vendredi 19 septembre 2008

Injection dimanche, pas de crise en vue au Senat

Le sénat… S'il se trouve quelque part en ce moment un prof à errer parmi les blogs, et qu'un malicieux hasard le conduise ici, je voudrais lui suggérer, un jour d'humeur vengeresse contre une classe de malappris, s'entend, de coller à ses élèves un sujet de dissertation sur le sénat. À lui les délices d'imaginer les tourments des sales gosses confrontés à l'aridité définitive d'une telle épreuve. J'en parle en connaisseur, m'étant assigné la tâche d'écrire quelques lignes sur cette auguste institution à la veille d'une poussée d'élections sénatoriales. Si je délaisse donc les thèmes propices au lyrisme, comme la résurrection des marchés boursiers, les tracas de la Vierge Marie, les tribulations d'Edvige, celles du maire de Loudéac, ou de l'école maternelle, c'est par pure conscience républicaine. Ah, le sénat, donc ! S'il n'existait pas, il faudrait s'abstenir de l'inventer. Songez que depuis que la Ve république existe, alors que la plupart d'entre vous n'étaient pas nés, plusieurs hommes d'état, à commencer par Charles De Gaule, ont caressé l'espoir de s'en débarrasser et s'y sont cassé les dents. De la même manière, prétendre définir la vraie nature de cette "chambre haute", et des gens qui y siègent, est un défit. Comme Queneau l'écrivait de l'ornithorynque, le sénat est une institution ambiguë. Le bec vaguement démocratique, la panse gonflée de privilèges singuliers, le cul pesant sur les désirs du peuple. Déjà pour commencer, on s'attendrait à ce que les membres de cette assemblée, dont la moyenne d'âge atteint les 64 ans (la moyenne, ce qui signifie que les octogénaires n'y sont pas rares), on s'attendrait que les dits membres fussent couchés en leur haute chambre. Mais non, ils siègent. Si l'on veut bien accepter l'image d'un char figurant la république, avec Nicolas Sarkozy en péplum pour tenir les rênes et le fouet, nous aurions le peuple à la place des chevaux, les députés et le gouvernement en guise de roues, le sénat comme frein… Ce n'est qu'une image, bien entendu, car les chars antiques roulaient vite, tandis que celui de la république est constamment ralenti par le mauvais vouloir du sénat. Les sénateurs sont élus par un obscur collège composé d'élus locaux, collège dont le citoyen se fiche en général comme de l'an quarante. Le sénat est vieux, et le législateur, obéissant au souci humanitaire de ménager son cœur collectif en atténuant son stress électoral, sa composition n'est jamais renouvelée dans sa totalité, mais par tiers, tous les trois ans, et contrairement à l'Assemblée Nationale, il ne peut être dissout par le président. Et si vous avez la curiosité de vous pencher sur le mode d'élection prévu pour dimanche prochain, vous découvrirez qu'il y aura des sièges pourvus au scrutin majoritaire, et d'autres attribués à la proportionnelle. Avec le sénat, rien n'est jamais simple. Les mauvaises langues soutiennent que c'est la maison de retraite de la république, et j'ai moi-même repris cette idée dans un billet précédent, relevant que c'était aussi le plus coûteux des établissements de ce genre. Cependant, il se trouve aussi des gens, généralement des sénateurs, pour estimer que le sénat fait un travail législatif admirable. J'avoue que je n'ai pas eu de chance : chaque fois que je me suis plongé dans l'une ou l'autre de ses délibérations, ce fut pour constater à quel point l'esprit conservateur, quand ce n'est pas réactionnaire, règne dans ses rangs. Mais attention ! Je ne suis pas sectaire et ne milite en aucune façon pour que l'on oblige les sénateurs à se rendre aux séances du Luxembourg à vélib, histoire de stimuler leur taux de mortalité, non, pas du tout ! D'ailleurs, il y a même des sénateurs que je trouve sympathiques, comme celui de ma circonscription électorale : un socialiste, pensez ! L'unique élu de gauche,du Var. Alors, vous comprendrez que j'estime en définitive nécessaire de réfléchir à deux fois avant de prôner la suppression du sénat.

Nouvel Obs sur le sénat

11 commentaires:

Mathieu L. a dit…

@ LCC : le Sénat ??? Humm. Cela pourrait avoir un petit côté sadique qui serait loin de me déplaire...

Merci pour le lien.

Le coucou a dit…

Si vous passez à l'acte, Mathieu, je serais curieux de connaître la vision du sénat de vos élèves !

Mathieu L. a dit…

Le Sénat, euhh, c'est à côté de Carrefour, ça... non ???

Le coucou a dit…

Je ne me souviens plus, voilà longtemps que je n'ai plus fait de courses chez Sénat…

Ant. a dit…

Merci pour le lien ! :-)

Le coucou a dit…

Antoine : normal, ton blog vaut la visite.

deligne a dit…

"Quel est le rôle du Sénat ? La Haute Assemblée représente les collectivités territoriales. Elle élabore et vote les lois, en complément de l'Assemblée nationale. Le Sénat contrôle l'action du Gouvernement puisqu'il a le pouvoir de lui poser des questions. Il ne peut pas être dissous."

