Quel drôle de type, notre président ! Durant sa campagne électorale, il avait prononcé un ou deux beaux discours imprégnés d'humanisme, avec de réels accents de sincérité. Bon, il s'agissait de discours sur mesures, nés d'une autre plume que la sienne, mais il se les était appropriés en les disant publiquement : on doit donc les mettre à son crédit. Une fois en fonction, M. Sarkosy a réalisé au pas de charge une partie de ce qu'il avait promis de faire, et là, beaucoup de français qui avaient, selon toute vraisemblance, pourtant voté pour lui, ont commencé à déchanter, sans apprécier ce que cette façon de mettre en accord paroles et actes avait de novateur chez un président. Il a aussi débuté son mandat en envoyant promener de solides tabous : une manière jubilatoire et clanique de s'installer à l'Élysée, son divorce, son remariage avec Carla Bruni… C'était plutôt marrant, cet homme heureux de vivre, là où l'on attendait un commandeur compassé. Malheureusement, il y avait aussi ses mauvaises manières de parvenu : l'affichage complaisant de sa vie privée, les vacances ou escapades choquantes, les relations trop évidentes avec les milliardaires tributaires de l'état… Cela lui a coûté cher en popularité, apparemment, sans que l'on puisse clairement démêler, chez les mécontents, la part des citoyens offensés de celle des petits-bourgeois pudibonds. Passons. M. Sarkosy n'a pas hésité à mouiller sa chemise pour des causes humanitaires, comme le cas d'Ingrid Betancourt, et il importe peu de savoir si ses intentions étaient totalement désintéressées. Récemment encore, au Liban, en Israel et auprès des palestiniens, il a tenu des propos courageux et forts, tandis que parallèlement il avait initié une réforme des institutions témoignant de sa volonté de tenir encore d'autres promesses. Un poil de contrôle parlementaire en plus, une présidence limitée à deux mandats, le germe d'une moralisation du sénat… Sans oublier bien entendu sa diabolique ouverture à gauche avec la présence de Mme Amara ou de M. Kouchner au gouvernement et les approches de séduction auprès de quelques autres. On peut y voir des gadgets destinés à semer la discorde à gauche, le désir d'imposer au gouvernement une vision moins exclusive de la société, l'un n'excluant pas l'autre. Bref, M. Sarkosy est un président étrange. On trouve autant chez lui de propos sympathiques que franchement odieux, et sa volonté de moderniser la vie publique est réelle (dans les limites de ce que l'on peut attendre d'un professionnel de la politique en France). Néanmoins, il apparaît au bout du compte que certaines de ses décisions sont lourdes de mauvaises conséquences, tandis que ses bonnes paroles restent des paroles. Ainsi, lorsqu'il annonce la disparition de la publicité dans l'audiovisuel public —un pur fait du prince imposé au pays sans véritable consultation—, il torpille purement et simplement les médias de service public tout en faisant un beau cadeau à ses amis personnels du privé. Plus grave encore, lorsqu'il prétend désigner à l'avenir lui-même le président de France-Télévision, en fait de modernité, il nous renvoie des décennies en arrière et se propose de créer une télévision à ses ordres. On voit d'ici ce que deviendra le paysage audiovisuel à l'approche de prochaines élections : un service public domestiqué, avec en face les télés commerciales tenues par des copains pleins de gratitude… M. Sarkosy semble, en fait, balancer en permanence entre un verbe généreux et des actes empreints d'un bonapartisme franchement inquiétant.
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