lundi 9 février 2009

Non lectures…

Je n'ai pas envie de lire «Media-Paranoïa», l'essai du patron de Libération, Laurent Joffrin. Ni de donner envie de le lire. Un comble: parler d'un livre que l'on ne connaît pas, et que l'on ne désire pas connaître!
Durant des années, j'ai lu les articles, les éditos de M. Joffrin dans le Nouvel Obs, avec intérêt. J'ai très peu apprécié en revanche ses papiers anti-Ségolène Royal depuis qu'il dirige Libé, mais ce n'est pas la raison de mon retrait vis à vis de son bouquin. C'est son propos,de dénoncer les préjugés des Français envers les médias qui me défrise. Non pas qu'il me semble avoir tort à priori en dénonçant certaines idées fausses, comme la croyance que les journaux seraient manipulés ou manqueraient de liberté. Pour le moment, ce n'est pas encore le cas, quoique sous le règne de M. Sarkozy, on prenne petit à petit ce chemin.
Mon indifférence tient à ce que je n'attends guère de lui qu'il propose des remèdes efficaces contre deux fléaux associés : la complicité de fait entre journalistes et pouvoir, et l'incroyable déférence qu'ils montrent envers ce dernier. Ils ne deviennent vraiment incisifs et dérangeants pour une personnalité politique que lorsqu'elle est affaiblie. Quand les patrons de presse s'engageront-ils à ne plus autoriser leurs journalistes à voyager dans l'avion présidentiel, mêlés à la cour? Ne peuvent-ils payer leurs billets, affréter au besoin collectivement leur propre appareil?
Ce n'est nullement anodin, tout comme bien d'autres pratiques du même genre, dont les répétitions ne peuvent qu'engendrer de la complaisance à l'égard du pouvoir. Comment pourraient-ils garder la distance requise, poser au président la question qui embarrasse, après avoir forcément tissé des liens d'estime avec lui?
Un de mes premiers étonnements sur ces mœurs de cour —source d'une méfiance croissante avec le temps—, remonte à de nombreuses années… Précisément à l'époque d'une tentative d'assassinat d'Hassan II, alors roi du Maroc, lorsque des putschistes armés avaient fait irruption au milieu d'un repas officiel, tiraillant au milieu des invités… Par une interview à la radio, j'appris stupéfait que Jean Daniel, du Nouvel-Obs, était parmi les convives. Que fichait-il à la table du despote, au lieu d'être parqué dans une salle de presse, ou de suivre les agapes de loin?
Étonnons-nous ensuite que les animateurs de l'émission «Face à la crise» se soient montrés aussi médiocres pour donner la réplique au président!

Je n'ai pas envie non plus de lire le bouquin de P. Péan sur B. Kouchner. Il tombe trop bien pour flétrir la fin de parcours peu reluisante d'un bonhomme, par ailleurs estimable. Il est facile de se tromper, évidemment, mais j'y vois une démarche de prédateur littéraire, ayant repéré, au moment où M. Kouchner trahit le PS, une proie idéale pour pondre un best-seller. Pas plus reluisant que le pamphlet d'Eric Besson contre Ségolène Royal. Ce qui n'ôte rien à l'immoralité qu'il y a pour un homme politique de mélanger ses attributions passées ou présentes et les affaires. Ce sur quoi aurait pu nous éclairer de façon moins gênante une presse aussi impertinente qu'indépendante.

PS. Lundi, c'est le jour de lire «Femmes engagées»

17 commentaires:

Didier Goux a dit…

Si on m'avait dit qu'un jour je me trouverais à défendre Jean Daniel ! Ou les journalistes en général...

Enfin, comment voulez-vous obtenir de vraies informations, en restant parqué dans une salle de presse, ou en n'approchant jamais un homme politique à moins de cent mètres ?

Après, copinage ou non, c'est une affaire de conscience, professionnelle ou non.

Le coucou a dit…

Didier, j'étais presque sûr, si d'aventure vous lisiez ce billet, que vous diriez ça. Évidemment, en racontant cette anecdote, je voyais bien l'écueil. Et pourtant! Ce n'est pas en étant commensal d'un despote (surtout si cela se répète), que l'on peut rester durablement sincère.

mtislav a dit…

Je l'ai entendu sur Culture la semaine dernière (Jean Daniel), je trouvais ses éditos à mourir d'ennui dans l'Obs mais là, il m'a scotché au poste. Son histoire d'amour (littéralement !) avec Camus, à entendre.

J'aime bien le titre qui fait écho au fameux "non-fiction". Les journalistes sont payés pour raconter ce qu'ils ignorent (ce que disait Jean Daniel...). Alors autant bien manger et encaisser les pots-de-vin. C'est ce qu'ils font depuis la Révolution.

Le coucou a dit…

mtislav: amusant, je l'ai écouté également la semaine dernière, Jean Daniel, à deux reprises… Pour ses éditos, il y a eu tout de même quelques réussites!

Anonyme a dit…

Coucou, tu vois maintenant pourquoi les mauvaises langues l'appellent "le violon sur le moi"...

