Lundi dernier, dans un passionnant article de Mediapart, Edwy Plenel expliquait à ses lecteurs l'enjeu du procès de l'affaire Clearstream. Il rappelait que contrairement à ce que semblent avoir essentiellement retenu les grands médias, ce procès ne se limite pas à un seul plaignant accusant un ancien Premier ministre, mais qu'il y a 227 autres victimes qui attendent réparation.
Je crois que cette erreur est due à un effet de trompe-l'œil ne laissant apparaître que le Président de la République en souverain offensé, installé dans sa maison de justice pour exiger la tête d'un ancien rival supposé délictueux. Et il faut bien dire que les 227 autres personnes dont les noms ont été frauduleusement inscrits dans les fameux listings à l'origine de l'affaire, pèsent bien peu de chose à côté d'un tel compagnon d'infortune… Infortune n'est peut-être pas le meilleur mot, d'ailleurs, pour qualifier l'effet de cette malversation sur la vie de Nicolas Sarkozy. Loin de le desservir, comme le scénario du trucage de la liste semblait le prévoir, la machination lui aura permis au contraire à se faire plaindre de l'électeur sensible avant l'élection présidentielle.
Quoi qu'il en soit, ce procès s'ouvre sous un éclairage particulièrement dramatique. Si l'on se souvient de la saillie prêtée à M. Sarkozy en sa fureur: «Si j'attrape le manipulateur (…), je le pends à un croc de boucher», on pourrait presque redouter que le palais de justice ne se transforme en Grand Guignol sanglant. Il n'en sera rien, mais dès la première audience, il était évident que quelque chose hors-normes allait se dérouler.
Hier, sur les ondes de France-Inter, Eva Joly, l'ancienne juge d'instruction devenue députée européenne, faisait part aux auditeurs de sa stupéfaction devant la tenue d'un tel procès. L'accusation y sera menée par Jean-Claude Marin, Procureur de Paris que l'on s'attendait à voir éjecté de son poste à l'élection de N. Sarkozy, lequel ne l'aimait pas. Jean-Claude Marin, toujours en place cependant, car entré dans les bonnes grâces du Président. Le déroulement de sa carrière future est tout entier entre les mains de ce dernier… À part ça, un homme indépendant, bien entendu. La plainte que la cour aura à examiner avec le plus de soin, sera, qui en douterait, celle de Nicolas Sarkozy lui-même. L'homme qui nomme, mute, promeut, ou sanctionne les magistrats du Parquet. Le maître quasi absolu et ombrageux de notre pauvre république. Et personne dans toute la France, voire au-delà, ne peut ignorer que Nicolas Sarkozy veut la peau politique de Dominique de Villepin, cible réelle de sa plainte.
Dans le cas où la culpabilité de ce dernier ne serait pas démontrée au cours des débats, les juges oseront-ils priver le Président de cette peau? Oui, sans doute… Mais peut-on juger des prévenus sans déroger aux principes de l'équité, quand le Premier Magistrat de France, d'autre part espèce de monarque inattaquable, légalement exempté de toute responsabilité, est celui qui accuse?
Dans l'article auquel je faisais référence au début, Edwy Plenel dénonçait un «détournement privatif de la justice». Il est affligeant que pour sortir honorablement de ce genre de dérive, il faille compter sur le seul courage de magistrats soumis à une telle pression.
La perle de Clearstream
P-S. Commandcom nous demande de soutenir l'association Zy'va, dans sa quête du Trophée des associations… Et des blogs s'élèvent contre la proposition J-F. Copé de fiscaliser les indemnités journalières en cas d'accident du travail… Enfin, Mtislav nous livre une analyse magistrale de Facebook…
Je crois que cette erreur est due à un effet de trompe-l'œil ne laissant apparaître que le Président de la République en souverain offensé, installé dans sa maison de justice pour exiger la tête d'un ancien rival supposé délictueux. Et il faut bien dire que les 227 autres personnes dont les noms ont été frauduleusement inscrits dans les fameux listings à l'origine de l'affaire, pèsent bien peu de chose à côté d'un tel compagnon d'infortune… Infortune n'est peut-être pas le meilleur mot, d'ailleurs, pour qualifier l'effet de cette malversation sur la vie de Nicolas Sarkozy. Loin de le desservir, comme le scénario du trucage de la liste semblait le prévoir, la machination lui aura permis au contraire à se faire plaindre de l'électeur sensible avant l'élection présidentielle.
Quoi qu'il en soit, ce procès s'ouvre sous un éclairage particulièrement dramatique. Si l'on se souvient de la saillie prêtée à M. Sarkozy en sa fureur: «Si j'attrape le manipulateur (…), je le pends à un croc de boucher», on pourrait presque redouter que le palais de justice ne se transforme en Grand Guignol sanglant. Il n'en sera rien, mais dès la première audience, il était évident que quelque chose hors-normes allait se dérouler.
