On sait à présent que la consultation populaire sur le destin de la Poste a connu un large succès. 2.123.717 personnes ayant fait l'effort de participer à ce référendum, c'est énorme. Aucune manifestation, aucune pétition n'a réussi un tel carton en France depuis bien longtemps —si toutefois un tel précédent s'est produit sous la Ve République… Alors, lorsque j'entends des voix, ou que je lis des articles enclins à minimiser l'intérêt de cette opération, je grince des dents. La droite n'a pas de mots assez méprisants pour lui dénier toute valeur, mais elle est dans son rôle.
«vaste manipulation organisée par des associations ou partis de gauche qui veulent faire croire à un projet de privatisation de La Poste» ; «On voudrait à partir de cette question truquée faire un referendum ! De qui se moque-t-on ?» Les mots peut-être les plus durs (je veux dire moulés dans le bronze du dédain) se sont échappés de la bouche de M. Lefebvre: on peut en retirer la grisante certitude qu'ils reflètent l'excès de dépit consommé par le porte-parole de l'UMP durant ces quelques jours de mobilisation populaire.
Évidemment, cette votation ne peut prétendre avoir une valeur légale, mais c'est bel et bien un référendum qui s'est déroulé. Imparfait, sauvage, et donc libre. Si cette opération avait été mieux organisée, les Français auraient été plus du double à s'exprimer, n'en doutons pas. Dans le seul département du Var, où 32.752 personnes sont passées par les urnes, donnant 542 suffrages au oui à la privatisation, et 32. 073 au non, les points de vote étaient trop rares, souvent mal signalés (merci Philippe pour ces chiffres).
Un grand moment d'initiative populaire, dont le Président de la république devrait tenir compte, au moins en renonçant à soumettre au parlement sa loi de réforme du statut de la poste. L'organisation d'un véritable référendum qui pourrait aboutir à pérenniser le service public postal entre dans les pouvoirs de Nicolas Sarkozy, mais on voit mal un tel homme prendre le risque de devoir capituler devant son peuple. Quant à la procédure de l'initiative parlementaire, elle demeure inapplicable puisque M. Sarkozy et son gouvernement se sont bien gardés de faire voter la loi organique permettant de rendre effective cette mirifique disposition de la réformette constitutionnelle.
Cela m'amène à dire ici la rage qui est la mienne lorsque j'entends à la radio des journalistes se gargariser avec l'expression de «référendum d'initiative populaire». La voilà bien, l'escroquerie! Le jour où ce nouvel attribut de notre régime confiscatoire entrera en vigueur, il ne s'agira en réalité que d'un référendum d'Initiative Parlementaire. L'article 11 de la constitution est des plus clairs, puisqu'on peut y lire notamment: «Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits»…
Le peuple, là-dedans, n'est nullement convié à prendre la moindre initiative, et de plus, les pourcentages de parlementaires et d'électeurs indispensables pour déclencher la procédure sont énormes. Que souhaiter alors, sinon que les organisations politiques et les syndicats renouvellent en l'amplifiant ce recours à la votation d'initiative populaire, et que commence la reconquête de notre souveraineté?
P-S. À voir chez Éric, «l'Explosion des médias sur le net»… À lire chez Arf, la «Lettre à un inconnu» (sans oublier tout le contexte des «vases communicants»), et «Une petite fille si sage», chez Zoridae…
Le Coucou vient de s'offrir un joli saut dans le classement Wikio: le voici 4e des blogs politiques. Cela me fait plaisir, pourquoi le nier, mais en même temps me voilà mal à l'aise, posé du bout des fesses sur un beau siège éjectable…
«vaste manipulation organisée par des associations ou partis de gauche qui veulent faire croire à un projet de privatisation de La Poste» ; «On voudrait à partir de cette question truquée faire un referendum ! De qui se moque-t-on ?» Les mots peut-être les plus durs (je veux dire moulés dans le bronze du dédain) se sont échappés de la bouche de M. Lefebvre: on peut en retirer la grisante certitude qu'ils reflètent l'excès de dépit consommé par le porte-parole de l'UMP durant ces quelques jours de mobilisation populaire.
Évidemment, cette votation ne peut prétendre avoir une valeur légale, mais c'est bel et bien un référendum qui s'est déroulé. Imparfait, sauvage, et donc libre. Si cette opération avait été mieux organisée, les Français auraient été plus du double à s'exprimer, n'en doutons pas. Dans le seul département du Var, où 32.752 personnes sont passées par les urnes, donnant 542 suffrages au oui à la privatisation, et 32. 073 au non, les points de vote étaient trop rares, souvent mal signalés (merci Philippe pour ces chiffres).
