvelles de ses jeunes enfants. Ils habitent avec leur mère au premier étage d'un immeuble… Il les a retrouvés couverts de boue dans un appartement dévasté irrémédiablement. Mais ils étaient vivants, eux.

Ceci dit, aujourd'hui il faisait soleil, il me semble sentir s'évaporer toute l'humidité emmagasinée dans ma cervelle, un brouillard paresseux s'en dégage qui m'empêche de voir le reste du monde. La réforme des retraites est cachée, difficile de parler de ce que l'on ne voit pas. Par contre je pourrais faire un bout de billet sur l'ironie qui sourd des petites calamités de la vie ordinaire : nous n'avons plus d'eau au robinet. Deux canalisations se seraient rompues sous l'effet des pluies, et le réservoir de la commune s'est vidé. Il faut que je parte en quête d'un ou deux packs d'eau… À demain!

lundi 12 octobre 2009

Le cœur en hiver

C'est une vieille dame. Les avis divergent sur son âge: soixante quinze ans, au moins, peut-être quatre-vingt ou davantage. Il arrive qu'elle monte faire des courses au village, vêtue avec un soin témoignant d'un souci de dignité, sinon de la survivance d'une certaine coquetterie —pantalon clair d'une coupe seyante, chemisier pimpant. Il y a de la douceur dans son regard et le flou d'une pensée perdue. D'où vient qu'à l'épicerie du village, une distance se creuse autour de sa personne, un vide, et pourquoi les visages se détournent-ils d'elle avec embarras? Elle sent mauvais, la vieille dame. Elle pue. Non pas le pipi de chat, comme cela peut arriver, mais une odeur forte, indéfinissable, qui fait naître davantage de répugnance que de pitié.
D'elle on ne sait rien ou presque, sinon qu'elle a perdu tous ses papiers officiels, et qu'il fallut l'aider un jour à obtenir une nouvelle carte d'identité. On sait que son compagnon est mort depuis plusieurs années, qu'elle habite encore le cabanon de celui-ci, pour lequel «on» lui aurait concédé un usufruit «verbal», sans la moindre légalité. On sait qu'elle vit, on la voit qui passe par les rues, perdue, solitaire —ça suffit.

Un jour de la semaine dernière, Anne voulut lui offrir la compagnie d'un chaton sans maître. De ce matou, je pourrais vous raconter bien des choses, par contre: quelle impasse l'a vu naître, qu'il se nommait Chaussette, et qu'il portait la toison tigrée de la gent des gouttières… Mais on s'en fiche un peu, d'autant que nul ne sait ce qu'il est devenu. Anne descendit jusqu'à la campagne de cette vieille dame, par un sentier courant dans la broussaille. Les volets du cabanon étaient clos, mais la dame était bien là, qui la fit entrer…

Dans la pénombre de son logis régnait une odeur atroce de fin du monde. De surprise, Anne laissa échapper Chaussette des mains, lequel s'en fut aussitôt mener sa petite vie parmi les choses indécises de ces lieux. Inutile de mener un suspense indécent pour dire ce qui suivit. Sous le prétexte de retrouver son chaton, Anne ouvrit en grand fenêtres et volets, explora le cabanon… Une substance noirâtre comme du goudron, visqueuse comme lui, couvrait le sol par endroits. Ne croyez pas qu'il y avait un mort, non! Il y avait par contre un peuple de souris et de rats établi partout comme en son royaume.

Des rats sous les meubles, dans les meubles, des rats baguenaudant autour de l'évier d'où coule dans les bons jours un filet d'eau noirâtre, et sinon rien, paraît-il. Des rats dans le réfrigérateur, des rats sortant des trous du matelas, curieux, familiers…

La vieille dame ne sait pas que les rats ont envahi sa maison, elle ne les voit pas. Tout au plus soupçonne-t-elle le voisinage d'une belette —elle veille à lui laisser une gamelle de croquettes dans un coin. Ça pue la mort, ça grouille partout. La cuisinière est gluante de crasse, et d'ailleurs, elle ne fonctionne plus, faute de gaz. Quand la vieille dame, avec les 600 euros d'on ne sait trop quelle pension, s'achète un bout de viande, elle le mange cru. Quelquefois, sur le pas de sa porte, avec une bonne âme qui passe par là, elle s'émerveille de la nature qui l'entoure, récite des vers, car elle a de la culture. Bref, on l'aura compris: à la mort de son compagnon, l'esprit de cette femme a lâché les amarres qui la retenaient à la réalité.

C'était mardi dernier, le 6 octobre. Le soir même, Anne alertait la mairie du village. On parla de l'urgence de dératiser le cabanon, de loger provisoirement la vieille dame ailleurs, mais où? De la nécessité de faire quelque chose pour elle, mais quoi? La placer dans un établissement adapté, mais lequel, et qui paiera? Il faut que des services sociaux interviennent, et pour cela qu'ils viennent constater les faits, en présence de policiers ou de gendarmes… Il faut que s'ébranle une machinerie administrative incontournable, lente. Peut-être quelque chose s'est-il passé aujourd'hui, lundi, ou plus probablement rien de nouveau. Des gens d'expérience, qui en ont vu d'autres, disent que cela peut durer des semaines ou des mois. Pendant ce temps, les rats pullulent autour de la vieille dame. Il ont dû bouffer Chaussette depuis longtemps, ils ne perdent pas de temps, eux.
Une dernière chose: ceci n'est pas une fiction.

P-S, un clou chasse l'autre, Jean Sarkozy est partout ou presque, aujoud'hui… On le retrouvera sur PMA, chez Ruminances, ou Gaël, et suivi à la trace dans cette perle: Privatisation et népotisme - France XXIe siècle