Anonyme a dit…

Le coucou... coucou ! :-)
Très rapidement avant de partir... chez Tulipe, si vous cliquez sur l'image, elle s'agrandit et sur la barre, au dessus de la photo s'affiche le nom du village... allez voir et comme ça la prochaine fois vous pourrez répondre aux devinettes... :-D
Je pars quelques jours... à bientôt...

Anonyme a dit…

On lira avec délices par contre "Histoire des haines d'écrivains" de Anne Boquel.Délicieux.

Anonyme a dit…

Monsieur Coucou des Claviers,
BiBi se demande si le surnom donné à Martin Hirsch est justifié... Peut-etre allez vous l'aider vous qui etes un Specialiste du Coucou ?
Voilà la brève que vous pouvez retrouver sur son site :

"«Coucou», c’est le surnom donné par ses camarades de classe à Martin Hirsch. BiBi se perd en conjectures. Est-ce parce que Martin est «l’exemple-type du parasite, du père indigne, de l’animal cruel» ? Parce qu’il a «un corps roux barré de brun noir»? Parce qu’il a «une silhouette fine prolongée d’une longue queue étroite ?» (Source : http://lpomoselle.oiseaux.net) Si quelqu’un a la vérité vraie, qu’il fasse un petit coucou à BiBi".

Dites aussi à BiBi si vous allez lire le livre de Segolène Royal... Et donnez à BiBi des Nouvelles de Julien Dray et des Left-Blaggeurs qui la soutiennent. Merci.

Le coucou a dit…

le-gout-des-autres, Giono ne méritait pas ça !
Il y avait aussi déjà : «un tiers monde, deux tiers mondain»…

Bérénice, merci du tuyau, en fait sur mon navigateur c'était tout simplement le titre de l'onglet! Bonnes vacances.

Romain, bonne suggestion! Il y avait une excellente critique de Jérome Garcin dans l'Obs.

Cher TiTi drolatique, bonjour. Pardon d'écorcher votre pseudo, juste une fois, mais votre gouaille un peu gratuite me fait souvent penser au
Titi de Paris … Pour Martin Hirsch, je n'ai aucune idée de l'origine de son surnom, il faudra vous débrouiller sans moi. Peut-être avait-il, enfant, des problèmes digestifs?
Saviez-vous que les petits du coucou seraient incapables d'assimiler l'ordinaire de leurs parents, constitué principalement de chenilles velues redoutables pour le gosier des jeunes? D'où cette idée géniale du Très-haut de l'inciter à trouver pour ses futurs oisillons une crèche susceptible de leur fournir une nourriture plus délicate.
Pour ma part, j'ai choisi ce pseudo parce que mon blog est né par un printemps précoce. Saviez-vous aussi que le coucou annonce le printemps?
Et puis, j'avoue m'être amusé à l'idée qu'un blogueur va pondre ses commentaires dans le blog des autres, pour mieux voler… Comme vous l'avez fait dans mon nid —je n'y trouve rien à redire.
Quant au livre de Ségolène Royal, ma foi, toute la sympathie que j'éprouve pour elle ne m'empêchera pas de passer à côté. Mes goûts de lecture ne me portent pas vers ce genre d'ouvrage.
Enfin, je n'ai pas de nouvelles de Julien Dray, mais un bon Lift-Blagueur ne devrait pas être en peine d'en dénicher ailleurs, non?

Serge a dit…

Au sujet de animateurs, c'est leur excès de timidité, fortement ressentie, qui engendra leur médiocrité.

Le coucou a dit…

le scorpion, je ne crois pas qu'on puisse parler de timidité chez des journaliste de télé. Paralysés par la peur de déplaire, oui.

Anonyme a dit…

Et est-ce que tu conseilles de non acheter Libération?

Le coucou a dit…

Eric, je n'irais pas jusque là. Il n'y a pas que Joffrin, dans Libé!

Le_M_Poireau a dit…

Il y a une sacrée différence entre cotoyer des "puissants" pour obtenir des informations et festoyer avec eux quand même.
Il se dit qu'aux Etats-Unis, un journaliste qui mangerait ne serait-ce qu'une fois avec un élu perdrait automatiquement sa carte de presse. A ce rythme en France, ça créerait un sacré renouveau parmi l'élite de la presse hexagonale !!!
:-))

[Et puis quoi, c'est honteux de rester manger avec les petites gens pour entendre d'autres infos ? Comme si les pauvres avaient moins d'infos que les autres !!!].

Le coucou a dit…

Poireau, merci de ce parallèle avec les Etats-Unis. C'est également ce que je pensais à ce sujet, mais je n'ai pas trouvé de référence probante pour l'affirmer.
Je trouve aussi qu'un journalisme visant à l'objectivité des faits peut se passer d'un commerce forcément biaisé avec les gens de pouvoir.

Anonyme a dit…

Laurent Joffrin est pro-Delanoe, son livre entretien avec le maire de Paris était destiné à la campagne de Delanoe. Un livre toutefois utile et agréable à lire.
Je ne connais pas son dernier livre mais je le lirai volontiers. Laurent Joffrin prend parti, s'engage, dit ce qu'il pense. Et même en étant pas d'accord avec lui, c'est toujours interessant

Le coucou a dit…

Poujal, c'est un avis tout à fait respectable, rien à critiquer dans ce commentaire.