Hier, sur les ondes de France-Inter, Eva Joly, l'ancienne juge d'instruction devenue députée européenne, faisait part aux auditeurs de sa stupéfaction devant la tenue d'un tel procès. L'accusation y sera menée par Jean-Claude Marin, Procureur de Paris que l'on s'attendait à voir éjecté de son poste à l'élection de N. Sarkozy, lequel ne l'aimait pas. Jean-Claude Marin, toujours en place cependant, car entré dans les bonnes grâces du Président. Le déroulement de sa carrière future est tout entier entre les mains de ce dernier… À part ça, un homme indépendant, bien entendu. La plainte que la cour aura à examiner avec le plus de soin, sera, qui en douterait, celle de Nicolas Sarkozy lui-même. L'homme qui nomme, mute, promeut, ou sanctionne les magistrats du Parquet. Le maître quasi absolu et ombrageux de notre pauvre république. Et personne dans toute la France, voire au-delà, ne peut ignorer que Nicolas Sarkozy veut la peau politique de Dominique de Villepin, cible réelle de sa plainte.
Dans le cas où la culpabilité de ce dernier ne serait pas démontrée au cours des débats, les juges oseront-ils priver le Président de cette peau? Oui, sans doute… Mais peut-on juger des prévenus sans déroger aux principes de l'équité, quand le Premier Magistrat de France, d'autre part espèce de monarque inattaquable, légalement exempté de toute responsabilité, est celui qui accuse?
Dans l'article auquel je faisais référence au début, Edwy Plenel dénonçait un «détournement privatif de la justice». Il est affligeant que pour sortir honorablement de ce genre de dérive, il faille compter sur le seul courage de magistrats soumis à une telle pression.
La perle de Clearstream
P-S. Commandcom nous demande de soutenir l'association Zy'va, dans sa quête du Trophée des associations… Et des blogs s'élèvent contre la proposition J-F. Copé de fiscaliser les indemnités journalières en cas d'accident du travail… Enfin, Mtislav nous livre une analyse magistrale de Facebook…
9 commentaires:
A mon avis, le croc de boucher va être difficile à fixer : se faire à soi-même un tel dégât n'est pas facile. De plus en plus, je suis persuadé que l'ajout de N Sarkozy à la liste est l'effet de sa seule décision. Pour les 228 autres, j'attends de la Justice des éclaircissements, qu'elle donnera peut-être.
Nous sommes là au cœur du système Sarkozy de brouillage des pistes à son avantage exclusif. Il est vital qu'un tel homme tombe, victime de ses propres acharnements.
Les listings ont-ils été falsifiés ou créés de toute pièce.
Ca change un peu la donne entre les deux non?
Falsifier= modifier frauduleusement. Ce qui signifierait qu'à la base il y aurait un vrai fichier.
Babelouest,
franchement, je crois que seuls les débat pourront peut-être nous éclairer sur ce qui est arrivé. Dans l'état actuel des choses toutes interprétations sont plausibles…
Ferocias,
d'après ce que j'ai appris de l'affaire, les listings existaient, c'étaient de vrais documents auxquels on a rajouté 228 noms.
C'est tout simplement incroyable... Ca parait tellement gros et fort qu'on se dit que non, ce n'est pas possible. Et pourtant si, et ça passe à la télé sur deux chaines un soir à 20 heures...
Enorme... :((
ça fait peur. C'est comment qu'on définit "démocratie" déjà?
Excellent billet ! je le rajoute de suite dans le tree #clearstream ! Autant pour l'indépendance de la justice. Comme quoi, même avec des juges d'instruction encore présents (en sursis), nous sommes bien en Sarkofrance et plus en démocratie (démoncratie ?)
Falcon,
incroyable, oui… Mais comme je ne regarde pas la télé, je ne l'ai su qu'après coup, le choc est moindre…
Julien,
mon petit doigt me dit que tu pourrais nous la définir bien mieux que moi…
LaetSgo,
merci! J'ai vu tes perles, belle utilisation du bijou! Pour le reste, nous sommes encore en république, c'est déjà ça —ce qui nous laisse un peu d'espoir.
C'est tellement abracadabrantesque cette histoire de listings informatiques falsifiés par une sorte de pied nickelé spécialiste d'Excel !!! Sincèrement, je continue de penser à une double manipulation. Mon hypothèse est toujours que Sarkozy joue beaucoup trop fort le rôle de la victime pour être vrai dans cette histoire !
Mediapart ne me contredit pas d'ailleurs et nous ressort même notre ami Pérol ! (qui a depuis reçu une super promotion…).
:-))
M. Poireau,
ton hypothèse est en partie fortifiée par ce nouveau témoignage selon lequel Lahoud aurait été surpris, la main dans l'ordinateur d'un proche de de Villepin…
Merci de me signaler l'article sur Pérol, je vais lire ça…
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