Dimanche dernier, le bon Saint Henri avait mis à profit le repos dominical pour mettre sens dessus-dessous le petit appartement qu'il occupe à la cour. Le dimanche, il faut le dire, est un jour tranquille au palais, car Nicolas le Bien Aimé tient à ce qu'on le laisse en paix. Or donc, son fidèle conseiller vidait ses placards, secouait les livres de sa bibliothèque, fouinait en somme de tous côtés, aidé de Blandine, sa sous-conseillère favorite. À un moment, le bon Saint Henri avisa celle-ci en train de chercher sous le lit à quatre pattes. Il secoua la tête avec un sourire indulgent, car elle était rondement ensellée, la bride parme d'un string rehaussant discrètement la perfection des fesses.
«Ça m'étonnerait que tu trouves quoi que ce soit par là! Je suis bordélique, mais quand même…
— Et ça, c'est quoi?» dit-elle en brandissant triomphalement une chaussette rouge pleine de moutons.
« C'est une relique… Elle fait partie d'une paire qui m'a été offerte par Balladur à mon dernier voyage en France.
— Leur ancien premier sapir?
— Oui… Elle me manquait, merci de l'avoir retrouvée, ma chatte, mais je te rappelle qu'on cherche mon ancienne collection de timbres.
— On a fouillé partout, tu ne l'aurais pas fichue à la poubelle?
— Jamais de la vie, je la tenais de mon grand-père! Au début, comme tous les mômes, je m'occupais de ça avec passion. La fièvre du collectionneur m'a tenu au moins deux trimestres, avant que j'oublie les albums… Une fois adulte, j'ai mis les timbres en vrac dans une enveloppe. Ils doivent y être encore…
— Mais pourquoi veux-tu absolument les retrouver aujourd'hui, mon Riton? C'est dimanche, on bosse pas, on pourrait faire un grand gros câlin, il me semble. Profitons-en, tant que l'Empereur n'a pas encore fait voter la loi sur le travail du dimanche!
— Un peu de jugeote, Blandine, ma douce! Les lois, sont là pour faire le bonheur du peuple, pas de ses dirigeants: nous ne travaillerons pas davantage dimanche prochain qu'aujourd'hui. Et tu sais pourquoi?
— Parce qu'il y a karaoké chez Nicolas 1er…
— Non: le karaoké, c'est terminé, et j'en suis soulagé: il m'a obligé deux fois à chanter devant toute la clique: Sa Grâcieuse Lala, les enfants, la famille, ce faux cul de Cloclo le Béant, tout le monde quoi! Ils étaient pliés de rire, et moi je crevais de rage… Le radio-crochet n'est plus de mode, le nouveau dada du Bien Aimé, c'est la collection de timbres. Lala lui a appris que la philatélie est le passe-temps des rois. Tu sais comme sa bonne éducation impressionne son parvenu de mari… Du coup, l'Empereur s'est souvenu qu'il avait lui aussi une collection, quelque part… Il devait avoir ses timbres à la banque…
— À la banque! Tu serais pas un peu timbré?
— Pas du tout, c'est un très bon placement, une belle collection. Il y a un ou deux ans, un timbre hongrois de 1867 a été vendu aux enchères 90000 livres sterling…
— Merde alors! Fais un effort, Riton, essaie de te souvenir où tu as fichu les tiens.
— T'emballe pas, ma chatte, ma collection peut avoir une certaine valeur, mais pas de quoi flanquer notre démission au tyran et filer aux bahamas.
— Alors, c'est bien ce que je disais: on se met au lit, on fait câlin.
— Je suis invité à prendre le thé avec Leurs Majestés, à cinq heures… Tel que je connais mon bonhomme, il sera installé dans un coin du salon à examiner ses timbres à la loupe. C'est qu'il s'instruit, tu sais!
— Si je comprends bien, tu as l'intention de lui offrir tes timbres pour te faire bien voir… Lèche-cul, va!
—Eh, oh! Pas tous mes timbres! Tu me prends pour un crétin? Un ou deux, seulement. Ça me laissera des biscuits pour la route: un règne c'est long, et avec notre Bien Aimé, les années comptent double! »
Tout en parlant, le bon Saint Henri s'était remis à vider sa bibliothèque… Deux enveloppes brunes coincées entre des livres d'art apparurent brusquement.
