Comment se retrouver, à 62 ans, pris au piège d'un jeu puéril ? Très facile : bloguez sans méfiance, offrez-vous une bonne tranche d'insouciance, parce qu'assis devant votre écran d'ordinateur les tourments de l'âge s'effacent. Vous retrouvez intacte une capacité d'emballement juvénile dont la rémanence vous épate. Merde alors, je suis encore vivant ! Vous êtes arrivé là un peu par hasard, par fidélité à votre éthique et aux idées de gauche que vous avez toujours défendues, à cause d'une vilaine manœuvre électorale touchant votre village. Et vous avez pris goût à votre blog, à l'exercice quotidien d'enfanter un billet quoi qu'il advienne, car avouons-le : vous seriez désemparé et plus mort qu'un mort véritable si vous deviez renoncer à écrire. Tout instrument d'expression, toute technique de création, si modeste soit-elle, s'apprend. Alors vous apprenez comment ça marche, un blog. Vous allez lire les autres, ceux que vous trouvez les meilleurs de préférence —dans la limite des chemins hasardeux du web qui ne mènent pas tous à Rome.
Vos choix ataviques et vos curiosités esthétiques vous conduisent bientôt à fréquenter deux types d'auteurs de blogs. Les frères de lutte d'abord, dont vous partagez la moindre indignation, les fortes espérances. Ensuite, des auteurs en équilibre instable aux frontières du littéraire et de la quête de sens. Les uns autant que les autres oscillant de la sincérité retenue propre au diariste, à la provocation plus ou moins contrôlée, sources des réactions de lecteurs. Car le blog n'a pas grand-chose à voir avec un journal intime, il n'existe que pour être connu de tous et que des flux de commentaires l'irriguent, sous peine de se ratatiner, desséché sur lui-même. Et sur ce point, l'art du blogage commence par un échange : un billet vous laisse-t-il indifférent, que vous passez votre chemin en silence, sinon, vous faites part à autrui de ce que son texte vous inspire.
Ainsi ai-je commenté les billets de Nicolas dont rien à priori ne me sépare, sinon l'âge et l'aptitude aux ruades écrites. Par sa générosité et la pertinence de ses conseils, je lui dois d'avoir appris autant en quelques jours qu'en plusieurs mois.
Je me suis intéressé de même aux propos de Scheiro, sensiblement plus proche de moi par la date de naissance, mais presque étranger par son refus de mes valeurs. Au demeurant aussi porté que le précédent aux écarts de langage. Quoi qu'il exprime un franc mépris pour les idées de gauche, je lui sais gré de vouer la même exécration à la droite, et je m'accommode de sa misanthropie profonde. J'éprouve à son égard du respect en raison de son dégoût de toute forme de racisme et d'antisémitisme.
Le plus marrant, c'est que ces deux là pourraient bien être, dans la vie, infiniment moins portés que moi à l'éruption verbale, écueil que je parviens à éviter sans trop de peine dans l'écrit… Le moins marrant, c'est que ces deux là se détestent et qu'après s'être copieusement injuriés en d'autres lieux, le hasard vient de les mettre en présence sur mon blog.
Après réflexion, j'ai décidé de ne pas choisir entre deux sympathies. Bienvenue à vous deux, les gars, et merci de revenir même ! Mais prière de déposer les couteaux au vestiaire…
Auteur de l'illustration : OliBac
Ainsi ai-je commenté les billets de Nicolas dont rien à priori ne me sépare, sinon l'âge et l'aptitude aux ruades écrites. Par sa générosité et la pertinence de ses conseils, je lui dois d'avoir appris autant en quelques jours qu'en plusieurs mois.
Je me suis intéressé de même aux propos de Scheiro, sensiblement plus proche de moi par la date de naissance, mais presque étranger par son refus de mes valeurs. Au demeurant aussi porté que le précédent aux écarts de langage. Quoi qu'il exprime un franc mépris pour les idées de gauche, je lui sais gré de vouer la même exécration à la droite, et je m'accommode de sa misanthropie profonde. J'éprouve à son égard du respect en raison de son dégoût de toute forme de racisme et d'antisémitisme.
