mardi 26 avril 2011

À l'arraché


Comment voulez-vous pousser un billet sur le blog quand tout se ligue contre vous ? Allez, je m'y colle, me dis-je. Et j'essaie de me souvenir de ce que j'ai entendu d'important à la radio entre 5h30 du matin et 1h30 de l'après-midi, de loin en loin. Je crois me souvenir que Sarkozy serait devancé au premier tour de la présidentielle par Berlusconi d'après les sondages, mais je n'en suis pas certain. Ça me chiffonne, alors je ranime l'ordinateur et je parcours la presse en ligne…

Bon, j'étais dans l'erreur, mais les réalités du monde ne m'inspirent pas. D'ailleurs, on m'appelle au téléphone : c'est ma vieille tante qui m'annonce d'un ton angoissé qu'elle n'a plus de pain et qu'elle va devoir descendre en ville. Aussitôt, une sueur froide commence à couler dans mon dos, parce que cela signifie qu'elle compte prendre sa voiture. Elle est vraiment vieille, ma tante, incapable de faire trois pas sans canne, avec le ciboulot qui tourne à la purée. Je l'imagine déjà emboutissant une autre voiture ou fauchant dix piétons d'un coup…

Alors je la supplie de ne pas bouger de chez elle, je promets de lui trouver du pain, et même de rappliquer avec le mien s'il le faut : elle l'aura d'ici une heure ou deux. Elle se calme, on se quitte, mais je décroche aussi sec le téléphone en quête de quelqu'un, là-bas au diable, qui pourrait lui apporter son pain. Je finis par trouver, fin d'alerte.

Retour à l'ordinateur, de quoi parler, bordel ! La dernière usine de fabrication de machines à écrire vient de fermer, en Inde. Tiens, voilà un sujet qui m'intéresserait presque : je revois ma première machine, une Hermes Baby achetée en 1967, qui faisait ma fierté… Et plus tard, les Valentine sur lesquelles nous travaillions, ma femme et moi.

Nous avions chacun la nôtre, d'un rouge éclatant avec des boutons de rubans jaunes. Côté discrétion, il y avait mieux, mais nous étions jeunes… Heureuse époque où l'on pouvait imaginer de traverser une vie d'écriture avec une seule machine ! Elles étaient increvables nos Valentine ; d'ailleurs, je les ai encore dans un coin du garage. Je me voyais déjà faire une comparaison éloquente avec les six ordinateurs que j'ai déjà possédés en quelques années, et creuser la question, quand le téléphone a sonné.

Ma tante a une jambe enflée, elle n'arrive pas à joindre son médecin, elle veut que j'appelle les pompiers de son patelin. Je lui dit qu'il y a l'infirmière qui va certainement passer bientôt. «Ah ? —Tu sais bien, voyons : elle vient deux fois par jour, tu as dû la voir déjà ce matin. —Ah, je ne sais plus ! Si tu crois que je n'ai que ça à penser !» Je l'apaise, elle va patienter, c'est promis, et je reviens à mon foutu billet.

Qu'est-ce que je fais : je le commence ou je laisse tomber pour aujourd'hui ? Le téléphone sonne : ma tante est trop inquiète, elle va descendre chez les pompiers à pied, pour qu'ils voient sa jambe. On parlemente difficilement, mais elle veut bien que j'essaie de joindre l'infirmière avant de sortir. C'est fait, mais comment dire ? C'était mieux, la vie, au temps des Valentine.

P-S: Yann donne un coup de pouce…

10 commentaires:

Gildan a dit…

Quelle journée !!!
Et oui, mon bon monsieur ! Tout fout le camp !
Aujourd'hui les usines de machine à écrire, il y a quelques mois les usines de Walkman !
:)

Anonyme a dit…

Et avec le pain livré par l'infirmière, elle aurait pu s'en faire une béquille afin d'aller voir les pompiers à la boulangerie ? Pour leur livrer la machine à écrire, non ?

Homer a dit…

Sacré tata...
Au final, pas de billet aujourd'hui...

Le coucou a dit…

Gildan,
je me souviens de ton billet sur les walkmans… Dans ce domaine, par contre, je trouve que l'iPod a marqué un vrai progrès. En tout cas, le mien qui se fait déjà vieux est un compagnon apprécié.

Mike,
oui, c'est un peu comme ça que je résumerais la journée d'hier. Heureusement, nul doute que ce sera encore plus marrant aujourd'hui. :-)

Homer,
ben, si un billet est constitué de signes alignés qui remplissent plus ou moins un espace, il y a bien eu un billet :-D

Nicolas Jégou a dit…

C'est amusant, j'avais une tante (une grand-tante) qui s'appelait Valentine.

Le coucou a dit…

Nicolas,
en tout cas, ça ne nous rajeunit pas !

solveig a dit…

ça fait peur ... je crains d'être sous peu la grand-tante privée de pain et claudicante, on est si peu de chose mon bon monsieur.
Et quand on disait :" j'te fiche mon billet... "
personne ne le trouvait trop court ou pas assez documenté...

Omnibus a dit…

Ma première machine à écrire était une Olivetti. L'ennui, avec les Valentine, c'est qu'elles avaient de tout petits tétons qu'il fallait tâter à tâtons.

iboux a dit…

mon souvenir le plus horrible avec ma machine à écrire de ma " jeunesse" c'est le jour où elle s'est fracassée en tombant par terre du haut du bureau...elle n'a pas souffert, ça été rapide on dit les spécialistes.

Le coucou a dit…

Solveig,
en effet, ça fait peur, ça fait mal, et on se demande comment échapper au cauchemar, ce qui est mal aussi.

Omnibus,
j'ai failli passer à côté des tétons de Valentine, puis la lumière fut ;-)

Isaboux,
la pauvrette, ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont d'abord, les ordis restent.

Je file avant que l'orage grille mon ordinateur, justement !