« Ouf, les voilà! Je savais bien que je les avais conservés.»
Déversant un flot de vignettes multicolores sur le lit, il les éparpilla d'un index agile, et sélectionna deux timbres sans oblitération, apparemment intacts…
«Voilà, je vais lui offrir ceux-là, des timbres du Biafra tout neufs… hi, hi!
— C'est où ce pays? Jamais entendu parler!
— Une province du Nigéria qui avait fait sécession dans les années soixante… Le pays n'a existé que trois ans, je crois…
— Mais alors, ils sont très rares tes timbres! Tu vas lui faire un super cadeau, au Nicolas!
— Eh, eh! Ils ne valent pas un clou! Sur internet, tu en trouveras sans doute pour 2 ou 3 Neuros… Tu sais, la philatélie, c'est un hobby étrange: elle s'intéresse beaucoup aux erreurs d'imprimerie, mais jamais aux erreurs de l'histoire. Un pays qui a disparu, avec son administration et ses timbres, tout le monde s'en fout.
—Si ça ne vaut rien, tu vas le vexer!
— Je lui présenterai ça comme une modeste perle historique héritée de ma famille. Il sera flatté du geste, et très heureux de pouvoir mépriser secrètement la médiocrité du don. Bon, il est presque l'heure du thé impérial, il faut que je m'habille…»
Mes remerciements à Monsieur Poireau qui m'a offert le sujet de ce billet!
P-S. Abadinte aime autant Carrefour que moi, il s'émeut aujourd'hui de la santé des petits actionnaires de l'enseigne… À lire sur le blog de Rimbus, sa «Lettre à Frédéric Mitterrand»
«Ça m'étonnerait que tu trouves quoi que ce soit par là! Je suis bordélique, mais quand même…
— Et ça, c'est quoi?» dit-elle en brandissant triomphalement une chaussette rouge pleine de moutons.
« C'est une relique… Elle fait partie d'une paire qui m'a été offerte par Balladur à mon dernier voyage en France.
— Leur ancien premier sapir?
— Oui… Elle me manquait, merci de l'avoir retrouvée, ma chatte, mais je te rappelle qu'on cherche mon ancienne collection de timbres.
— On a fouillé partout, tu ne l'aurais pas fichue à la poubelle?
— Jamais de la vie, je la tenais de mon grand-père! Au début, comme tous les mômes, je m'occupais de ça avec passion. La fièvre du collectionneur m'a tenu au moins deux trimestres, avant que j'oublie les albums… Une fois adulte, j'ai mis les timbres en vrac dans une enveloppe. Ils doivent y être encore…
— Mais pourquoi veux-tu absolument les retrouver aujourd'hui, mon Riton? C'est dimanche, on bosse pas, on pourrait faire un grand gros câlin, il me semble. Profitons-en, tant que l'Empereur n'a pas encore fait voter la loi sur le travail du dimanche!
— Un peu de jugeote, Blandine, ma douce! Les lois, sont là pour faire le bonheur du peuple, pas de ses dirigeants: nous ne travaillerons pas davantage dimanche prochain qu'aujourd'hui. Et tu sais pourquoi?
— Parce qu'il y a karaoké chez Nicolas 1er…
— Non: le karaoké, c'est terminé, et j'en suis soulagé: il m'a obligé deux fois à chanter devant toute la clique: Sa Grâcieuse Lala, les enfants, la famille, ce faux cul de Cloclo le Béant, tout le monde quoi! Ils étaient pliés de rire, et moi je crevais de rage… Le radio-crochet n'est plus de mode, le nouveau dada du Bien Aimé, c'est la collection de timbres. Lala lui a appris que la philatélie est le passe-temps des rois. Tu sais comme sa bonne éducation impressionne son parvenu de mari… Du coup, l'Empereur s'est souvenu qu'il avait lui aussi une collection, quelque part… Il devait avoir ses timbres à la banque…
— À la banque! Tu serais pas un peu timbré?
