mercredi 4 février 2009

Droit d'auteur et politique

Hier, le tribunal d'Angers examinait l'appel de la condamnation à 30€ d'amende d'un militant de RESF pour offense au chef de l'État. Le parquet a requis une aggravation de l'amende, demandant que celle-ci soit portée à 1000 euros. Le jugement sera rendu le 24 Mars prochain…
Dans cette affaire qui relève de la justice seule, on peut cependant trouver matière à rêver sur l'outrage (ou l'offense) au chef de l'état.
Du point de vue de la lune, bien entendu.
Observons que l'on pensait ce délit tombé totalement en désuétude jusqu'à l'arrivée de M. Sarkozy à la présidence de la république. Ses prédécesseurs s'étaient en effet détournés de ce genre de poursuite, fortement connoté d'arbitraire impérial —je suis le maître, malheur à qui me manquerait de respect…
Il y a d'ailleurs dans les termes même de «chef de l'état» une antinomie avec celui de république, particulièrement la nôtre, supposée démocratique. Le seul chef de l'état de notre histoire contemporaine, le Maréchal Pétain, ayant été, en effet, frappé d'indignité nationale…
Vouloir remettre la peur du pouvoir au goût du jour est une faute politique, doublée d'un aveu de faiblesse.
M. Sarkozy et ceux qui souhaitent imposer le silence au mécontentement populaire, auraient pu parvenir à leur fin en faisant simplement preuve d'un peu d'humour et de sens civique. En lieu et place d'une manifestation d'orgueil ombrageux, s'offrait à eux l'occasion d'administrer aux Français une jolie leçon sur la propriété intellectuelle. Tant de gens se ruent de nos jours sur les facilités offertes par internet, pillant sans vergogne l'œuvre des créateurs, avec pour résultat de mettre en péril nos industries culturelles!
Mieux conseillé, M. Sarkozy aurait accusé le manifestant incriminé de plagiat et sa victoire, autant en première instance, qu'en appel, en cassation, ou devant la cour de justice européenne, était acquise. Tout le pays se serait levé comme un seul homme pour témoigner qu'il était bien l'immortel auteur du vers : « casse toi, pov'con».

PS. Circé publie un témoignage sur la difficulté croissante d'accès aux soins, dans notre pays. Homer cite une chronique savoureuse: Les Français sont joueurs, Balmeyer nous livre le dernier épisode de «La tête à l'envers», et Didier Goux nous parle au plafond de la lassitude du blogueur…

12 commentaires:

Homer a dit…

Eh oui, on ne peut plus dire ce qu'on veut en France. Le président n'est pas homme, mais il est dieu. Et agit comme tel. (Bonne idée de mettre des liens vers certains articles en fin de post !)

Le coucou a dit…

Homer, c'est un dieu irritable en plus, pas de veine.

Anonyme a dit…

Dieu tout puissant accorde ta miséricorde pov'con!

Le coucou a dit…

Macao, amen!

Didier Goux a dit…

Merci pour le lien, mais, pour le reste, vous vous (nous ?) trompez du tout au tout. Le président de la République a toujours été le chef de l'État (je veux dire : depuis qu'il y a une république). Ramener Pétain dans cette histoire me semble indigne (et, oui, je sais qu'il s'est proclamé "chef de l'État français !).

Je suis personnellement pour la restauration de l'injure faite au chef de l'État. Et vous avez tort de feindre de croire que Sarkozy y soit pour quoi que ce soit : le chef de l'État n'est pas Nicolas Sarkozy. Ni Jacques chirac avnt lui. Ni XY après lui. Il est LE chef de l'État. Ce qui dépasse (ou devrait dépasser) sa personne privée.

Faire injure au chef de l'État n'est pas insulter la personne humaine qui, provisoirement, endosse ce costume : c'est véritablement frapper à la tête d'une nation et de ceux qui la composent.

On peut bien entendu le faire. Mais, alors, il faut assumer les conséquences de ce ses paroles.

Cela étant, il va de soi (ou il devrait y aller...) que le chef de l'État, pour les mêmes raisons que je viens de dire, doit, lui aussi, faire la distinction entre sa personne privée et sa fonction.

Exemple (mais il entre bien sûr une part de jésuitisme là-dedans), lorsque, s'étant vu proposer la Légion d'honneur, Marcel Aymé s'est fendu d'"une lettre ouverte à Vincent Auriol (ou René Coty ? Trou de mémoire...) dans laquel il lui disait que, sa décoration, il pouvait se la foutre au cul, il a fortement été question de l'inculper pour injure au chef de l'État.

Dans le même temps, tout le monde s'est bien rendu compte du ridicule auquel on s'exposait. Mais, en même temps, on ne pouvait laisser insulter la FONCTION. Que faire...

Un "jésuite" a trouvé la solution : Marcel Aymé ayant adressé sa lettre à "M. Vincent Auriol" (ou René Coty...), il s'était adressé à une personne privée et non au président de la République.

Et c'est ainsi que Marcel Aymé ne fut pas poursuivi...

Serge a dit…

Ce que Didier Goux dit est parfaitement compréhensible.
La fonction devrait être sacralisée.
Bon, Coucou, lorsque le jugement sera rendu, il ne reste plus qu'à créer un groupe sur facebook, au cas ou ce serait 1000 euros, et demander que soit envoyé au condamné , mille chèques de un euro...symbolique !

Le coucou a dit…

Didier, votre commentaire va dans le sens de la conversation que je viens d'avoir avec mon épouse, pendant le dîner… Elle aussi, conteste mon point de vue sur le "chef de l'état". A vrai dire, je dois reconnaître que l'expression est plus que largement usitée, et que "le président de la république étant chef des armées", on ne voit pas pourquoi il ne serait pas chef de l'état. Toutefois, (voir le blog que je lie aussi) cela ne figure pas dans constitution.
Je comprends votre point de vue sur la dignité de la nation à préserver à travers son président. Je l'ai partagé un temps, mais je n'y reviendrai que le jour ou la souveraineté du peuple, supérieure, sera traitée avec le respect qu'elle mérite par nos gouvernants (le jour où nous serons une démocratie).
Je pense qu'un président qui veut imposer un respect immérité par la force est une invitation permanente à l'injure et à la rébellion.
Je ne connaissais pas l'anecdote avec Marcel Aymé —une lacune —, je comprends encore mieux pourquoi j'aime certains de ses écrits… Merci !

Walk, fonction sacralisée? Pour moi, surtout pas. Je suis pour la démocratie : je considère le président comme le chef de mon personnel politique, rien de moins, rien de plus.

Unknown a dit…

Je vais repasser , pas trop de temps pour donner mon opinion ( je pars travailler ) C'est un sujet riche de point de vue ;o)
Douce journée ...

Le coucou a dit…

À bientôt alors, Marie;

Didier Goux a dit…

Enfin, voyons, elle s'est exprimée clairement, la souveraineté du peuple : elle a élu Nicolas Sarkozy avec 53 % des voix, que cela vous convienne ou pas. Est-ce à dire qu'il en devient intouchable ? Évidemment, non.

Didier Goux a dit…

Avec l'humour froid qui le caractérisait, Stendhal prétendait que le meilleur régime politique c'était la monarchie absolue tempérée par l'assassinat...

Le coucou a dit…

Didier, oui, il a été largement élu. Néanmoins, il se gardera bien de vérifier sa légitimité actuelle comme un de Gaulle (ll) l'aurait peut-être fait dans un tel contexte…
Je connaissais le mot de Stendhal… Très bon en effet!