Un grand moment d'initiative populaire, dont le Président de la république devrait tenir compte, au moins en renonçant à soumettre au parlement sa loi de réforme du statut de la poste. L'organisation d'un véritable référendum qui pourrait aboutir à pérenniser le service public postal entre dans les pouvoirs de Nicolas Sarkozy, mais on voit mal un tel homme prendre le risque de devoir capituler devant son peuple. Quant à la procédure de l'initiative parlementaire, elle demeure inapplicable puisque M. Sarkozy et son gouvernement se sont bien gardés de faire voter la loi organique permettant de rendre effective cette mirifique disposition de la réformette constitutionnelle.
Cela m'amène à dire ici la rage qui est la mienne lorsque j'entends à la radio des journalistes se gargariser avec l'expression de «référendum d'initiative populaire». La voilà bien, l'escroquerie! Le jour où ce nouvel attribut de notre régime confiscatoire entrera en vigueur, il ne s'agira en réalité que d'un référendum d'Initiative Parlementaire. L'article 11 de la constitution est des plus clairs, puisqu'on peut y lire notamment: «Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits»…
Le peuple, là-dedans, n'est nullement convié à prendre la moindre initiative, et de plus, les pourcentages de parlementaires et d'électeurs indispensables pour déclencher la procédure sont énormes. Que souhaiter alors, sinon que les organisations politiques et les syndicats renouvellent en l'amplifiant ce recours à la votation d'initiative populaire, et que commence la reconquête de notre souveraineté?
P-S. À voir chez Éric, «l'Explosion des médias sur le net»… À lire chez Arf, la «Lettre à un inconnu» (sans oublier tout le contexte des «vases communicants»), et «Une petite fille si sage», chez Zoridae…
Le Coucou vient de s'offrir un joli saut dans le classement Wikio: le voici 4e des blogs politiques. Cela me fait plaisir, pourquoi le nier, mais en même temps me voilà mal à l'aise, posé du bout des fesses sur un beau siège éjectable…
18 commentaires:
d'abord mes félicitations (et un nid de coucou c'est pas vraiment un siège) et pour le reste, c'est même historique, une participation comme ça. Mais y sont sourds....
ps j'aime bcp l'idée des vases communiquants, donc je cherche un autre vase....
Le référendum pourrait être d'initiative "populaire" à condition qu'une loi organique vienne modifier la constitution par un ajout.
C'est ce qui était plus ou moins prévu dans les promesses de N.S. mais il ne se précipite pas à proposer cette loi organique.
Nos priorités ne sont pas les mêmes que les siennes !
Martine,
merci. Peut-être N. Sarkozy va-t-il ôter ses bouchons des oreilles?
Courrez au vase d'Arf!
Fleche,
non, tu te trompes! La loi organique ne fera que préciser les modalités d'application du référendum d'initiative parlementaire prévu désormais par la constitution. Pour le moment ce référendum n'existe pas, faute de loi organique. Ensuite, il suivra la constitution à la lettre.
Pourquoi mal à l'aise !? Je suis pour une votation populaire mensuelle entrant dans l'algorithme du wikio !
Félicitations pour ta 4ième place, en tout point mérité et merci pour la citation en ps. :)
La logique de l'UMP est totalement bidon : s'ils contestent l'organisation sauvage de ce referendum, ils devraient d'abord s'en prendre au Président qui, sur un question pourtant essentiel au niveau national, refuse de demander l'avis du peuple.
A-t-il donc peur de nos voix ?
:-))
[Rien d'inconfortable, tu la mérites cette place bon sang !!! :-)) ].
Il n'y a pas de classement Wikio Rébus et devinettes ?!?
« Le gouvernement veut changer le statut de la Poste pour la privatiser, êtes-vous d’accord avec ce projet ? »
Seuls 31.701 votants ont répondu «oui» (1,51 % des suffrages), contre 2.092.016 «non».
Aîe ! Il y a un énorme problème !
Le problème est le suivant : c’est le « oui » qui aurait dû gagner.
Nicolas Sarkozy a donc demandé une deuxième votation qui aura lieu la semaine prochaine.
Nicolas Sarkozy a précisé qu’il y aura des nouvelles votations sur le statut de La Poste jusqu’à ce que la réponse soit « oui ».
Nicolas Sarkozy a conclu : « Nous refaisons voter les peuples jusqu’à ce qu’ils répondent « oui ». C’est la nouvelle démocratie. C’est le progrès. C’est moderne. Ceux qui s’opposent à cette réforme sont des ringards. »
Quatrième ! Bravo, le Coucou ! Que voilà une place méritée ! Continue !
