Yann et Nicolas m'invitent chacun à sa manière à évoquer François Mitterrand —on va célébrer demain l'anniversaire de sa mort. Fort bien, mais il me faut commencer par un aveu : je ne me souviens plus de ce que j'ai réellement éprouvé à l'annonce de sa fin. Sans doute une certaine mélancolie, parce que son arrivée à la présidence de la République avait marqué ma vie, mais une mélancolie sans tristesse. Sa mort n'était du reste pas une surprise : il n'en finissait plus de mourir, on attendait cette annonce. Je ne me rappelle pas non plus avoir regardé particulièrement les images de ses obsèques à la télévision.
Par contre, je n'oublierai sans doute jamais ce soir du 10 mai 1981 où, à la maison, nous étions fascinés par l'écran, aussi remplis d'espoir que d'appréhension. Quand l'annonce de l'élection de François Mitterrand est tombée, nous exultions ; la tête déconfite de Jean-Pierre Elkabbach et de ses invités de droite décuplait notre bonheur. J'attendais ce moment depuis que j'avais obtenu le droit de vote à 21 ans, j'en avais 35. Dans les petits reportages télé de ce grand moment, on voyait des gens bien plus âgés pleurer de joie : pour eux l'attente avait été interminable !
Il y a néanmoins une image qui ne me quitte pas, de ce soir d'élection ou bien de la cérémonie plus tardive au Panthéon, je ne sais… Une foule se pressait au passage de François Mitterrand, un vieux bonhomme ému aux larmes lui tendait les bras… François Mitterrand lui serra la main, et comme les gens autour l'acclamaient, il eut un geste de modération, pinçant les lèvres. «Merde, être aussi constipé dans un moment pareil, ce n'est pas possible ! »
Ça l'était, ce héros du peuple de gauche avait la froideur et la distance d'un poisson. Je suppose que ce n'était pas totalement le cas pour ceux qui l'ont vraiment connu, mais je n'ai jamais senti de chaleur, autre que celle des mots, émaner de cet homme. Comme beaucoup, je l'ai admiré de nous avoir conduits, nous, citoyens de gauche, au pouvoir, et me suis senti plein de gratitude envers lui pour l'humanité qu'il ramenait dans la république avec l'abolition de la peine de mort, les lois sociales du premier gouvernement…
En écrivant ce billet, j'ai sous les yeux le numéro du Monde des dimanche 24 - lundi 25 mai 81… Un éditorialiste écrivait ceci : «Redécouvrir la notion de solidarité et élargir le champ du social, tel est le sens de la nouvelle dénomination «ministre d'État, ministre de la solidarité nationale»… On voit dans quels bas-fonds politiques nous avons dégringolé depuis avec le retour de la droite, jusqu'à son ministre de l'identité nationale !
L'époque de Mitterrand était une époque d'espérance. Ne serait-ce que pour cela, je préfère oublier les côtés tortueux du personnage, et associer François Mitterrand aux années heureuses.
Par contre, je n'oublierai sans doute jamais ce soir du 10 mai 1981 où, à la maison, nous étions fascinés par l'écran, aussi remplis d'espoir que d'appréhension. Quand l'annonce de l'élection de François Mitterrand est tombée, nous exultions ; la tête déconfite de Jean-Pierre Elkabbach et de ses invités de droite décuplait notre bonheur. J'attendais ce moment depuis que j'avais obtenu le droit de vote à 21 ans, j'en avais 35. Dans les petits reportages télé de ce grand moment, on voyait des gens bien plus âgés pleurer de joie : pour eux l'attente avait été interminable !
Il y a néanmoins une image qui ne me quitte pas, de ce soir d'élection ou bien de la cérémonie plus tardive au Panthéon, je ne sais… Une foule se pressait au passage de François Mitterrand, un vieux bonhomme ému aux larmes lui tendait les bras… François Mitterrand lui serra la main, et comme les gens autour l'acclamaient, il eut un geste de modération, pinçant les lèvres. «Merde, être aussi constipé dans un moment pareil, ce n'est pas possible ! »
Ça l'était, ce héros du peuple de gauche avait la froideur et la distance d'un poisson. Je suppose que ce n'était pas totalement le cas pour ceux qui l'ont vraiment connu, mais je n'ai jamais senti de chaleur, autre que celle des mots, émaner de cet homme. Comme beaucoup, je l'ai admiré de nous avoir conduits, nous, citoyens de gauche, au pouvoir, et me suis senti plein de gratitude envers lui pour l'humanité qu'il ramenait dans la république avec l'abolition de la peine de mort, les lois sociales du premier gouvernement…
En écrivant ce billet, j'ai sous les yeux le numéro du Monde des dimanche 24 - lundi 25 mai 81… Un éditorialiste écrivait ceci : «Redécouvrir la notion de solidarité et élargir le champ du social, tel est le sens de la nouvelle dénomination «ministre d'État, ministre de la solidarité nationale»… On voit dans quels bas-fonds politiques nous avons dégringolé depuis avec le retour de la droite, jusqu'à son ministre de l'identité nationale !
