Nous, les français, sommes souvent confondants d'aveuglement. Un jour lointain, on nous a offert une belle devise dont nous avons longtemps été fiers : liberté, égalité, fraternité. Nous l'avons gravée aux frontons des mairies ; de temps à autre, nous nous sommes enflammés d'historiques colères, nous réclamant d'elle. La belle devise nous enivrait comme une boisson irrésistible dont nous avions quotidiennement besoin pour alimenter nos rêves de lendemains meilleurs. Puis au fil des républiques, l'eau a coulé sous les ponts, de citoyens nous sommes devenus des consommateurs. Aujourd'hui, lorsque nous nous souvenons de la devise révolutionnaire, surtout des deux premiers mots, c'est essentiellement pour râler parce que nos intérêts personnels sont contrariés. Sans paraître nous rappeler tout ce que notre société doit à l'usage de ces trois mots, et singulièrement du dernier : fraternité. Sous notre nez, sous nos yeux, le monde civilisé que nous avons connu se défait : défait, l'espoir de recevoir un salaire convenable pour notre travail ; défaites, les lois qui nous protégeaient tant bien que mal dans la vie professionnelle ; défaite, l'assurance d'être bien soignés lorsque nous serons malades un jour ou l'autre, et celle de donner une bonne éducation à nos enfants ; défaite, la relative équité de la participation attendue de chacun aux dépenses du pays, par les taxes et l'impôt… Tout cela fiche le camp doucement, de même que dépérissent les idéaux de notre nation comme le droit d'asile, l'accueil des étrangers, la laïcité, et bien d'autres choses encore —une générosité collective acceptée de tous en rempart contre nos égoïsmes. Si nous laissons partir tout cela dans l'indifférence, chacun de nous sera bientôt à peu près seul pour "se débrouiller" avec les miettes de droits qu'on lui aura laissées pour vivre. Quand une écrasante majorité de français a élu Sarkosy comme président, ils ont choisi un homme qui leur promettait de les aider à bien se débrouiller pour gagner davantage d'argent. Et depuis, il s'efforce de mettre en place les règles nouvelles de la débrouille, grâce auxquelles, en jouant des coudes et en sacrifiant leur qualité de vie, quelques uns grappilleront peut-être un peu de pouvoir d'achat. Pour l'instant, c'est surtout lui qui s'est bien débrouillé, question qualité de vie. Une majorité de français regrette à présent l'élection de Sarkosy, tout en se recroquevillant dans un fatalisme impuissant, comme si tout était dit jusqu'à l'élection suivante. C'est oublier que la vie sociale est faite aussi de luttes collectives, et qu'en redevenant des citoyens actifs nous aurions de nombreuses occasions d'envoyer au président et au gouvernement un message qui serait tôt ou tard entendu : «Ça suffit !»
2 commentaires:
Pour rebondir sur votre appel à la citoyenneté, il faut savoir que beaucoup de personnes s'illusionnent à penser, à leur détriement, que les luttes corporatistes, suffiront à freiner la machine infernale qui est en marche.
Malheureusement c'est une prise de conscience générale qui sera déterminente pour notre avenir surtout celle de nos enfants.
1998 : Un million et demi de Français réunis pour fêter la victoire des bleus à Paris
Des milliers dans d’autres grandes villes pour le foot les Français sont capable de se mobiliser
Il serait plus judicieux de se mobiliser pour des causes plus sérieuses.
2008 : Pourquoi n’y a-t-il pas de déferlement populaire et de mouvement de cohésion sociale pour la flambée du prix du pétrole pour les retraites pour l’éducation etc.…
Si chaque citoyen qui a besoin de sa voiture pour aller travailler soutenait le mouvement des pêcheurs, des taxis, des routiers.
Si seul le foot est capable de susciter des mouvements collectifs d’une telle ampleur, rapprocher des catégories que tout sépare habituellement c’est que finalement les Français sont content tout va bien et le prix du pétrole va continué à flamber ?
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