— Pas du tout, c'est un très bon placement, une belle collection. Il y a un ou deux ans, un timbre hongrois de 1867 a été vendu aux enchères 90000 livres sterling…
— Merde alors! Fais un effort, Riton, essaie de te souvenir où tu as fichu les tiens.
— T'emballe pas, ma chatte, ma collection peut avoir une certaine valeur, mais pas de quoi flanquer notre démission au tyran et filer aux bahamas.
— Alors, c'est bien ce que je disais: on se met au lit, on fait câlin.
— Je suis invité à prendre le thé avec Leurs Majestés, à cinq heures… Tel que je connais mon bonhomme, il sera installé dans un coin du salon à examiner ses timbres à la loupe. C'est qu'il s'instruit, tu sais!
— Si je comprends bien, tu as l'intention de lui offrir tes timbres pour te faire bien voir… Lèche-cul, va!
—Eh, oh! Pas tous mes timbres! Tu me prends pour un crétin? Un ou deux, seulement. Ça me laissera des biscuits pour la route: un règne c'est long, et avec notre Bien Aimé, les années comptent double! »
Tout en parlant, le bon Saint Henri s'était remis à vider sa bibliothèque… Deux enveloppes brunes coincées entre des livres d'art apparurent brusquement.
« Ouf, les voilà! Je savais bien que je les avais conservés.»
Déversant un flot de vignettes multicolores sur le lit, il les éparpilla d'un index agile, et sélectionna deux timbres sans oblitération, apparemment intacts…
«Voilà, je vais lui offrir ceux-là, des timbres du Biafra tout neufs… hi, hi!
— C'est où ce pays? Jamais entendu parler!
— Une province du Nigéria qui avait fait sécession dans les années soixante… Le pays n'a existé que trois ans, je crois…
— Mais alors, ils sont très rares tes timbres! Tu vas lui faire un super cadeau, au Nicolas!
— Eh, eh! Ils ne valent pas un clou! Sur internet, tu en trouveras sans doute pour 2 ou 3 Neuros… Tu sais, la philatélie, c'est un hobby étrange: elle s'intéresse beaucoup aux erreurs d'imprimerie, mais jamais aux erreurs de l'histoire. Un pays qui a disparu, avec son administration et ses timbres, tout le monde s'en fout.
—Si ça ne vaut rien, tu vas le vexer!
— Je lui présenterai ça comme une modeste perle historique héritée de ma famille. Il sera flatté du geste, et très heureux de pouvoir mépriser secrètement la médiocrité du don. Bon, il est presque l'heure du thé impérial, il faut que je m'habille…»
Mes remerciements à Monsieur Poireau qui m'a offert le sujet de ce billet!
P-S. Abadinte aime autant Carrefour que moi, il s'émeut aujourd'hui de la santé des petits actionnaires de l'enseigne… À lire sur le blog de Rimbus, sa «Lettre à Frédéric Mitterrand»
6 commentaires:
Quelle classe!Comme je le dis souvent c'est d'une saveur exquise de te lire et là t'as pas écris sur un timbre!
Magnifique !
On rit avec Nicolas Ier alors que le vrai, le Sarkozy de l'Elysée s'est vraiment lancé dans la philatélie ! Cette info était forcément pour toi : la réalité dépasse ta fiction, bien que tu sois beaucoup plus drôle !!!
:-)))
[Il y a vraiment eu des timbres du Biafra ? Tu crois que Kouchner en a gardé ? :-)) ].
Je ne savais pas notre Empereur aussi timbré!
Macao, j'aime bien ton humour: je n'ai pas écrit sur un timbre :-)) Il aurait mieux valu que ce soit le cas! Je ne suis pas content du résultat.
M. Poireau, merci, mais comme je viens de le dire, ce n'était pas mon jour… J'ai du mal à imaginer N. Sarkozy en collectionneur, ça ne colle pas!
(il y a eu des timbres du Biafra, oui. Ils ne vallent pas grand chose.)
Hermes, moi non plus, c'est Poireau qui m'a tout raconté…
Ouf, j'ai eu peur ! J'ai cru que nico 1er avait fait imprimer des timbres à son effigie ! Manquerait plus que ça ...
Hypos, ça doit le tenter, je parie!
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