Le Bien-Aimé Nicolas 1er, qui grandit chaque jour davantage dans l'amour du peuple Franchois, prolongeait un jour de printemps son câlin du matin avec la belle Lala, son épouse. Or, tandis qu'ils étaient à roucouler dans les délices soyeuses, quoique moites, du lit impérial, voici qu'on toqua nerveusement à la porte… Le souverain cria à l'importun qu'il se cassât, mais l'autre insista si bien qu'à la fin Nicolas 1er lui permit d'entrer. Le Bon Saint Henri se faufila prestement à l'intérieur de la chambre. «Qu'est-ce qui te prend de me la couper, Riton, t'es tombé du lit? —Votre Majesté, il est bientôt neuf heures, j'ai pensé… —Ouais, on sait: t'es payé pour penser», soupira le monarque en s'extrayant de la cuvette du matelas où il avait roulé, du côté de Sa Gracieuse Lala. Après quoi, il s'assit et reprit: «Neuf heures, tu dis? Merde! J'avais rancard à moins vingt avec le sapir* du bricolage, du commerce chaussant, et de la marche à pied… —C'est pour ça que je me suis permis de troubler votre juste repos, Sire. Le petit Hervouet part ce matin pour Bruxelles participer au Conseil de l'Amicale Œuropéenne. Il attend vos dernières consignes au sujet de la directive Croquenot… —Pour le moment, Riton, j'ai la tête dans le cul, pas dans mes pompes, alors rappelle-moi la situation? —Eh bien, voilà: nous voulons que les gouvernements Œuropéens acceptent notre proposition de directive Croquenot, qui interdira la libre circulation des chaussures entre les pays de l'Amicale. On peut dire que c'est dans la poche, à condition de leur renvoyer l'ascenseur. Votre majesté hésitait hier encore entre deux possibilités de cadeaux à leur faire. D'une part, il y a le projet Tatrazien d'harmonisation des maxima équilibratoires applicables à l'enfance laborieuse… —Ouais, ça parle de quoi, ce machin là, en Franchois? —D'abaisser le maximum du minimum d'âge auquel les enfants peuvent travailler. Actuellement, la plupart des pays, dont le vôtre, appliquent le minimum maximal de 16 ans. La Tatrazie souhaite que son maximum minimal de 9 ans et six mois soit adopté dans l'ensemble de l'Amicale par le biais d'une directive… Les syndicats tatrazes se bagarrent pour imposer chez eux les normes des autres pays, et cette directive permettrait à leur gouvernement de les faire taire définitivement. C'est pas nous, c'est l'Amicale Œuropéenne, qu'il dirait… Air connu! —Ouais, ça me plaît pas trop, cette affaire. Parce que, si les mômes bossent plus tôt, par ricochet, après ils voudront des droits qu'ils n'ont pas encore! Tiens, y a mon fils aîné qui voudrait que je le bombarde sapir… Il a pas l'âge minimum maximal, heureusement! Sinon, faudrait pas attendre trois ans avant qu'il me fasse un coup d'état et qu'il me fiche à la retraite! —D'autre part, Sire, nous avons le souhait des Vikings d'une directive autorisant la commercialisation de leurs fromages au lait de baleine thermisé. —Là, c'est mes croquants franchois qui vont casser la baraque, déjà que le prix du lait est en baisse… Ah la la! dur, dur de gouverner, moi je te le dis Riton! —Je compatis , Votre Majesté. —Bon, je préfère encore me débrouiller avec mon fils qu'avec les paysans. Dis à Hervouet qu'on échange la directive croquenot contre celle des Tatraze, allez… —C'est une sage décision, Sire, et qui fera du bien à votre économie: plus de productivité, moindre hausse salariale. Nicolas 1er eut un petit rire et se frappa le front. —Qu'est-ce qu'tu crois, Riton? Y en a quand même, là dedans!» On entendit alors pouffer l'impératrice Lala qui, durant cet entretien était demeurée silencieuse, le visage caché sous le drap. «Faire travailler les gamins de neuf ans! Ça va pas, non? Tu diras quoi à ton peuple pour justifier ça? dit-elle. —La ferme, ma poule! Je lui dirai… Je lui dirai quoi, au fait, Riton? —Que c'est encore un coup de la bureaucratie de l'Amicale, Sire. Ça marche toujours… —Tu vois, Lala, c'est pas plus compliqué que ça!» Lala ne répondit rien, et d'un saut de carpe lui tourna le dos. Le Bon Saint Henri se gratta la gorge et dit: «Il reste un petit problème, Sire… On me signale que Claus Gallère a encore passé la nuit, couché sous la porte cochère du palais. Vous savez, c'est ce gros savant qui espère devenir sapir de l'intelligence au prochain remaniement. Ça fait jaser en ville… Je lui dis de rentrer chez lui et de ne plus revenir? —Bah! pour venir dormir tous les soirs à ma porte depuis une semaine, il doit m'aimer beaucoup et avoir très envie d'être sapir… Fais-lui porter des croissants.»
sapir* ministre en Nicolée (autre nom du pays Franchois). Voir les épisodes précédents…
PS, sur les élections européennes, à lire : Le pavé, le carnet de Yann, Victoire au poing. D'un autre genre, qui n'a rien à voir avec les européennes: un billet d'une franchise brutale, à contre-courant, comme c'est souvent le cas chez Didier Goux…
sapir* ministre en Nicolée (autre nom du pays Franchois). Voir les épisodes précédents…
PS, sur les élections européennes, à lire : Le pavé, le carnet de Yann, Victoire au poing. D'un autre genre, qui n'a rien à voir avec les européennes: un billet d'une franchise brutale, à contre-courant, comme c'est souvent le cas chez Didier Goux…
5 commentaires:
Je me suis amusé à lire votre billet. Vivement qu'il parte en croisade ! Cela promet !
Rhô j'adooore !
Ta trouvaille de l'Œurope, j'en suis jaoux tellement c'est giscardien !
:-))
[En clair, tu as au moins atteint le maximum du maximum !]
C'est toujours par le biais de la fiction qu'on atteint le réel. S'éloigner de la cible, respirer, oublier, distance du temps et de l'espace, viser. Tirer juste. En plein coeur. Puis s'en aller nonchalamment: bravo, t'es un pro!( ceci dit, tuer avec les mots, ça suffit!)
J'ai connu un Marc Chapié qui avait fait la marche des carriers de Montrouge et nous avions terminés cette marche et à notre grand désespoir au moment des récompenses ils ont appelé:
_Chapier Marc!
Hélas, notre déception fut énorme point de rire et Macao et Borrel rentraire dans le rang la queue bien basse!J'ai pensé à cette petite anecdote en prenant grand plaisir à lire ton billet du jour!
Webkili,
Merci ! Le Bien-Aimé en croisade? C'est une idée,… :-)
M. Poireau,
c'est vrai qu'avec Œ on voit bien le cul de la poule, je comprend ton évocation!
Merci de passer lire et d'apprécier .
Hermes Mince! c'était le jour des commentaires doux à lire! Et dire que j'ai oublié de répondre au bon moment. Bon, on ne tuera personne, j'espère, même avec des mots.
Macao
Ah, je comprends ta déception. Marc Chapier, hein? Sacré Macao!!!
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