À ce jour, personne ne semble capable de prévoir si la réforme des institutions verra ou non le jour. M. Sarkosy, inquiet d'un échec possible, tente de sauver son soufflé constitutionnel loupé en défendant sa cuisine dans un entretien avec des journalistes du Monde. Cherche-t-il à influencer les parlementaires de gauche toujours opposés au projet, ou bien à prendre les français à témoin de ses bonnes intentions ? Peu importe, cette réforme ne vaut pas tripette. Qu'y gagnerons-nous réellement ? La seule chose concrète, c'est la limitation de la présidence à deux mandats. Aucun président n'avait jusqu'à présent réussi à en faire trois, mais il est vrai que le quinquennat pourrait faciliter ce genre d'exploit… Pour le reste, il n'y a rien dont un citoyen puisse se satisfaire. Le prétendu renforcement du contrôle parlementaire n'est que de la poudre aux yeux, puisque les concessions accordées aux deux chambres le seront au seul usage de la majorité présidentielle. Et sous la Ve république, nous n'avons jamais eu que des majorités de godillots, se couchant devant le pouvoir au moindre claquement de doigt. Le gouvernement gardera ainsi la possibilité d'imposer toutes ses mesures importantes par la force de l'article 49-3, qui demeure, ou par la menace d'une dissolution de la chambre, pouvoir que le président conservera. M. Sarkosy peut toujours se défendre d'avoir des tendances despotiques : au fil des mois sa façon de gouverner accrédite de plus en plus un tel jugement. «Je rappelle qu'à la différence d'un despote, je suis élu.», dit-il au Monde. Apprenons-lui, puisqu'il l'ignore, que Louis Napoléon-Bonaparte, notre dernier despote, avait été élu triomphalement. Il est élu et légitime, soit, mais la chambre des députés est également élue et légitime. Or, si le président peut dissoudre l'assemblée nationale, nos représentant, eux, ne peuvent pas le destituer. Le président a bel et bien tous les pouvoirs ; jusqu'à présent, seules la mesure et une certaine forme d'intégrité républicaine du locataire de l'Élysée nous préservaient de l'arbitraire. C'est en grande partie cela qui rend notre république si potentiellement bananière, le fait que son fonctionnement à peu près démocratique repose sur la pondération d'un seul homme. Et pas de chance : nous avons un président qui ne s'encombre pas de scrupules.
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