Ces jours-ci, des fils de pub ont censuré, comme on sait, des affiches de l'exposition Jacques Tati et du film Coco avant Chanel —du moins dans le métro. Vraisemblablement par crainte de poursuites émanant d'intégristes du vivre sain et penser sain pour vivre vieux, au nom de la loi Evin interdisant la publicité du tabac et de l'alcool. M. Evin lui-même, qui est loin d'être stupide, se retourne dans sa retraite de Loire-Atlantique et juge ce zèle «ridicule». De fait, on a ainsi grimpé un pic de plus de la chaîne du conformisme castrateur. Le Monde nous rappelle qu'il y avait eu déjà les précédents de La Poste, dénaturant une photo d'André Malraux par Gisèle Freund, sur un timbre, et de la Bibliothèque nationale ôtant un mégot des doigts de Jean-Paul Sartre sur une affiche.
Je ne me suis plus intéressé aux livres pour la jeunesse depuis un certain temps… J'imagine qu'il doit être devenu difficile d'y camper un personnage de fumeur, et plus impensable encore de le représenter en illustration —mais je peux me tromper, on trouve toujours des créateurs indociles et des éditeurs anticonformistes.
Pourtant, du train insidieux où l'intolérance gagne la société, la volonté d'édulcorer toute image, tout vocabulaire témoignant plus ou moins du mal de vivre —ou d'une autre façon d'aimer la vie—, imposera sa lecture des lois un jour prochain.
Les écrivains, à commencer par les auteurs de polars, n'oseront plus faire griller une sèche ou verser autre chose qu'un jus d'orange dans leurs pages. Le cinéma sera salubre, violent peut-être, mais en tout cas expurgé d'agents contraires à une vie durable.
Je ne me suis plus intéressé aux livres pour la jeunesse depuis un certain temps… J'imagine qu'il doit être devenu difficile d'y camper un personnage de fumeur, et plus impensable encore de le représenter en illustration —mais je peux me tromper, on trouve toujours des créateurs indociles et des éditeurs anticonformistes.
Pourtant, du train insidieux où l'intolérance gagne la société, la volonté d'édulcorer toute image, tout vocabulaire témoignant plus ou moins du mal de vivre —ou d'une autre façon d'aimer la vie—, imposera sa lecture des lois un jour prochain.
Les écrivains, à commencer par les auteurs de polars, n'oseront plus faire griller une sèche ou verser autre chose qu'un jus d'orange dans leurs pages. Le cinéma sera salubre, violent peut-être, mais en tout cas expurgé d'agents contraires à une vie durable.
Photo: Blaise Cendrars, poète, écrivain (1887-1961)
in: «La banlieue de Paris» avec des photographies de Robert Doisneau
15 commentaires:
La bonne santé obligatoire, c'est tellement ridicule que ça devient drôle. Mais je ne m'inquiète pas pour les auteurs, jeunesse ou pas. Par ex, les polars de robert parker regorgent de recettes de cuisine, ça change!
Merci pour le lien, je suis fan de Blaise Cendrars aussi...
Du jus d'orange à taux de vitamine C garanti par le fabricant, sinon, c'est procès et plus vite que ça !
Je suis aussi effrayé par le monde actuel : à la télé, il n'y a plus une seule publicité pour un aliment qui n'en vante les qualités médicales !
Bordel, et le goût ? Le plaisir ? Et même, pourquoi pas, la culpabilité calorique ?
:-))
Je me demande ce que deviendra mon poète si on lui enlève sa pipe !!! :-(
Martine,
Attention: le ridicule tue, donc c'est mauvais pour la sécu (sauf si c'est foudroyant), et l'on pourrait vous reprocher ces propos un jour!
Rimbus,
Je me suis éloigné de Cendrars avec l'âge, mais dans ma jeunesse, je connaissais presque par cœur "Les Pâques à New-York" , la "Prose du transsibérien", etc.
Poireau,
Passe pour le goût, encore (provisoirement), mais le plaisir, il n'userait pas prématurément, des fois? Je me demande si c'est bien convenable de l'évoquer!
Bérénice,
Ah, oui ! Si j'en crois la photo publié sur votre blog, il doit tenir à sa pipe, et à ce qu'on lui fiche la paix!
C'est ce que je ne cesse de hurler: acceptons notre condition de mortel et jouissons-en - avec cigarettes, alcool, poésie et tout le reste.Pour ceux qui le veulent. Vous l'aurez remarqué: rien de tout celà n'appartient au règne animal. Laissez à l'homme ce qui est à l'homme!
C'est une société qui s'aseptise. C'est la tendance du moment. Propre et policé dans la forme, crasseux et poisseux dans le fond.
L'état "libéral" régule (et légifère) de plus en plus : Militaires dans les gares, Caméras urbaines, lois hygiéniques, etc...
L'atmosphère en devient irrespirable, fétide.
1984 c'est déjà hier !
Une société complètement aseptiser qu'ils nous pondent!
pardon "aseptisée"
Hermes,
il n'y a que l'homme pour avoir inventé les plaisirs «coupables», et pour regretter en même temps que vivre, à la longue, nuise à la santé…
Vogelsong
Tout à fait d'accord, et en même temps, si le pouvoir avait les moyens de pousser la logique jusqu'au bout, en embauchant 50% des Français pour surveiller l'autre moitié de la population, le chômage serait vaincu…
b.mode
… et «le Meilleur des mondes», c'est aujourd'hui.
Macao,
voilà: l'idéal d'une société où la douleur d'autrui se cacherait, inodore et sans saveur au bout du compte.
C'est plus que stupide (je me demande quel est l'andouille qui le premier a parlé de "droit à la santé" au lieu de droit aux soins...) c'est dangereux.
Rappelez moi quel régime a, le premier, promulgué des lois pour protéger les animaux et fit si peu de cas de l'humanité...
Certes, ce n'est pas parce qu'Hitler a parfois dit "il fait" beau que le soleil est nazi, mais l'hygiénisme ambiant vous a un je ne sais quoi de totalitaire. La prochaine étape sera-t-elle la stérilisation des pauvres pour éradiquer la pauvreté ?
Ca s'est déjà vu...
Et si on s'occupait un peu moins de ma santé et un peu plus de mon bien-être ? Hmmm ?
le-gout-des-autres,
en poussant les choses au plus haut point du ridicule, en effet, on pourrait imaginer un système hygiénico-moral totalitaire. Il existe déjà une tendance visant à proscrire des mots justes devenus trop crus, on ne sait pourquoi : aveugle (mal-voyant), cul-de-jatte… Attendons les mal-vivants pour remplacer les morts…
Je le redis, Une bonne bombe là-dessus ! ;-)))
Mlle ciguë, une bombe de fumée? ;-))
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