Pour le référendum qui fut effectivement d'initiative populaire, les aboyeurs du Là-Haut en ont gros sur la patate. Monsieur Poireau ne me démentira pas. Mieux organisé, on aurait pu tripler le nombre de votants. Le prochain pourrait faire très mal. A moins que la loi martiale ne soit déclarée, ce qui bloquerait tout le monde chez soi. Le prétexte de la grippe porcino-aviairo-humaino-démago-satanique pourrait être évoqué pour ce genre d'initiative ministérielle. Le gouvernement n'en est plus à un déni de démocratie près.
Français, ton bulletin est ton arme. Aux armes !
αяf,
un moment j'ai pensé à paraphraser Georges Marchais dans une grosse blague que nous nous racontions, dans ma jeunesse: comme on venait de l'informer que le Parti Communiste avait remporté les législatives avec 75% des suffrages, Marchais répliquait, furax: «Nous ne répondrons pas à cette provocation!»
Pour la citation, j'ai aimé ta «Lettre à un inconnu», alors, le lien s'imposait.
M. Poireau,
d'un autre côté, le monde nous aurait semblé dans un péril imminent, si l'UMP avait baissé pavillon en disant: le peuple a parlé, nous avions tort…
À mon avis, il n'y a aucune chance pour que N. Sarkozy consente au référendum, qui se solderait par un camouflet pour lui. Au mieux, il enterrera la modification de statut…
Un classement Rébus et devinettes? Mince il faudrait que j'ouvre un blog spécialisé, ça m'embêterait, je crois. :-)))
BA,
très drôle et de large portée, votre commentaire, bravo!
Babelouest,
merci beaucoup.
C'est une réussite, c'est vrai, mais dont l'usage devrait rester exceptionnel, sinon, l'arme fera long feu… Les syndicats et l'opposition en tireront certainement des enseignements pour améliorer encore l'organisation une autre fois. L'essentiel est de réserver ces votations en liberté pour des sujets vraiment fédérateurs.
Ce n'est donc pas démocratique que d'organiser une votation citoyenne.
D'accord.
Comme le 24 juin 1984 la manifestation organisée par le "Mouvement de l'Ecole Libre" n'était pas démocratique, doit-on en conclure que le grand service public unifié et laïc de l'éducation nationale a finalement été créé?
Le président,Le gouvernement,l'ump ont décidés de privatiser la poste comme tous les autres services publiques, il le feront. C'est triste et lamentable mais je ne vois pas qui va les en empêcher.
Une majorité de français sont assez égoïstes et individualistes et plus que contradictoire et le pouvoir le sait,il suffit de leur faire une promesse ou deux même si elles n'ont aucun sens et c'est dans la poche.
Il faut espérer que la gauche sera moins bête et moins divisée pour 2012. En effet il sera toujours possible de rétablir certains aspects des privatisations des services publiques, mais il faudra l'annoncer par avance et avoir des arguments qui pourtant ne manquent pas.
Mais que faire d'un Besancennot dont la cible favorite est le parti socialiste et voilà aussi maintenant que les verts commencent à s'y mettre.
Un vrai casse tête ces gauches qui font le jeu de la droite en voulant tous être le calife à la place du calife ..
@Coucou
Je suis une insupportable obstinée alors je recherche quand je doute :)
http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/10/05/le-referendum-d-initiative-populaire-examine-au-parlement-d-ici-a-fin-juin-2010_1249273_823448.html
et cet article
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/participation/voter/referendum/existe-t-il-differents-types-referendum.html
Désolée je ne sais pas faire les liens mais vas voir si tu en as l'envie, le Monde parle bien d'initiative populaire.
Ferocias,
bonne observation! C'est amusant que tu penses à la manif des cathos: j'ai fait un parallèle avec ça aussi, dans un billet la semaine dernière…
David,
on verra bien ce que sera la réaction de Sarkozy…
C'est vrai que ça commence à devenir pénible, les attaques intestines dans l'opposition. Mais c'est malheureusement dans la logique d'une nouvelle période électorale: il faut gagner des voix pour chaque parti…
Fleche,
tu peux me donner toutes les adresses de journalistes que tu voudras: ce sont soit des cons, soit des crapules, soit des débiles. Lis-donc le texte de la loi constitiutionnelle ! J'ai cité le passage qui nous intéresse dans mon billet. Que veux tu trouver de plus éloquent que la loi elle-même , nom de Dieu? «organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits»
Mais ça veut dire quoi alors "soutenue par un dixième des électeurs inscrits»…" ? Je pense que c'est à partir de ces mots, que l'initiative populaire a fait son chemin.