L'époque de Mitterrand était une époque d'espérance. Ne serait-ce que pour cela, je préfère oublier les côtés tortueux du personnage, et associer François Mitterrand aux années heureuses.
10 commentaires:
j'avais 11 ans et j'en garde le même souvenir, ma mère était aussi enthousiaste qu'un fan de foot devant l'écran télé :-)
Quel espoir démesuré son élection avait fait naître ... toute cette émotion est encore présente en moi qui étais assez jeune pour me réjouir et assez âgée pour être circonspecte...
pas confortable du tout, quand on a tellement attendu ce moment !
Ah oui, bel hommage tout de même, nous sommes d'accord sur le dernier paragraphe.
Tonton plissait souvent des yeux et j'eusse écrit "«Merde, être aussi chassieux dans un moment pareil, ce n'est pas possible ! »
Iboux,
11 ans… Mais ça ne m'étonne pas que tu en gardes le souvenir: dans les maisons de gauche, ce fut vraiment un jour extraordinaire. On commençait à craindre que la gauche ne puisse jamais revenir au pouvoir.
Solveig,
Mitterrand ne me plaisait qu'à moitié, mais il était porteur de quelque chose qui le dépassait.
Fidel,
on peut sans doute dire qu'il se glissait déjà dans sa fonction, mais je crois plutôt qu'il ne se sentait pas à l'aise du côté "populaire" de sa famille de gauche d'adoption.
J'avais douze ans, et sept ans après je "gagnais" pour la première et unique fois les élections présidentielles !
...Euh...non, pas vraiment unique fois. Quatorze ans après 88 "aussi" !
:)
tu as raison l'espérance est moins la
Moi, c'est la tête de JC Bourret que je revois (désolée, j'étais allergique à Elkabach, sauf que maintenant, je refuse d'appuyer sur TF1, n'importe qui ferait donc l'affaire !), je me suis dit qu'il allait se faire virer, à son sourire de circonstance ou réellement béat ??? Ensuite, c'était tout de suite descente dans les rues de Paris, c'était fantastique cet élan d'espoir qui régnait alors, même les étrangers (touristes américians, notamment) partageaient la liesse et en rêvait pour chez eux ! Un certain 7 janvier, j'ai quand même essuyé une larme, non pour l'homme froid et calculateur qui disparaissait, mais pour l'homme de culture et d'autorité intelligente, respectable comme chef d'Etat... J'avais adoré son "Mitterand fous le camp"... "rime pauvre" ! Mais, dans l'ère et la culture du temps, je pense que le "casse-toi..." restera plus dans les mémoires...
PS : je vois que Gildan est un optimiste né, bravo !!!
Gildan,
tiens, tu es quadra … petit à petit, sans aller à la Comète, le portrait se dessine :-)
J'espère que je serai encore de ce monde pour jubiler avec toi à la prochaine !
Romain,
il manque de l'espérance au-delà d'une élection parfaitement gagnable. Il manque un / une magicien(ne) pour donner un avenir à nos valeurs.
Colibri,
je me demande pourquoi tu n'as pas fait un billet sur lui (j'ai regardé chez toi)… J'aime beaucoup ton regard sur Mitterrand, je le partage.
Je ne me souviens pas de 1981, j'étai trop jeune. J'ai en mémoire par contre le jour de la défaite de la gauche en 1983, j'en garde la tristesse des espoirs déçus…
:-)
[Je conserve de Mitterrand le souvenir d'un homme terriblement cultivé et intelligent. Le niveau des politiciens d'aujourd'hui, y compris au PS, est en comparaison indignet ! :-) ].
M Poireau,
Oui la comparaison avec les politiciens actuels est affligeante pour eux. Mitterrand était un "honnête homme" au sens classique de l'expression…
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