Le baril de pétrole dépasse 143$ . Les routiers bloquent les routes, les pêcheurs disent qu'ils vont couler, les taxis, les ambulanciers s'affolent, et l'automobiliste ordinaire ne sait plus à quel saint se vouer. Pour ce dernier, hébété déjà d'inflation, de baisse du pouvoir d'achat, d'inquiétudes multiples sur l'avenir, il n'y a guère de soulagement à espérer d'une quelconque autorité quant au prix du carburant. Mais il n'est pas interdit de croire au Père Noël en été, et l'on pourrait imaginer une action revendicative nationale pour crier sa colère contre Esso, Total, et les autres qui, eux, continuent de faire des bénéfices monstrueux avec le pétrole et se foutent bien des routiers, des taxis, des ambulanciers et des automobilistes. L'action consisterait, chacun dans sa voiture, à rejoindre les routiers afin de bloquer toutes les routes du pays. Les pêcheurs, qui doivent bien avoir une bagnole, eux aussi, arriveraient à la rescousse avec les agriculteurs en tracteurs, les taxis bien sûr, et les terrassiers, les tondeurs de pelouse, les motards : tout le monde motorisé, quoi ! Pas une route de France sans protestataire, dans le plus fantastique bouchon de tous les temps. Et attention ! N'imaginez pas un mouvement de ras-le-bol d'une journée, non. On aurait des provisions de bouche en suffisance pour tenir, car il s'agirait d'un bouchon illimité dans la durée. Ce serait une nouvelle révolution de Juillet. Dès la nuit du premier jour, la nouvelle a fait le tour du monde, le baril est à 200$ —au lieu d'atteindre ce niveau l'an prochain—, le lendemain tous les pays européens nous imitent et les gouvernements démissionnent les uns après les autres. Ce qui fait grimper le baril encore plus haut, plus vite… Parce que, plaisanterie mise à part, nous sommes pris dans une logique folle : la fin du pétrole se rapproche, le pétrole bon marché n'existe plus, des milliards de gens ont une bagnole et veulent l'utiliser. Tout et son contraire devient de nature à emballer les cours. Et simultanément, nous sommes placés devant l'obligation de réduire considérablement notre utilisation du pétrole si nous voulons laisser à nos proches, très proches descendants, une Terre encore habitable. Ce choc pétrolier nous prend de court, gens ordinaires, parce que nos gouvernements n'ont pas su l'anticiper, promouvoir quant il en était temps des modes de locomotion moins polluants et alternatifs au pétrole. Ils auraient dû le faire, car ils savaient, mais la même logique folle à l'œuvre depuis longtemps faisait que l'industrie pétrolière s'y opposait. Nous payons leur manque de clairvoyance ou de courage. Il reste qu'un prix du carburant élevé est une nécessité, indépendamment de la crise actuelle. Il va contraindre le monde entier à lutter contre le changement climatique plus fort et plus vite. Et ça c'est une chance.
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