Le plus marrant, c'est que ces deux là pourraient bien être, dans la vie, infiniment moins portés que moi à l'éruption verbale, écueil que je parviens à éviter sans trop de peine dans l'écrit… Le moins marrant, c'est que ces deux là se détestent et qu'après s'être copieusement injuriés en d'autres lieux, le hasard vient de les mettre en présence sur mon blog.
Après réflexion, j'ai décidé de ne pas choisir entre deux sympathies. Bienvenue à vous deux, les gars, et merci de revenir même ! Mais prière de déposer les couteaux au vestiaire…
Auteur de l'illustration : OliBac
15 commentaires:
Il est si vieux que ça Scheiro ?
;-)
Heu… Pas à ce point, non. Il serait logique qu'il se sente plus proche de ta jeunesse que de mon automne! Mais vu d'où je suis, c'est différent… ;-)
super réponse aux squatteurs bienvenus.
Le Coucou : il ne faut pas s'inquiéter, ce sont des escarmouches habituelles !
Il est toujours déplaisant que quelqu'un vienne sur son blog pour dire au taulier qu'il ne devrait pas écrire ce qu'il écrit et Nicolas, blogueur expérimenté s'il en est, prend maintenant au plus court pour répondre !
Quand à Scheiro, par contre, il utilise l'insulte scato ce qui est VRAIMENT insultant et inacceptable.
Tu peux répondre clairment, il me semble, plutôt que de descendre au-dessous de la ceinture !
Enfin, bon.
En même temps, ce ne sont pas tes histoires, tu as raison !
:-)))
(Pour l'insulte, je ne mets pas de lien, bien sûr mais par mail, c'est faisable !).
J'en prends de la graine m.poireau ! Et merci à vous et Martine de me comprendre.
Très beau billet, Jean-Louis ! Je me demandais comment vous vous sortiriez de cette espèce d'impasse vers laquelle le conflit entre N. et moi pouvait vous conduire, la réponse est là: avec classe!
J'ai beaucoup aimé le récit de la génèse de votre blog et je me suis bien marré en lisant que vous aviez retrouvée "intacte une capacité d'emballement juvénile".
Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que le blog "n'existe que pour être connu de tous". Entre mars 2004 - premier blog installé sur mon serveur, bricolé à partir d'une plate-forme australienne, avant de passer sur Blooger en juin 2004 - et la fin de l'année 2005, sur Cloudy Days - 3ème blog sur Blogger - je pouvais compter les commentaires sur les doigts d'une main.
Ce n'est qu'en juin 2006, au moment au Google m'a proposé de tester Analytics, que j'ai commencé à me renseigner sur le nombre de visiteurs qui pouvaient bien échouer sur ce blog. J'avais doté mon site d'un compteur mais pas mes blogs. Ceci pour vous dire que, si j'apprécie les retours, les critiques, les encouragements, etc. je peux parfaitement m'en passer et ne pas m'arrêter de blogguer pour autant. ce qui ne semble pas être le cas de nombreuses personnes, à qui il faut nécessairement un lectorat. Mais si Kafka avait lui même été dans cet état d'esprit, écrire pour que les autres le lisent, je crois qu'il ne serait pas l'immense auteur que l'on connait. Bien entendu: aucun rapport entre Kafka et moi. Ceci pour vous dire qu'avant tout, je prends plaisir à me relire, à suivre les méandres de mon propre blog, sorte de jalon, de repère parallèle au cours de mon existence. Un bloc-notes, avant tout, un journal que je partage avec qqs personnes au grès des rencontres hazardeuses.
Je crois que c'est cette dimension que certains n'arrivent pas à saisir, parce qu'ils confondent trop souvent le modèle de la presse, ou même les magazines et les livres, avec les blogs.
La réaction du Poireau et les réactions que j'ai pu voir fleurir de-ci de-là, à mon sujet, m'on remis en tête une petite phrase de Céline: "La France est bourrique, c'est plein la Commandantur des personnes qui viennent dénoncer... Elles vont au Parquet ensuite... le lendemain elles retournent rue de Rivoli... Au nom de la Patrie toujours ! donner le copain, la copine... comme ça ne perdant une minute... Le Fiel est roi ! Regardez la gueule du trèpe, c'est du long cauchemar en figures. C'est tout obscène par le visage. Parties honteuses remontées au jour."
