dimanche 22 juin 2008

L'opinion a bon dos

La démocratie participative a mauvaise presse auprès du monde politique et d'une partie des intellectuels proches de celui-ci. Ils y voient même un mal dont souffrirait l'Europe, non seulement l'Union en elle-même, mais aussi les pays qui la composent. Pour eux, en simplifiant, l'on pourrait dire qu'une sorte de lobby démagogique est à l'œuvre qui pourrirait le fonctionnement normal de la démocratie dans nos pays. Le rejet du Traité de Lisbonne par les irlandais, après celui de la constitution par les Pays Bas et la France, serait un symptôme révélateur de l'individualisme égoïste à l'affût sous la démocratie populaire. Pour ce qui est de la France, dans le cas de l'échec du référendum européen, ce jugement fait bon marché, me semble-t-il, du grand débat national qui précéda cet échec. Et singulièrement, il oublie que le bal des NON au référendum fut mené par des représentants élus des français. Leurs motivations furent pour certains, basses et individualistes, comme la prise de position de M. Fabius qui sacrifia délibérément la construction européenne à la poursuite de sa carrière politique. Si quelque chose est malade dans la démocratie, c'est d'abord du côté des représentants du peuple qu'il faut le chercher. D'ailleurs, où sont les instruments de ce populisme plébiscitaire qui minerait aujourd'hui la vie publique ? Le peuple français, une fois passé son jour de gloire électorale, est désarmé face au pouvoir. Il ne peut que subir. Enfin, il est difficile de voir par quel moyen s'exercerait cet excès de démocratie que dénoncent les gens dont je parle ; s'agit-il des sondages d'opinion ? Ceux-ci n'ont rien de démocratique, précisément : ils ne sanctionnent aucun débat, ne font suite à aucune réflexion de la population, mais au mieux, constatent une impression globale ressentie par elle sur un sujet donné. Rien ne prouve qu'à propos de ce même sujet, l'Opinion Publique mise devant ses responsabilités, avec des éléments d'appréciation solides, ne se déjugerait pas dans un vote. Il n'existe pas de démocratie directe chez nous. Il existe par contre une aspiration profonde à celle-ci, un désir d'avoir son mot à dire dans certaines prises de décisions, comme par exemple la naissance des lois, car une loi dont le bien-fondé n'est pas reconnu par la majorité des citoyens est une mauvaise loi.

Un texte critique contre la démocratie d'opinion : L'Europe malade de la démocratie, par Philippe Riès —Éditions Grasset

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