C'est ce que je viens de lire, mais il me faudrait aussi partir à la recherche de ce que signifie "collectivités territoriales" et ainsi de suite, pour tout oublier dans qqs jours parce que se sont de institutions qui ne signifient rien pour moi. Je suis amusé par le ton ironique du post suivant et je trouve le dialogue avec Dieu vraiment marrant, mais, là non plus, je ne sens pas capable d'entrer dans un débat sur ce problème, parce que là encore, il me faudrait des références économiques et techniques ou alors je devrais me contenter de répéter ce que les journalistes en disent sans trop savoir s'ils sont dans le vrai ou le faux, non pas sur les faits mais sur les constructions, les projections qu'ils présentent comme des réalisations à venir. Aucun d'entre-eux n'a pu envisager la disparition d'une banque d'affaire comme Merrill Lynch, mais tous font aujourd'hui comme si c'était une évidence prophétique, facilement prévisible.

Je vous signale une analyse d'un cnrsien qui va à l'encontre de ce que soutient votre pote Bianco, Jean-Louis. Frédéric Lordon conclu son article - très bien argumenté - ainsi: "Pauvres socialistes : ne sachant pas vraiment, de l’idée triviale et molle « d’économie de marché » ou de l’idée précise et toxique « d’économie à déréglementation concurrentielle généralisée », laquelle ils épousaient vraiment, les voilà, par défaut, ralliant triomphalement un monde finissant. La logique voudrait qu’ils finissent avec lui. À vrai dire, ils sont déjà, quoiqu’eux seuls l’ignorent, le corps mort de la vie politique française. Et, faute d’une trop improbable régénération minoritaire de l’intérieur, en attente d’un autre qui se lèvera à sa place." :-)

deligne a dit…

Ha vous avez supprimé la censure a priori, Jean-Louis ! J'apprécie :-)

Le coucou a dit…

Bonjour Scheiro. Les collectivités territoriales : communes, département, région… Les sénateurs sont élus par les grands électeurs, soit un cocktail de députés, conseillers généraux et régionaux, et un fort contingent de conseillers municipaux. Le Sénat, comme vous le dites représente donc le territoire, mais aussi et même avant —je l'ai lu sur le site de l'institution— il représente "la nation", ce qui me semble tordant, eut égard à ce mode d'élection, et surtout à la réalité du comportement politique d'un sénateur, qui se fiche éperdument du citoyen lambda. Pour moi c'est une chambre inutile et même nuisible par sa propension à bloquer toute évolution. Je rêve d'une république démocratique, où le peuple, par le biais d'un véritable référendum d'initiative populaire, serait avec l'Assemblée Nationale les seuls interlocuteurs du gouvernement. Le sénat représente de plus ce qui me semble la perversion absolue d'une démocratie : une coterie de professionnels de fait, de la politique.
Sur les socialistes, j'avais déjà lu quelque part les propos dont vous vous faites l'écho. Je vous répondrai en simple citoyen qui n'a rien à foutre des théories d'économistes, systématiquement fausses, dont la seule utilité me semble être l'analyse à posteriori des phénomènes économiques. L'idéal socialiste, loin d'être un corps mort, a un bel avenir devant lui. Parce qu'il ne se limite pas à l'écume des conflits d'ambitions, il porte l'espérance d'une vie meilleure pour le plus grand nombre, il peut être momentanément entravé, mais il est l'héritier d'un besoin de justice venu du fond des âges. Une attente qui en fait un phénix toujours prêt à renaître au nez et à la barbe des adeptes de l'horreur économique.Merci du commentaire.

P.S. Je rétablirai la modération des commentaires en cas d'absence

deligne a dit…

Merci pour la réponse Jean-Louis. "La gauche remporte cinq sièges sur huit dans les Bouches-du-Rhône. Le porte-parole de l'UMP, Dominique Paillé, est battu. L'ancien maire de Rennes, Edmond Hervé (PS), fait son entrée au Sénat." Voilà une relativement bonne nouvelle, de quoi avoir l'esprit plus serein en cette belle fin d'été.

Il ne dois pas être très content votre ami Bianco, Jean-Louis, de savoir que vous n'en avez "rien à foutre des théories d'économistes, systématiquement fausses, dont la seule utilité me semble être l'analyse à posteriori des phénomènes économiques". Par contre, comme je vous le disais, c'est un avis que je partage, un point sur lequel nous sommes d'accord.
Au sujet du Sénat, je crois avoir lu que 64% des lois votées à l'Assemblée étaient bloquées par ces charmants vieux messieurs (et peut-être qqs femmes mais j'ai l'impression qu'elles ne sont pas très représentées dans cette chambre basse ou cette basse chambre - ce qui sonne un peu différemment ).

Le coucou a dit…

Oui, la petite poussée à gauche était annoncée… Malheureusement ce n'est même pas suffisant pour chatouiller désagréablement la majorité sénatoriale… Quant aux femmes, déjà sous-représentées à l'Assemblée, au Sénat il faut presque une loupe pour les repérer. Bonsoir Scheiro.