mercredi 19 novembre 2008

Demain on déflationne

Cela faisait longtemps que je n'avais plus mis les pieds à Paris. La dernière fois c'était avant la grande Crise de 2008, un bail. Je ne sais pas si vous vous souvenez de la grande Crise, mais à l'époque, on parlait du matin au soir des milliards. Il y avait des milliards qui disparaissaient, d'autres qui se regroupaient et prenaient leur envol… Moi, j'étais comme tout le monde, j'avais jamais vu un milliard de près, je ne savais pas trop à quoi ça ressemblait cet oiseau là. Alors je n'étais pas tranquille quand je sortais de chez moi, je scrutais le ciel avec anxiété, voir s'il n'y avait pas un milliard en train de planer qui allait me fondre dessus… Enfin, vous imaginez: la psychose du milliard errant avait fini par nous pourrir la vie. À la suite de quoi arriva la récession, on retint son souffle, et c'est là que les choses commencèrent à se déglinguer sérieusement. Mais bon, je suppose que vous vous rappelez de tout ça aussi bien que moi, inutile de le répéter. Surtout qu'après la récession, il y eut la fin des haricots, la déflation, comme on dit en langage savant. Ah, cette déflation! Au début, quand on voit le prix du beaujolais nouveau qui baisse, la mine de tous ceux qui vous ont arnaqué au moment du passage à l'euro qui s'allonge, parce qu'ils sont obligés de changer les étiquettes dans l'autre sens, au début donc on biche. Ah, mais le voilà qui monte enfin tout seul ce fameux pouvoir d'achat, sans l'aide du président Sarkozi ! On se réjouissait en secret, comme on s'était d'une certaine façon réjouis des malheurs du capitalisme pendant la crise. Et comme nous étions malins, on attendait que les prix baissent davantage avant de faire nos achats. C'était solde chaque jour de l'année. Le pied. Il n'y avait que les remboursements de crédit qui ne bougeaient pas. Eux, ils restaient fixés aux montants d'avant la crise, mais tout le monde ne peut pas gagner, hein! Il y eut un vague ministre du travail pour annoncer que les salaires allaient bientôt baisser, mais vous pensez comme on le prit au sérieux! Bref, ce fut bientôt la belle merde que vous savez: chute de la consommation, donc de la production et des investissements, envolée du chômage, baisse catastrophique des salaires… Un cercle vicieux, quoi. C'est là que nous en étions, le mois dernier, quand j'ai décidé d'aller voir ce que devenait la famille et les copains à Paris. J'ai donné une mesure d'avoine à Pipo, le brave bourricot qui a remplacé mon 4x4, et en route. Cinq semaines d'air pur et de randonnée pépère, à peine une bagnole à gazogène de loin en loin, les nuits sous un ciel tellement pur qu'il vous saoulait d'étoiles.
Et ce matin, je suis entré dans la capitale au pas de Pipo, la compassion étreignant mon cœur pourtant endurci au spectacle des sans domicile en nombre effarant, rencognés au pied des immeubles. Je ne sais pas pourquoi, mais avant de monter vers les Batignoles j'ai eu envie de faire un détour par la Concorde… Et là, figurez-vous que je suis tombé sur le cortège officiel de Nicolas Sarkozy se rendant au palais Bourbon pour son discours sur l'état de la France devant les députés. Quel déploiement de service d'ordre, bon sang! On ne croirait jamais que le train de vie de l'Élysée a baissé de 20%, comme les revenus de tous les français. D'abord une dizaine de gardes républicains à cheval, sabres au clair. Puis un peloton d'une cinquantaine de CRS à VTT, venait enfin le président, entouré de conseillers et de quelques ministres, sur leur vélo de course bleu blanc rouge. Derrière suivait la presse, à bécane ou courant à petite foulée. J'en suis encore sous le coup de l'émotion au moment où je parle. Tenez, excusez-moi: il faut que je m'arrête pour essuyer une larme.

Sur la déflation, la vraie, voir Le Monde

Mes lectures du jour : Elmone, Nicolas qui est en désaccord avec moi sur le PS, Oh!91, et les billets des Leftblogs

14 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

On n'est pas en désaccord sur le PS... Juste sur un nom.

Le coucou a dit…

Exact,Nicolas, juste sur un nom. Vivement Dimanche ;-)

Anonyme a dit…

Tu m'as fait passer quelques bonnes minutes de lectures!

Serge a dit…

Oui, charmant récit d'anticipation. Enfin, charmant de par son écriture, pour le reste, l'avenir proposé est plutôt plus que sombre, quoique me déplacer à cheval...

Nicolas Jégou a dit…

Tiens ! J'ai bien commenté sur une connerie, mais pas sur le texte, excellent. C'est bien, cette nouvelle catégorie de blogeurs : ceux qui savent écrire.

Le coucou a dit…

Manuel, tant mieux, d'autant que te satisfaire ne doit pas être facile.
Walk, lecteur autant qu'auteur de romans d'anticipation, j'ai fait la constatation rassurante que les visions d'avenir y sont presque toujours à côté de la plaque, mis à part quelques aspects plus ou moins anecdotiques.
Nicolas, arrête, tu vas me faire rougir! Hem, en fait, non : tu peux continuer… :-)

Anonyme a dit…

Je veux seulement parler du style un vrai régal!
Si tu pouvais dire au PS "ne vous déchirez pas" ça fait trop désordre!

Le coucou a dit…

Macao, merci, mais si je comprends bien, tu désapprouves un peu le fond… Tu ne crois pas à la déflation? Ou bien tu me trouves trop optimiste, parce que tu crois que c'est en patins à roulettes que Sarkozy se rendra au Palais Bourbon?
Pour le PS, il me semble que tout le monde appelle au calme, chacun se limite sagement à lyncher l'élu(e) des copains et à mettre en valeur sa (son) candidat(e) préférée.
Si tu es d'avis que dans les blogs, au moins, on aurait pu parler d'autre chose une fois la supériorité de Ségolène Royal reconnue par tous, eh bien, je suis d'accord! :-)))

Anonyme a dit…

Je te trouve très bien dans tes baskets mais, la déflation va de pair avec ton optimisme .En tous les cas c'est toujours "pour moi" un régal de parcourir ta plume!
Et je ne t'en voudrai jamais de soutenir Ségolène puisqu'elle avait gagnée! trinquons!
Moi aussi je suis d'accord!

Manuel a dit…

Je ne pense pas être difficile à satisfaire... Quand c'est bon, c'est bon, par contre quand c'est con, c'est con.

Le coucou a dit…

Macao, je ne suis ni optimiste, ni pessimiste : éberlué par les temps que nous vivons. Pour Ségo… hem, à suivre…
Manuel, alors merci, j'essaierai de ne pas tomber dans la connerie, mais ce n'est jamais assuré.

Anonyme a dit…

Heureusement qu'il existe un minimum de conneries elles nous évitent de nous faire chier trop souvent!ce n'est que mon avis continue j'adore!

Manuel a dit…

La connerie rigolote a du bon, j'en suis un adepte.

Anonyme a dit…

Même si, pas rigolote mais qu'elle interpelle c'est déjà pas si mauvais à mon sens!