samedi 14 juin 2008

Conseils au maire débutant —15

Le maire d'aujourd'hui, particulièrement s'il est en cours de débourrage et se découvre rétif aux lourdeurs de sa charge, plus assommantes qu'il ne croyait, le maire moderne, peut ressentir un légitime désir d'envoyer promener des pratiques qui ont fait leur temps. Comprenant un peu tard qu'il en a pris pour six ans, il arrive qu'il s'abandonne à la mélancolie, voire même, le front méditatif contre la vitre, qu'il songe à la démission. Ce chapitre lui est particulièrement destiné, car un maire déprimé rend bientôt son village malheureux. Pour retrouver le goût d'administrer, rien ne vaut la décision de réformer, l'ivresse de la création. Et de nos jours, le champ est vaste qui s'offre à l'élu imaginatif, pour peu qu'il soit disposé à jeter à bas les vieilles lunes d'une gestion municipale compassée. L'un des plus redoutables facteurs d'ennui réside dans les demandes ou plaintes d'administrés pinailleurs, sources de discussions oiseuses, et qu'on ne sait par quel bout prendre. Eh bien, par le petit bout, justement ! Une fois exposée rapidement la requête, faites donc tirer la délibération du conseil à la courte paille, par deux conseillers de chaque camp représenté dans la municipalité. En faisant successivement appel à tous les élus présents pour la suite des questions prévues par l'ordre du jour, chacun aura le sentiment gratifiant d'avoir rempli son rôle, et l'efficacité du conseil en sera grandement améliorée. La procédure rodée, le maire devrait être en mesure de lever la séance au bout de dix minutes au maximum, ce qui permettrait de rentrer chez soi avant le début du journal télévisé, ce dont tout le monde lui saura gré.
Un autre moyen de faire de la gestion municipale un pur plaisir et de contribuer simultanément à l'attractivité de la commune, consistera à tenir, aux beaux jours, les séances publiques du conseil en plein air. Pour ce faire, on choisira de préférence le dimanche après-midi et l'on se réunira au terrain de boules. Dans ce dernier cas, le débat se tiendra autour du cochonnet, et la solution des problèmes en suspens découlera du score final d'une partie de pétanque, majorité contre opposition. La dite opposition, défavorisée par le nombre, ne devrait pas l'emporter : le rapport des forces issu du scrutin municipal se trouvant préservé, la démocratie sera sauve.
On voit tout le bénéfice qu'une telle modernisation de la vie locale apporterait à un village, par l'afflux de visiteurs qui s'en suivrait, la vente de cartes postales, l'essor du commerce local… Un maire et des conseillers bronzés, détendus, l'image du bonheur municipal.

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