Bon, je pense aussi me replonger dans "Masse et Puissance" de Canetti, qui me semble tout à fait d'actualité, avec son analyse des phénomènes de meutes.
Quant à mon portrait, Jean-Louis, vous n'êtes pas trop loin de la façon dont je me vois et je le trouve plutôt réussi. C'est le niveau de ma misanthropie qu'il faut que j'examine. Je n'arrive pas trop à la situer sur la palette. Mais, il me semble que je suis encore assez loin des excès de Schopenhauer. Non ?
Bonne soirée, Jean-Louis et merci pour la confiance que vous m'accordez.
Cher le coucou (ou cher Coucou),
Vous avez fait ce que vous aviez à faire ! Et avec classe, comme on a dit.
Dans votre situation, soit on reste copain avec tout le monde, soit on reste tout seul.
Sachant que, suivant la seconde hypothèse, dans les 3 ou 4 ans qui suivent, les ennemis d'hier devinent amis, boivent des coups, parlent du bon vieux temps et vous évoquent brièvement, tandis que vous grelottez tout seul en hiver frappé par la grippe.
Je vous salue bien amicalement, et à très bientôt ! :-)
Bonsoir,
Beau billet effectivement. Je ne vous connais pas mais je suis bien heureuse d'être passée ici. Je connais Nicolas dont j'apprécie la verve. Il me fait penser à Audiard ou René Fallet. Son écriture est dans la vie et les personnages dont il nous racontent les aventures existent vraiment. Je ne manque jamais un passage à Paris pour passer le saluer à la Comète. Ne connaissant pas Scheiro, je n'emettrais pas de commentaire à son sujet. Je blogue depuis 4 ans déjà même si le blog sur lequel mon commentaire pointe est très récent. Des disputes et des réconciliations j'en ai lu et vécu un paquet. Des questions sur le pourquoi du comment "je blogue", je m'en suis posées aussi beaucoup. Je sais aujourd'hui que s'il y a une chose que nous partageons tous en tout cas c'est la passion de l'écriture et des choses de l'existence. Le reste passera bien comme toujours. Belle soirée à vous tous en tout cas.
Cher coucou, j'en déduis que vous êtes passé sur mon blog pour constater les dégats... C'est dommage quand même. La vulgarité n'est que pollution de l'esprit.
Je réponds tard aux derniers commentaires : j'étais occupé ailleurs…
Scheiro, votre réponse me rassérène malgré le petit coup de billard célinien pour mordre encore un peu. Personnellement, je préfère tenter de contester des arguments que d'étriller des personnes —exception faite de la caricature des politiques, une autre histoire.
Balmeyer, votre visite est une très agréable surprise. Ce que vous dites éclaire parfaitement cet incident de parcours, j'en apprécie la lucidité!
Sylvie, je me réjouis de la même manière de votre commentaire pertinent, vous que je lisais déjà régulièrement…
Holmer, votre déduction est juste, comme la remarque… Bienvenu !
coucou : j'exagérais un peu, quand même, mais ce genre de chose m'est "presque" arrivé hors des blogs. Etre en porte-à-faux n'est jamais agréable...
C'est en effet inconfortable, mais comme finalement les protagonistes sont des gens sensés, tout va bien! :-)
Cher coucou,
Je suis un vieux camarade de Scheiro, débarquant chez vous, comme tant d'autres, pour suivre cet énième épisode des chamailleries entre blogueurs..
Je découvre a travers ce texte un esprit et une plume emprunts de justesse, de sincérité et de simplicité... qualités a mes yeux plutôt rares dans la vie comme dans la bloggosphere.
je me permets donc de vous saluer en passant, et de vous souhaiter une bonne continuation.
salut !
Bonjour Sieur Coucou,
Je me joins aux autres commentateurs pour saluer votre billet, sa finesse, sa sagesse et la plume qui l'a écrit.
Un peu comme Raf, je découvre votre blog via les "batailles" des derniers jours... Mauvaise cause sans doute pour une chose dont je me réjouis pourtant.
Ainsi... à bientôt !
Bonne journée à vous
Et moi... vieux con réac' que je suis, je regrette souvent le bon vieux temps des duels.
Enregistrer un commentaire