Le fait que les parlementaires doivent se saisir de l'initiative ne me choque pas, ils sont quand même sensés représenter le peuple.
La promesse du candidat Sarkozy était un leurre comme beaucoup de ses promesses d'ailleurs, sauf celles qui concernent le capital.
Mais j'arrête sinon tu vas encore t'énerver.
Comme je l'avais remarqué dans une de mes notes, on va pouvoir appeler Mr Lefebvre "Monsieur Sans-Gêne".
Cela dit, j'ai entendu bien mieux que l'adjectif "illégal" pour cette votation. J'ai entnedu dire par un type de l'UMP (j'ai oublié qui) que cette votation était "illégitime".
Et ça, ça me rappelle un souvenir inquiétant quant à la façon d'envisager la suite à donner à la volonté du peuple dans la droite française.
Le souvenir ? Lors de l'élection de Mitterrand en 1981, il s'est trouvé à l'assemblée, des députés RPR pour dire clairement que "si l'arrivée de la gauche au pouvoir est légale, elle est illégitime !"...
On peut en déduire que, selon l'UMP, l'avis du peuple est tout à fait inutile quant à la conduite du pays.
@ Fleche
Justement, les décrets d'application sont là pour préciser, normaliser et rendre applicables des articles de lois qui ont nécessairement un sens plus général.
Dans ce cas de figure, il serait bon de savoir dans quel sens fonctionne l'initiative. Y aurait-il d'abord une pétition populaire, dont le nombre de signatures devrait donc dépasser les 4 millions, puis une saisine parlementaire demandant la mise en oeuvre d'un référendum ? Ou cette saisine devrait-elle précéder la pétition ? Autant de détails que les décrets sont tenus de préciser.
Mais justement, de décrets sur la question, il n'y en a pas. Cet article de la Constitution est donc lettre morte pour le moment. C'est là que des "coups médiatiques" comme cette consultation populaire "illégale" peuvent tenter de forcer la main d'un gouvernement pour lequel une telle forme de démocratie n'est pas souhaitable.
Fleche,
il y a un E à soutenue, donc l'initiative des parlementaires est soutenue par le peuple.
La langue française est précise. Tu ne peux absolument pas lui faire dire n'importe quoi: il n'y a PAS d'initiative populaire là-dedans…
Les parlementaires prennent l'initiative de demander le référendum.
Au départ, parmi les membres de la commission chargée de préparer la révision constitutionnelle, il y avait des gens (M. Carcassonne par ex.) qui souhaitaient un vrai référendum d'initiative populaire. À l'arrivée, On n'a pas voulu mécontenter les parlementaires qui tiennent chez nous à garder leurs prérogatives. Nous sommes dans un régime de stricte représentation du souverain, le peuple, c'est à dire dans la confiscation de la démocratie. L'honneur et les prérogatives des parlementaires sont saufs: l'initiative leur appartient.
Si ce référendum d'initiative bidon voit le jour, si la loi organique ne le sape pas un peu plus en ajoutant de nouvelles difficultés à sa mise en œuvre, il est par contre possible qu'à l'usage, on voit l'initiative s'inverser. Une gigantesque pétition de citoyens pourrait à ce moment là contraindre une partie des députés à soutenir la demande de référendum… Mais ne serait-ce que formellement, à la fin, par respect de la loi, il faudrait bien alors présenter la demande comme venant du parlement!
le-gout-des-autres, Babelouest, je n'ai pas le temps de vous répondre maintenant… Plus tard, excusez-moi…
Ok alors, il faut se mobiliser sur la pétition "touche pas à ma poste" si on veut avoir l'espoir infime de voir bouger les lignes.
le-gout-des-autres,
la montée de la droite au créneau montre combien cette votation est déstabilisatrice pour elle… Mais il aurait fallu que ce beau résultat soit utilisé à fond par l'opposition parlementaire, et j'ai l'impression que ce ne sera pas le cas.
C'est vrai que cette consultation n'a pas de légalité, par contre parler d'illégitimité, c'est en effet choquant.
Babelouest,
ce ne sont pas des décrets d'application qu'on attend, pas encore, mais le vote d'une loi organique qui donnera réalité au pseudo référendum d'initiative. Mon billet d'aujourd'hui renvoie à un article de Politique.net qui explique comment le pouvoir pourra en fait faire ce qu'il veut avec ce référendum…
Fleche,
je précise que ce n'est pas toi qui m'a énervé, mais cette présentation trompeuse du fameux référendum que l'on trouve partout.
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